Fly away || Sherveen

episode i : first sun

Quinze ans à vivre ici, et pourtant, tu ne connais pas les galeries que vous traversez, escortés par des soldats dont l’organisation ne t’évoque rien. Quinze ans coupé d’un monde qui te rattrape alors que vous montez vers la surface, quinze ans à te nourrir des histoires de ceux qui ont déjà connu la liberté pour l’imaginer, t’en faire des images fantasmées, caresser vaguement du doigt l’envie, la fabulation d’un jour voir la surface, toi aussi.

La lumière au bout de la galerie te fait ralentir, incapable de réaliser vraiment ce qui se passe, de réaliser que tu n’es plus esclave, que tu vas fouler la surface en tant qu’homme libre, telle une renaissance. As-tu seulement existé, dans ces profondeurs sous tes pieds ?

Pas vraiment.

La lumière éclaire des bottines qui tiennent à peine sur tes pieds, les noies d’une luminosité incroyable, et d’un coup, t’es là. T’es dehors.

Ça te grille la rétine, t’aveugle, noie tes sens. La lumière, l’air si pur, le vent dans tes cheveux, les odeurs vibrantes, les bruits. Tu plaques une main sur tes yeux, sifflant douloureusement, mets quelques minutes avant de pouvoir à nouveau regarder, que ça soit supportable. L’horizon qui s’étire à l’infini, des soleils, d’immenses boules de lumière, des gens, tellement de gens et ces monstres métalliques, ces vaisseaux qui filent au-dessus de vos têtes, énormes, gracieux. Tu ne sais pas quoi regarder, il y a tellement, tellement de choses. Plus que tout ce que tu pouvais imaginer, tes rêves si fades face à la réalité. Les larmes roulent sur tes joues et t’as aucune idée si c’est dû à tes yeux éprouvés ou l’émotion qui t’enserre la poitrine et t’empêche de prononcer le moindre mot.

episode ii : first fly

T’as pas hésité quand Hacgor te propose d’embarquer avec lui dans son chasseur, leur silhouette véloce ayant attiré ton regard dès lors que tu les as découverts. Et maintenant, alors que le vaisseau manœuvre dans l’espace, t’as l’impression de vivre quelque chose de fabuleux, sourire débile aux lèvres, l’éclat dans l'œil que l’autre soldat ne manque pas, amusé d’impressionner de la sorte la recrue que t’es.

“Tu veux essayer ?”

Il s’attend pas à ce que tu dises oui. Pense que tu vas te défiler, trouver ça trop gros, trop compliqué. T’es de cette fournée d’anciens esclaves vaguement lettrés qui ont voulu rejoindre le First Order et on s’attend pas à grand chose de vous. Pourtant, ton hésitation est à peine perspective avant que tu acquiesces, sous le regard étonné du plus vieux. Pourtant, il te montre, t’explique, te passe les commandes.

Et tu essaies.
C’est encore meilleur que quand on se contente de regarder.

T’es maladroit, mais tu comprends vite comment ça fonctionne, comment diriger le chasseur, accélérer, ralentir, et si c’est pas le vol le plus gracieux qu’il ait fait, c’est quand même toi qui le mènes, toi qui décides, toi qui as l’impression que rien n’est impossible, qu’à cette émotion grisante, exaltante de bonheur qui te donne envie de jamais arrêter, de passer toute ta foutue vie à faire ça, à apprendre comment le faire mieux, devenir un pilote émérite.

Tu t’es jamais senti aussi libre et bien de ta vie.

episode iii : first crash

Un simple vol de routine, une patrouille banale, le genre où il ne se passe jamais rien, dont on attend rien. T’étais même pas censé la faire, mais t’as remplacé un frère d’arme à la dernière minute, filant dans les cieux de Naboo, attentif.

Et la seconde d’après, Bogwing roule pour se soustraire à des tirs ennemis alors que tu siffles des jurons entre tes dents.

“Base Alpha ici Bogwing ! Je suis attaqué, je répète, je suis attaqué !”

Tu manœuvres, remontes en chandelle pendant qu’Alpha crache l'arrivée de renfort à travers les parasites de ta radio. Tu ne reconnais pas l’autre vaisseau, rien de distinctif, n’hésites pas à lâcher vers lui une salve à la seconde qu’il est dans ta mire. L’autre est doué, vous enchaînez les manœuvres, les attaques, les esquives et feintes, dans un ballet ou la moindre faille peut se révéler mortelle.

Les impacts résonnes contre la carlingue de ton chasseur, une explosion vous secoue et avant que tu puisses le réaliser, que ton cerveau puisse donner un sens à ce que tes yeux te transmettent, t’es en train de plonger vers la canopée, l’aile droite fumante, tordue, le cockpit résonnant d’alarmes et t’étourdissant de lumières rouges.

T’as pas le temps d’avoir peur. Tu paniques pas, assistes à ta catastrophe, les mains accrochées sur les contrôles, les réflexes d’une carrière tentant de redresser le nez de l’appareil alors que les premières branches se brisent sous l’impact.

Des feuilles, des branches, des troncs, ça cogne, te secoue, crise contre la carlingue et tu es minuscule, fragile, dans cette coque de métal soumise à une physique qui laisse peu de chance de survie. Bogwing finit de se briser contre un tronc plus gros que les autres, éventré, tordu, avec toi, pantin fracassé et miraculé abandonné aux bras de l’inconscience.  

episode iv : bogwing i & ii

Ta peau te gratte sous ton plâtre et à présent que ton supérieur est parti, te laissant les plans de ton futur chasseur sous le nez, tu peux laisser libre cours à ta mauvaise humeur.

Des années de soins, d’améliorations, à emmerder Hadassa ou Horion, voir les deux en même temps. Pour-ci, pour-ça, le vaisseau tellement bidouillé qu’il en était fait sur mesure pour toi, tellement à ta main qu’il en était une extension de toi, ton corps de métal, tes ailes.

L’autre sera jamais aussi bien. C’est même pas une opinion, c’est une réalité.

Bogwing c’était TON vaisseau. Celui qu’on t’as confié, celui avec lequel t’as affronté ta première bataille, avec lequel tu t’es fait la main, celui avec lequel tu t’es illustré à Sharyyyk.

Tu repousses sèchement les plans, le regard fixé contre le mur d’une de ces innombrables chambres de l’hôpital militaire.

Sentimental, va.    

episode v : bb-j22 aka bzz

BB-J22, c’est ton droïde, une unité BB noir et jaune que tu surnommes affectueusement “Bzz”. Ton partenaire de tout moment, assistant de choix, fidèle et horripilant au possible. Bzz c’est l’acolyte qui vient t’écraser les pieds pour te rappeler de pas louper un repas, qui met le feu à tes fringues quand elles sont trop usées et que tu rechignes à en acheter de nouvelles, qui te dit de pas oublier les capotes quand tu sors le soir, comble de la prévenance. Heureusement, c’est aussi l’assistant qui chouchoute ton vaisseau, ajuste les calculs de vols, garde un œil sur le pilote automatique quand la fatigue t'assomme. T’as beau râler contre lui, le menacer de le vendre au prochain jawa que tu vas croiser, vous formez une équipe de feu et tu passes sans soucis des heures à prendre soin de lui et à veiller à éviter le moindre souci dans ses circuits.