il manque un temps à ma vie (Novee)

Je pars pour quelques jours. C’est c’que cet idiot a dit. Ça veut dire quoi, quelques jours, d’abord ? Plutôt deux ou plutôt cinq ? Là ça en fait sept. Une semaine entière et cet abruti est toujours pas revenu. J’sais qu’il faut laisser respirer les humains et pas trop en leur demander. Mais une semaine. Pourquoi il a pas dit je pars pour une semaine ? Ou plus, s’il a pas l’intention de se ramener. Quelques jours, rien que les mots me tapent sur le système. Ça veut rien dire, quelques jours, ça se fait il s’est barré pour toujours. Est-ce que Vee me ferait ça ? Je sais plus trop à quoi m’attendre, avec lui, depuis qu’il m’a payé une crise devant le palais impérial. Il a très bien pu rejoindre l’Empire en cachette. Avec leurs casques à la con, on le retrouvera jamais. Sauf avec sa jambe. Ma jambe. Honnêtement, je suis pas pour les materner au point de suivre leur faits et gestes, mais parfois c’est nécessaire. Parce que cet imbécile a sûrement pas pris assez de vêtements de rechange et qu’il est incapable de prendre soin de lui tout seul. Il doit puer à l’heure qu’il est. Et que j’compte pas le laisser crever si facilement.
Ça me prend pas longtemps, pour emprunter du matos au Bumblebee sans demander l’avis de personne, repérer le point lumineux sur la carte qui bouge pas beaucoup – il a pas intérêt à être mort – et préparer un sac avec des affaires. J’enregistre la position dans ma mémoire, me recharge un peu parce que ça a l’air d’être en pleine cambrousse et que j’ai pas envie de me mettre en veille au milieu de nulle part. Il fout quoi en dehors de Theed, sérieusement ? Peut-être qu’il voulait calmer ses allergies. Bien que ça doit être pire, là-bas.  Une fois bien chargé, je réquisitionne un speeder abandonné à l’entrée du vaisseau et prend la route qui quitte la capitale pour la broussaille et les lacs. Je finis par m’arrêter devant le portail d’une ferme à banthas pas si éloignée, blasé par la vision campagnarde presque idyllique qui s’offre à moi. Je comprendrai jamais les humains. Mais le tracker placé dans ma jambe indique bien cet emplacement. Cette ferme. Je laisse le speeder devant et pousse le portique, suit le sentier jusqu’au bâtiment principal, vite dérangé par la forte odeur des bestioles. Qui est l’enfoiré qui m’a doté de l’odorat ? M’en rappelle plus. Nul doute que Vee sent pareil, à présent. J’ai pas spécialement de temps à perdre à chercher après lui, alors j’opte pour la solution la plus efficace : MAVEE WAUL, get your ass over here, you stupid moron, gueulé dans la cour.

Il est parti. Il n'a pas dit pourquoi, il n'a pas dit combien de temps. Vee a rempli un sac, à un moment. Le corps tendu par les derniers sommeils, l'esprit envahi par des souvenirs d'ailleurs, il a pris son sac, l'a rempli et offert un dernier regard à Jun-0. Peut-être qu'il a eu envie de lui dire de venir avec lui. Vee n'aime pas être seul, après tout. Il déteste la solitude autant qu'il méprise la présence d'autres individus bruyants autour de lui. La perfection n'existe pas pour le médic. Il n'est jamais confortable, jamais entièrement bien. Peut-être qu'il s'agit d'un problème pour tous et chacun ; il n'en a que faire. Il s'agit du sien à l'instant. De ses maux, de ses peines.
Il a du mal à respirer, dans le vaisseau. Il a du mal à les dévisager, eux, tandis qu'ils demandent au détour d'un couloir s'il va bien, s'il a besoin de quelque chose. Deux verres dans le nez, écrasé sur son fauteuil, Gabyn prend toujours le temps de s'informer, de se rassurer. Vee leur offre les réponses qu'ils veulent entendre depuis des mois maintenant.
Les mots brûlent sur sa langue ; il ne va pas bien, il n'ira pas bien.
Il les vomit tant il les dit souvent. Il les vomit et sa gorge brule, brule et brule à force de les répéter encore et encore.
Il avait besoin de partir, il s'en est allé. Le médoc ne sait toujours pas, pourtant, ce qu'il fout dans cette ferme. Il n'aime pas les animaux, pas particulièrement. Les banthas le dévisagent d'un air bête depuis des jours, maintenant. Si l'endroit est vide de présence humaine, eux sont envahissants. Certainement habitués par la présence de leur propriétaire, ils ne demandent qu'à s'approcher de lui dés qu'il se trouve proche des enclos.
Il n'en a pas particulièrement envie. L'iris est sombre, les mâchoires braquées et une boule au ventre. Il lui faut trois jours pour s'approcher des bêtes. L'une d'elles, plus curieuse, s'approche de la clôture et tandis qu'il tend les doigts, y dépose une atroce quantité de bave avant d'appuyer son front contre les doigts salis. Il se sent stupide lorsqu'il se rend compte qu'il contient des larmes même devant une bête à l'intelligence limitée et, dans les instants suivants, se noie dans ses propres sanglots, le visage enfoui dans un pelage à l'odeur aussi forte que réconfortante.
Il s'occupe d'eux, depuis. Il ne sait pas comment, ne sait rien d'eux et, en vérité, pourquoi vouloir s'occuper d'autres lorsqu'il ne sait même pas prendre soin de lui-même ? Mais Vee n'a pas oublié son métier, jamais, qu'importe les coups sur sa tête et les merdes faites à l'intérieur de son esprit.
Les cernes sont creuses sous ses yeux ; le sommeil ne vient pas, le temps est occupé ailleurs. Il s'occupe d'eux à défaut de s'occuper de lui. Les bruits sont moindres dans les environs ; assez minimes pour qu'un sursaut ne le prenne à rien, pour que le corps se tend et que le souffle se taise quelques secondes lorsqu'il entend une différence dans l'ambiance. Les vaisseaux sont rares.
il se tend alors ; le corps entier devient une mine proche de l'explosion tandis qu'un bruit se fait entendre. Un speeder certainement, juste passant sur la route. Mavee reste les mains dans contre le manche d'une fourche, les jointures blanches, attentif. Il ne bouge pas. Le bruit cesse.
Il ne s'éloigne pas ; il cesse juste. Le compte à rebours commence, lentement, brusquement. Les mains font mal, sur le manche. Le bois est froid et il n'a pas mis de gants. Il fait chaud à travailler ; Vee ne juge pas bon de se couvrir convenablement.
- MAVEE WAUL, get your ass over here, you stupid moron Il y a quelque chose qui se calme dans le corps, avec les cris. La tension s'apaise sans pourtant disparaitre ; il y a l'ombre d'une colère, en lui, et un bonheur aussi, ignoré, de l'entendre.
La solitude pèse. Vee la cherche autant qu'il la fuit. Il déteste le regard des gens sur lui et s'indigne quand on ne lui accorde un moindre regard.
De brèves secondes avant qu'il ne sorte de la grande. Un banthas le suit ; Vee ne saurait pas l'identifier, mais il aime croire qu'il s'agit de celui ayant porté ses larmes.
- Tu fous quoi ici ? qu'il gronde, la fourche toujours à la main, faisant que de maigre pas à l'extérieur du bâtiment. Il observe l'autre par au delà de la barrière. j'me souviens pas avoir lancer une invitation à m'suivre. c'est quoi, tu m'ramènes de l'huile pour les articulations ? tu viens t'assurer que j'suis pas en rave party avec l'empire ? Il croise ses bras, tel un enfant, à ses mots. Avec la fourche, la chose est moindrement compliquée. Si Vee tente de ne pas le laisser voir, il échoue lamentablement. Un grondement traverse sa gorge avant qu'il la plante dans le sol, simplement.

J’attends pas très longtemps, avant qu’il sorte de sa planque, quelques secondes s’écoulent et il apparaît déjà, suivi d’un paisible bantha. Tant mieux, j’avais pas spécialement envie de retourner cette ferme pour le trouver, c’est pas tellement mon élément, ici. J’suis mieux dans les vaisseaux ou en ville, la campagne, c’est pas pour moi. C’est pas pour Vee non plus, à en croire sa gueule. Mais il avait sûrement déjà cette gueule-là avant, c’est juste qu’à la lumière crue du jour c’est plus voyant. Les cernes creusés et sombres, les cheveux en bataille, le teint blafard. Mes scans m’indiquent un manque de sommeil critique et d’autres signes pas très heureux. Le corps n’a pas assez de chaleur, non plus, il se balade sans gant et trop légèrement vêtu pour la saison. Comme quoi, j’avais pas tort de penser qu’il a besoin de moi. Apparemment, il a viré fermier, à en croire la fourche et l’animal qui le suit avec amour, presque à baver sur son épaule. Je plisse un peu le nez, l’odeur est forte. Probablement que Vee s’y est déjà habitué, depuis la semaine dernière. Il s’en est imprégné, aussi, à n’en pas douter. Tu fous quoi ici ? L’imitant, je m’approche de la barrière de mon côté. J’ai pas trop peur de Vee le fermier défendant ses terres. j'me souviens pas avoir lancer une invitation à m'suivre. c'est quoi, tu m'ramènes de l'huile pour les articulations ? tu viens t'assurer que j'suis pas en rave party avec l'empire ? Je l’observe avec un sourire narquois, tandis qu’il se débat quelque peu avec sa fourche pour rester digne, grognement de frustration à la clé. A la campagne ou ailleurs, Vee ne change pas, il aura toujours cette rudesse et cette manière de grommeler plutôt que de parler. Ça m’empêche pas de savoir qu’il est content de me voir.
T’as une gueule à chier, que j’lui lance sans répondre à ses questions, passant la barrière pour la refermer correctement. J’tiens pas à devoir rattraper des banthas en vadrouille plus tard. J’t’ai apporté des vêtements plus chauds qu’ça, et d’la comfort food. T’es pas content ? Un peu brusque, je lui balance le sac entre les bras, jetant un coup d’œil aux alentours. Visiblement, il est sorti d’une grange, mais d’autres bâtiments sont présents, la plupart fermé. J’me demande qui est l’énergumène qui a bien voulu l’engager comme fermier, dans le coin. Mes yeux reviennent sur lui, un moment. Alors ? Tu m’présentes pas à ton nouveau meilleur ami ?, mouvement de tête vers le bantha qui me gratifie d’un meuglement étrange. T’aurais pu attendre un peu avant d’me remplacer. J’vais rester quelques jours. Ils vont s’en plaindre, les proprios ? Je m’en fous, au fond, de l’avis d’inconnus, c’est juste que je me ferai plus discret s’ils aiment pas les androïdes. D’une main, j’attrape la fourche toujours enfoncée dans le sol. C’trop dangereux pour lui, ça, que j’marmonne à l’intention du bantha qui semble approuver mes dires d’une secousse de poils.

Vee joue les durs ; pourtant chez lui, tout est fragile. Ses paroles écorchent les gens vers lesquels il les dirige et ses regards, souvent, sont aussi acides que ses mots. Pourtant, le tout cache un peu plus aimant que blessant et des pensées resassées sans fin face au confort des autres. Vee pense aux autres, toujours, d'abord. Peu importe les paroles qu'il offre et les manières peu délicates qu'il possède, il existe toujours un fond d'inquiétude en lui comme une joie, souvent, de voir ceux qu'il apprécie. Sur le moment, il est partagé par les deux sentiments. La colère gronde face à la présence de l'autre et pourtant, la joie est un tendre émoi glissant en lui de le voir arriver si rapidement. Les jours ont été comptés, en vérité. Déjà, Vee s'est indigné. Machoire serrée et larmes au bord des cils, il a porté l'écho de ses sanglots par moment, dans les derniers jours, pour être seul. Pourtant, la chose était son propre choix. Vee ne connait pas sa propre logique, ni son propre bien. Il agit et réfléchit ensuite. Craquelé depuis la nuit des temps, il s'écorche lui-même sur ses plaies ouvertes, trop aiguisées.
Doué pour soigner les blessures des autres, il ne passe pas assez de temps pour panser les siennes. Il préfère les observer longuement, les dévisager et penser aux choses à faire sans pour autant les mettre en place. Quelque part, il juge que la chose ne vaut pas la peine.
Quitter le vaisseau et venir sur cette ferme reste, encore aujourd'hui, un événement flou. Il ne sait pas si c'était pour lui ou pour les autres. Peut-être, à un moment, il a eu envie de trouver un endroit pour mettre fin à ses joues. Il ne sait toujours pas. Le sentiment est là, lourd et présent, mais pourtant délicat. Vee ne s'y accroche pas. Il accepte juste sa présence.
- T’as une gueule à chier que lui dit l'androide, et Vee renifle lourdement, de morves et de dédain, avant de cracher le tout au sol. Noon ne s'en indigne pas ; il a l'habitude. Il préfère pénétrer dans l'enclos. Vee grimace une nouvelle fois. J’t’ai apporté des vêtements plus chauds qu’ça, et d’la comfort food. T’es pas content ?
La grimace s'accentue et Vee détourne le regard. Par le froid et l'émoi, les joues portent un rouge délicat. La nuque, comme les oreilles, n'y échappent pas. Une chaleur reste présente dans son ventre ; le bonheur face au geste. Impossible qu'il ne lui montre.
- mes vêtements sont chauds. qu'il gronde, le nez coulant et froid, aussi. La demeure posséde divers vêtements mais pour l'heure, Vee n'y a pas touché, outre une paire de gants un peu plus chaude. Il reste indigné face aux fermiers ayant abandonnés leurs bêtes, mais pas au point de les voler. Pas encore, du moins. Pas autre chose que de la nourriture, en tous cas.
Il doit bien se nourrir.
- Alors ? Tu m’présentes pas à ton nouveau meilleur ami ? T’aurais pu attendre un peu avant d’me remplacer. J’vais rester quelques jours. Ils vont s’en plaindre, les proprios ? Le médic se tord le coup pour dévisager la bête. Parfois, Vee a l'impression qu'elle le fixe. Qu'elle lit son âme et qu'elle le comprend. Quand la chose a lieu, il est plus souvent saoul qu'autre chose.
La réserve d'alcool a été trouvé, aussi.
- C’trop dangereux pour lui, ça
Le regard retourne vers Jun-0. Fourche à la main, il ne fait que l'énerver. Vee fronce des sourcils.
- Il comprend pas les boites de métal qu'il gronde, tendant la main pour prendre la fourche. La force de Noon est plus accentue que la sienne. Vee le dévisage un maigre seconde avant de lacher prise. garde la, j'm'en fous. qu'il fait en la lâchant. faudra t'occuper d'la merde par contre. qu'il ajoute, se tournant pour retourner à la grande. les fermiers doivent être enfouis en d'ssous, j'les ai pas croisé encore. ou p'être qu'il les a mangé. qu'il ajoute, désignant le bantha. j'vois pas pourquoi tu veux rester ici. ça va être gênant d'vant mon nouveau pote. c'pas une relation à trois.
Les portes de la grande coincent souvent, à cause de la neige. Vee parvient tout de même à les pousser. Le bantha suit toujours ; il faudra, bientôt, lui trouver un prénom. Vee n'est pas doué pour les prénoms.
Il lance un regard par dessus son épaule ; Noon est toujours là. Vee le dévisage, un moment. Les yeux aussi bleus que ses joues sont rouges.
- t'es vraiment chiant.
Le voir lui réchauffe autant le coeur qu'il le lui blesse.

Vee est borné. Ce n’est pas quelque chose qui peut s’ignorer. Même à l’article de la mort, il était borné, à faire la fine bouche pour une jambe de métal. Elle était très bien, celle que je lui avais dégotée au marché noir. Après tout, elle me sert encore très correctement aujourd’hui, j’ai pas à m’en plaindre. Mais monsieur n’en voulait pas. Et Vee peut faire la gueule pendant des jours, quand on lui dit qu’il raconte de la merde. Même s’il sait, au fond, qu’il raconte de la merde. Il préfère crever de froid que d’admettre que ses vêtements sont pourris, pour la météo actuelle, et si mes capteurs m’indiquent clairement que sa température corporelle est foireuse, il dira qu’c’est moi qui déconne. Il faut pas chercher à argumenter, avec lui, bien que j’puisse pas m’en empêcher, parfois. C’est mieux de trouver une manière détournée de lui imposer les choses. Pour ça que j’l’ai écouté, que j’ai gardé la jambe du marché noir pour moi, et que j’lui ai filé la mienne. Pour ça que j’ai pas essayé de le retenir, quand il a voulu partir quelques jours. J’savais que le raisonner serait impossible, et qu’au final, j’pouvais quand même garder un œil sur lui, à distance, si jamais sa petite virée s’éternisait. Pour ça que je n’ai qu’à lui jeter un regard narquois, un sourcil haussé, lorsqu’il balance que ses vêtements sont chauds. Je n’aurai qu’à poser le sac dans un coin et il finira bien par s’en servir. Peut-être pas tant que j’serai là pour le voir, mais viendra le moment où sa fierté craquèlera, et où il enfilera son manteau d’hiver à la con.
Vee est borné, oui. Ça change rien au fait qu’avec toute la volonté passive-agressive du monde, il peut pas récupérer sa fourche des mains d’une boîte de métal, comme il dit si bien. Là encore, mon expression se fait narquoise, et lorsqu’il capitule par les gestes mais pas par les mots, je ne fais qu’hausser les épaules, le gratifiant d’un hm-hm associé à un regard plein de sous-entendus. C’est pas un tas de bouses qui va me faire peur. Je joue les intendants pour un équipage de bras cassés depuis quatre ans, les banthas sont certainement plus propres qu’eux. les fermiers doivent être enfouis en d'ssous, j'les ai pas croisé encore. ou p'être qu'il les a mangé. J’sais pas si ça devrait m’étonner, qu’il ait jeté son dévolu sur une ferme à l’abandon. C’est quoi, une reconversion professionnelle ? Nous les androïdes, on sait ce qu’c’est, on nous change une puce et on passe de chirurgien à vendeur de patates en un clin d’œil. Pour les humains, le processus avait l’air plus complexe, mais faut croire que non. j'vois pas pourquoi tu veux rester ici. ça va être gênant d'vant mon nouveau pote. c'pas une relation à trois. Je le suis jusqu’à la grange toute proche, l’observe s’échiner sur les lourdes portes – un peu d’exercice physique peut pas lui faire de mal. t'es vraiment chiant. J’ai eu un bon modèle. J’entre dans la grange derrière le bestiau, pose la fourche contre un mur et examine un peu les alentours. Un vrai nid à bactéries, ça donne envie. T’as raison, j’vais rentrer. J’lui lance un regard en coin, léger rire qui m’échappe trop vite. Tire pas cette tête. J’vais rentrer. Dans trois jours. J’peux pas manquer la vie de Vee l’paysan. Ça doit valoir le coup d’œil. J’lâche le sac à mes pieds, me demandant où les propriétaires ont bien pu passer. Abandonner toutes ces bêtes, comme ça, c’est étrange. Des victimes de l’Empire ? J’préférerais que Vee soit en sécurité, ici. Tu dors là-dedans ? T’as bouffé des trucs moisis ? S’ils sont partis depuis longtemps, j’imagine que les casse-croûtes devaient pas être de première fraîcheur.

- J’ai eu un bon modèle.
Les lèvres ne se tordent pas, pas un brin. Vee fronce des sourcils, plutôt, quelque chose de noir dans l'iris. Si l'amusement peut l'effleurer moindrement, il se garde de le montrer en cet instant. Le médic est décidé, après tout, à montrer son fort mécontentement.
Il ne possède que peu de choses pour le faire ; Vee pourrait aisément passer à un autre activité en l'ignorant bien ouvertement mais la vérité est qu'il est entré dans la grange sans trop posséder une idée derrière la tête. Il est juste là, à l'abri du froid. La vérité est que ses mains tremblent un brin, qu'il a la goutte au nez et que ses joues sont en feu. Le confort l'appelle mais être de mauvaise humeur face à l'intrusion de Noon est une priorité. Il ne doit pas céder trop vite ; qui serait assez con pour le remercier et baisser les yeux, gêné, et larmoyer comme un gamin alors qu'il est parti de lui-même seulement quelques jours plus tôt ?
Jun-0 est vraiment chiant. Insupportable.
La vérité qu'il l'a toujours été ; au moins maintenant, il ne fait plus preuve d'une horrible politesse détestable avec un sourire à la con. Au moins sa gueule ressemble à quelque chose. Vee est persuadé qu'il a toujours été détestable sauf que ses traits ne s'accordaient pas avec la malice présente dans ses données.
Un bon modèle, mon cul. Noon a toujours été comme ça, même avec ses merci et ses s'il vous plait monsieur.
- T’as raison, j’vais rentrer. La machoire se braque pour empêcher des mots brusques et paniqués de quitter ses lèvres, et Vee tourne les yeux vers lui, le dévisageant. De quoi il parle ? Partir déjà ? Quel connard. Tire pas cette tête. J’vais rentrer. Dans trois jours. J’peux pas manquer la vie de Vee l’paysan. Ça doit valoir le coup d’œil.
Vee gronde et observe brièvement le sac déposé au sol. Il contient quoi ? Noon ne possède que rarement ses propres vêtements. Plus souvent qu'autrement, il vole les habits les plus sombres et sobres que possèdent Vee.
- Tu dors là-dedans ? T’as bouffé des trucs moisis ?
Un reniflement et Vee serre les dents, brièvement.
- t'es con ou quoi ? tes circuits ont gelés ? c'est une grange. la maison est plus loin Il lui offre un regard d'en haut en bas, gronde quelques saletés entre ses dents avant de souffler, brusquement. Vee s'avance de quelques pas et s'empare du sac avant de lui dire : arrête d'faire ton droide nounou et ramène ta casserole. tu pourras faire ton inspection ou j'sais pas quoi et arrête d'te griller les circuits.
Le froid lui mord de nouveau les joues à peine un pas à l'extérieur. Les épaules se redressent en même temps que la tête s'abaisse et, mine basse, Vee avance au travers de la neige pour se rendre à la demeure sur le terrain. Elle est un peu plus petite que la grange, mais assez complète. Les pièces sont plus nombreuses que l'on croit et une cave est présente, fonctionnelle pour s'occuper de divers androides et droides. Il possède quelques questions sur les propriétaires mais pour l'heure, il n'en a que faire.
- y'a pas d'placard pour ta charge mais y'a une cave. qu'il grommelle, posant le sac sur la table. Il ne fouille pas dedans. Vee garde plutôt son manteau et frotte ses doigts pour les réchauffer.

Ça me rassure un peu, d’le voir comme ça. Qu’il m’fasse sentir que je suis pas le bienvenu et que ça l’emmerde de voir ma gueule. J’m’inquiétais de le retrouver dans un autre état. Un état que j’aurais eu plus de mal à gérer, qu’aurait sans doute fait planter mon système. C’est toujours pareil, quand les événements sortent de la routine habituelle, mes circuits commencent à déconner. Ils trouvent les schémas à suivre, ça m’fait faire n’importe quoi. On a peut-être un peu trop calqué mon modèle sur les humains réels, au fond. C’est juste la réaction finale, qui n’est pas la bonne. Vee est bien décidé à ne sourire à aucune de mes paroles, et ça me fait ni chaud ni froid. J’ai de l’entraînement, après tout, l’essentiel c’est qu’il tienne debout et qu’il râle, le reste je m’en fous. Parce que même s’il joue les durs, j’arrive à décrypter chaque expression sur son visage. Et quand j’ai dit qu’j’allais rentrer, il a pas apprécié. t'es con ou quoi ? tes circuits ont gelés ? c'est une grange. la maison est plus loin Je lui réponds avec un sourire en coin. Avec toi, on sait jamais. Peut-être que dormir dans le foin, c’est ton truc. J’t’y voyais bien. Combien d’insultes se sont glissées entre ses dents, depuis que j’ai débarqué ? Ça devait lui manquer de pouvoir injurier quelqu’un, même qu’un humanoïde. Les banthas devaient le contempler d’un air vide en mastiquant leur foin, s’ils le contemplaient tout court, du moins.
Je le suis, levant les yeux au ciel dans son dos en le voyant se recroqueviller quelque peu face au froid, et une fois à l’intérieur, me mets à observer les lieux attentivement. La demeure est clairement abandonnée, mais peut-être pas depuis longtemps. La poussière a envahi les meubles – faut pas compter sur Vee pour avoir fait un semblant de ménage –, pourtant rien ne semble vraiment en désordre, aucun pillard n’est passé par là. En tout cas, elle ne menace pas de s’effondrer sur la tronche enfarinée de Vee, c’est déjà ça de pris. y'a pas d'placard pour ta charge mais y'a une cave. J’hausse un sourcil, curieux. Une cave, dans une ferme, pour charger des androïdes ? Plutôt original. Tu veux qu’j’te fasse un p’tit feu ? Il se les gèle encore, l’idiot, trop fier pour l’admettre. En attendant, je m’approche du sac pour l’ouvrir et déballer son contenu, alignant soigneusement les pulls, les gants, les sous-vêtements, en tas sur la table. J’t’ai pris quelques remèdes, j’savais pas dans quel état j’allais t’trouver. Ton nez est rouge, mais ça va, c’est seulement parce que tu risques de l’perdre. J’soupire légèrement, parcourant la pièce du regard à la recherche de quoi faire un feu. Vee…, ma voix est plus lasse qu’auparavant. J’ai envie de demander, mais je sais que j’vais pas aimer la réponse. Tu comptes rentrer quand ? Peut-être que le quand est optionnel, dans la question.