Quiet peace (Kolovish)

Pour avoir le plaisir simple de se tenir sur le débarcadère à cette heure de la journée sans être d’astreinte ou en service, Anasha a enchaîné les heures supplémentaires, s’est arrangée avec des collègues pour échanger le créneaux et surtout accepté presque toutes les missions les plus chiantes et les corvées du service pendant des semaines. Mais, les efforts en valaient tous la peine, puisque que pour les trois prochains jours, elle pourra profiter de sa permission en compagnie de Kolovish. Voilà plusieurs semaines qu’il est en mission ailleurs - elle n’a pas plus de détail et bien que, si elle le souhaite, elle peut aisément aller dans le système trouver réponses aux questions; comme elle ne se les pose pas, la jeune femme s’est contentée d’attendre et de vivre sa vie de routine. Avant ce départ, leurs emplois du temps respectifs ne concordaient qu’avec peine et ne leur laissaient quelques heures, parfois une soirée, à grappiller à deux. Aussi, la perspective de trois jours de permission en la compagnie de l’homme la ravit très clairement.

Plongée dans la lecture d’une gazette locale peu intéressante étalant les derniers rebondissements des tristes déboires d’une starlette montante (plus vraiment maintenant d’ailleurs), son esprit est finalement captivé par une soudaine agitation. Des ingénieurs, mécaniciens, ouvriers vont et viennent, on décharge des caisses, on en bouge d’autres, on déplace du matériel. Puis une foule de soldats encore en uniforme s’éparpille, certains accompagnés qui d’une conjointe ou d’un conjoint, qui d’enfants, d’autres seuls et à grands pas, certainement pressés de se défaire de leur uniforme et paquetage.

Attentive, elle scrute la foule dans l’attente de reconnaître enfin une démarche et le visage familier qui l’accompagne. Et quand c’est enfin le cas, elle se redresse, souriante. Ils sont rarement expansifs en gestes d’affection, surtout en publique, aussi attend-elle qu’ils aient retrouvé l’air frais de l’extérieur pour s’échouer quelques instants dans son giron avec un soupire de contentement. « J’ai réservé la chambre habituelle. » elle sourit. Depuis le temps, ils ont écumé les différents hôtels se la ville qui correspondent à leur budget et ont fini par découvrir un modeste établissement dont les services assurés sont d’une qualité irréprochables en plus d’être dans des prix tout à fait abordables. « Comment ça va ? » pas de demande sur la mission. Il en parlera de lui même s’il veut et peut. « Tu veux que je porte quelque chose ? »

Le débarquement était surveillé comme toutes les manœuvres importantes concernant la flotte ; c’était à quai que les vaisseaux risquaient le plus de se retrouver entravés par un attentat ou une attaque de l’intérieur. Tu avais passé le trajet en compagnie de l’agent du COMPnOR, toujours vissé à ses caméras et muet comme une tombe ; vous faisiez parti du même corps d’armée sans être dans le même bureau. Tu n’avais pas eu besoin d’être un grand observateur pour savoir que t’avoir sur le dos l’avait mis tout autant sur les nerfs que les autres. Cependant, son apathie et son indolence avait été une façade agréable à suivre et son empressement à te mettre sur d’autres pistes que la sienne avait certes était douteuse mais efficace.

Tu ne parlais jamais de ton travail, autant par devoir de réserve que parce que celui-ci t’avait forgé pour écouter plus que t’exprimer. Lorsque tu avais quelque chose à dire, c’était généralement pour mettre ton interlocuteur en confiance – ou tout l’inverse. Anasha était, elle, plus prompte à s’étaler même si elle avait cette attitude douce et effacée qu’ont ceux qui ont connu la misère et s’y sont adaptés. Plusieurs mois dans l’espace à être fuit par l’essentiel de la flotte t’avait rendu avide de ces quelques mots et de son sourire timide et tu offrais à ta femme un de tes rares sourires sincères, de ceux où tu ne calculais pas le temps qu’il fallait pour apparaitre et qui suivaient la courbe de tes muscles pour atteindre tes yeux.

Ton bagage se résumant à ton datapad et uniforme réglementaire, tu secouais la tête et tu passais ton bras autour d’elle, posant ta joue contre son front pour sentir la chaleur de sa peau, l’odeur de ses produits pour le corps. Adaptant ton ton au sien, tu te détachais après quelques secondes. « Ca va et toi ? Comment se sont passés ces dernières semaines ? » Tu orientais ton corps pour inciter le sien à te suivre et entamer votre avancée vers les rues plus passantes de Theed. L’avantage des vaisseaux impériaux étaient leur grandeur et même si la gravité artificielle rendait le retour à la terre dérangeant, le manque d’exercice et d’espace n’était pas aussi présent qu’après un voyage en navette.

Anasha frémit doucement tandis que Kolovish lui rend son étreinte. Elle a, depuis le temps, pris l’habitude de passer la plupart du temps loin de lui, soit parce qu’il est en mission loin de Naboo, soit parce que leurs emplois du temps sont rarement compatibles. Alors se retrouver contre lui tandis qu’il l’enlace a toujours un goût agréable de retour à la maison. L’instant est bref, mais ne fait que renforcer le sourire qui décore son visage tandis qu’elle lui emboîte le pas.

Ils ont de la chance, il fait beau pour la saison et les températures se sont faites étrangement agréables après une vague de froid pour le moins agressive. « Ça va ! » elle répond le ton joyeux. « C’était un peu long ... il a fait très froid et certains des systèmes ont mal réagi... je te passe les détails parce que j’ai pas tout compris moi -même mais visiblement à cause du froid, il y aurait eu une baisse de régime dans la production d’énergie et nos générateurs de secours n’ont pas pris correctement le relais immédiatement. Ça a planté une partie du système et on n’a pas dormi de la nuit et une partie du matin pour tout remettre en ordre. Et on a eu des astreintes un peu longues parfois, les jours d’après. Pour le reste, c’était la routine, des utilisateurs qui plantent leur datapad et leurs holocoms qu’on s’empresse d’aller sauver et la maintenance quotidienne. » Anasha a moins de peine à parler de son travail, car s’il lui arrive de manipuler des données sensibles, elle a rarement le temps et l’occasion de s’y attarder (en plus d’une curiosité inexistante pour pirater ou s’intéresser de plus près aux affaires internes du BSI et de l’Empire.). Aussi, quand elle détaille son travail et ses journées à l’homme, elle ne prend que très peu de risques. Elle ne s’ouvrirait pas sur les failles du système d’énergie auprès du premier venu, mais elle sait avec certitude que cette information ne sera pas utilisée à mauvais escient par son époux. « Je suis bien contente que tu sois rentré. » elle poursuit en ajustant son rythme de marche à celui de Kolovish. « J’ai enchaîné des semaines folles pour négocier mes trois jours. Mais je ne regrette rien du tout. »

Les mires se lèvent vers celles de l’homme pour capter un instant son regard, et finalement attraper sa pogne pour y glisser la sienne et y entremêler ses doigts. « Je suis passée te chercher des vêtements, ils sont dans la chambre. » Si lui est encore en uniforme, elle porte pour sa part des vêtements civils sobres et sans extravagance, le genre de tenue passe partout du citoyen moyen. Si elle est honnête, elle préfère de loin ce genre d’habits à l’uniforme stricte du quotidien. Probablement qu’il voudra, lui aussi, se défaire de son uniforme pour enfiler des tenues moins contraignantes.

L’habitude d’écouter et d’analyser les paroles à la recherche d’un élément séditieux te fait observer ta femme avec un regard pensif, tandis que vos doigts s’entremêlent. Tu apprécies son dévouement et le temps qu’elle a passé au service de l’Empire pour que vous puissiez profiter, à deux, d’un moment ensemble. Après tout départ longue durée, notamment dans des vaisseaux de la marine impériale, tu avais le droit à une permission calculée au prorata du temps passé dans l’espace. Chance que n’avait pas Anasha, restée pour sa part dans le confort de la capitale impériale. Tu te demandais parfois si ce ne serait pas mieux pour vous deux de demander à être muté de manière permanente en tant qu’officier de sol et profiter de vos permissions ensemble, certes rares mais qui se méritaient plutôt que d’être désœuvré pendant des semaines à attendre ta prochaine affectation.

Tu n’as même pas ôté ton uniforme alors que certains de tes collègues, qui ne faisaient pas partie de l’équipage minimal du vaisseau, avaient enfilé leurs habits civils dès qu’ils l’avaient pu. Ton pouce passe dans un mouvement répétitif sur le dos de la main de ton épouse, penchant sensiblement la tête vers elle, tu détournes le regard pour observer la rue qui vous fait face. « Tu es un amour. Est-ce que tu as prévu quelque chose ? » Trois jours c’est peu et en même temps si long lorsqu’on n’a rien à faire. Nés sur Axxila, vous aviez grandi loin de la verdure et de la nature en général et si pour certains ce serait là le moment d’aller découvrir les merveilles que propose Naboo. Tu es pour ta part toujours réticent à te retrouver dans des zones non aseptisées desquelles tu ne connais pas les codes ou les dangers. « J’ai besoin de prendre une douche, une vraie, avant de faire quelque chose, ça te va ? » Depuis que tu avais découvert la chaleur réconfortante des douches non-soniques, tu appréciais d’en profiter de temps en temps, comme une friandise hors de prix qu’on s’accorde de temps à autres. « Et après on peut manger. »

Ils déambulent lentement dans l’animation de Teed, traversent les foules comme pris dans leur bulle. C’est le cas d’Anasha, qui savoure avec une joie contenue et rentrée leurs retrouvailles. Elle n’a jamais été du genre expansive. Là où ils sont nés, montrer des sentiments équivaut à exposer des brèches dans lesquelles n’importe qui pourrait s’engouffrer. Alors si tout le monde ne joue pas aux durs, on nourrit une forme de pudeur sur l’intime et les ressentis. Alors, tandis qu’elle babille et que Kolovish l’écoute, Anasha s’attarde sur tous les détails qui lui ont manqué. Ce geste qu’il a de son pouce sur sa main. C’est une habitude qu’il a prise et qu’elle adore. La façon qu’il a de la regarder et de se souvenir, le temps d’une fraction de seconde, qu’il n’a pas besoin de la sonder comme il doit le faire au quotidien. Alors, ses lippes forment un sourire qui font pétiller ses mires, elle resserre ses doigts autour des siens et s’approche encore plus de lui si c’est possible pour garder ce petit cocon intime. « J’ai juste pris une pré-réservation au restaurant, mais on peut l’annuler si tu préfères être tranquille, ou alors prendre à emporter. Pour le reste, je préfère qu’on décide à deux. »

Kolovish a pour habitude de partir dans les quatre coins de la galaxie mais se montre, étrangement, nettement moins aventureux quand il s’agit d’explorer Naboo. Anasha, elle, est d’une curiosité insatiable alors elle profite souvent des absences de l’homme pour explorer les recoins de la planète sur ses jours de repos. Elle profite pleinement de tous les luxes jadis inaccessibles (et dont elle n’osait même pas rêver) et maintenant à portée de main : badiner au parc, aller voir un film, visiter le musée, manger au restaurant, partager un verre avec des collègues après le service. « On pourrait aller au cinéma s’il y a quelque chose qui nous plaît. » Elle propose distraitement tandis qu’il traverse un marché de marchands ambulants tous plus bruyants les uns que les autres dans l’espoir d’attirer les clients à leurs étals. On y trouve de tous, des animaux étranges au colifichets lumineux à la résistance douteuse réservés en général aux touristes. Elle adore ça, le bruit, la foule, les odeurs des stands de nourriture. Pourtant, ils quittent bientôt le brouhaha de la foule pour tourner dans une venelle plus étroite et vide. Après quelques pas supplémentaires, ils s’arrêtent devant une porte et Anasha sort un badge d’accès de sa poche.

La chambre n’est pas très grande, mais chaleureuse, décorée avec soin et goût. Au milieu trône un lit sur lequel sont posés avec soin des habits civils pour Kolovish. Dans un coin, il y a les affaires d’Anasha, encore dans la petite valise. Des fleurs dans un pot posé sur une console. « J’espère que ça t’ira ? La chambre qu’on aime bien était déjà réservée. Mais, dans celle-ci, il y a une baignoire ! » Ce qui constituait un rare luxe.

Tu n’es jamais très serein dans les lieux trop fréquentés, une habitude peut-être prise de ta mère qui avait en horreur comme en fascination les marchés d’Axxila dans lesquels les cibles avaient tendance à se cacher et où elle provoquait parfois des dégâts voire des morts collatérales. Les étalages ne t’intéressent guère, la plupart des objets qui sont vendus n’ont aucun intérêt, sont produits à la chaîne ou d’une provenance douteuse et tu n’es pas assez fin gourmet pour apprécier les produits locaux. « Je ne sais pas ce qu’il y a comme holo-film. » Te contentes-tu de répondre ; l’essentiel de ton répertoire se compose de films de propagande et pro-impériaux, qu’analysent, voire produisent tes collègues du BSI et les films obscurs et réflexifs ne t’intéressent guère. Tu n’as ni l’appétence, ni l’ouverture d’esprit nécessaire pour prendre plaisir à regarder des films d’auteur. « Tu as vu quelque chose, toi ? »

L’arrivée à l’hôtel se fait de manière fluide et, après avoir posé ton nez contre sa joue, tu disparais dans la salle de bain en emportant les habits qu’elle a laissé à ton intention. Les baignoires sont une commodité à laquelle tu n’es pas habitué et qui te rappellent les baquets d’eau stagnante (ou d’autres liquides du même acabit) qu’on pouvait parfois trouver dans les étages que tu fréquentais sur ta planète d’origine. Avec une certaine crainte ou circonspection, tu te hisses dans celle-ci pour te décrasser et tu profites un peu – trop – longtemps de l’eau chaude qui coule. L’opération a duré moins de 10 minutes mais dénote dans ta routine habituelle et tu rejoins Anasha en passant une main rapide dans tes cheveux mouillés. « On a encore le temps avant le restaurant ? » Tu te glisses contre elle, enroulant ton bras autour de sa taille et glissant ton nez dans son cou, amorçant une descente vers le lit en position horizontale, sans chercher des attouchements qui mèneraient vers une relation plus charnelle, tu aimes te blottir contre elle et profiter de sa présence et sa chaleur. « Tu avais d’autres choses en tête pour les prochains jours ? »

« On pourra regarder et choisir un film si quelque chose nous plait, dans ce cas », elle répond. Anasha ne va pas souvent au cinéma, Kolovish encore moins, mais elle apprécie de temps à autre d’aller s’enfermer dans les salles sombres et profiter de regarder une histoire qu’elle ne vivra pas de dérouler sous ses yeux. Elle sait que son époux n’apprécie pas vraiment ce genre de loisirs. Le plus souvent, du reste, elle mettait en fond sonore un livre audio qu’elle n’écoutait qu’à moitié et retrouvait avec plaisir les joies simples d’Axxila, comme cuisiner ou encore tricoter ou coudre. Des activités qu’elle pratiquait jadis autant par utilité et nécessité que par plaisir. Et comme tous ceux qui ont l’habitude d’avoir les mains occupées en permanence, Anasha reproduisait ce qu’elle a toujours connu. Mais, plus que Kolovish, Anasha n’avait aucun mal à profiter et se plonger dans tout ce que la vie lui avait refusé jusqu’ici. Et les holofilms en faisaient partie. Peu lui importait qu’il s’agisse d’une production obscure d’une planète éloignée ou un film estampillé et approuvé par l’Empire : du moment que l’histoire était prenante, vaguement intéressante, Anasha se trouvait satisfaite.

Elle lui laisse le temps qu’il veut pour son bain : ce sera toujours moins qu’elle. Sur bien des aspects, il mène une vie d’ascète. Lorsqu’il revient, qu’il la prend dans ses bras et qu’ils basculent, Anasha se trémousse légèrement pour se lover au mieux dans son giron et laisse passer un soupire de satisfaction. C’est comme de rentrer à la maison, suppose-t-elle, retrouver avec plaisir et émotion ceux qui nous ont manqué, ce qu’on a oublié. Le corps chaud de l’homme contre elle, sa main sur son ventre et son souffle contre sa nuque lui fait ce même effet. Bien qu’ils soient mariés, depuis plusieurs années maintenant, Anasha et Kolovish ne connaissent pas les aléas de la vie conjugale, au contraire, leur histoire est une succession d’attentes et de retrouvailles. Parfois, Anasha aimerait un endroit à eux, à elle, un endroit où rentrer le soir qui diffère des chambres de la caserne. Mais la perspective d’un lieu vide la plupart du temps où l’homme ne reviendrait que lorsqu’il peut l’effraie plus qu’elle ne le réalise et plus encore qu’elle ne veut bien l’admettre. Sa vie lui convient, elle savait, du reste, quelles étaient les obligations de l’homme avant de l’épouser. « On a quelques minutes, oui. J’ai prévu large. », elle répond, les paupières closes et un sourire béat accroché à ses lippes. « Et non. Je ne savais pas comment tu serais fatigué ou ce que tu voudrais faire, alors on a tout le temps d’y réfléchir. Tu as envie de faire quelque chose de particulier ? Il y a un petit festival de robotique, je ne sais plus dans quel quartier. On pourra y faire un tour si tu veux. »