family doesn't end with blood (sheelo)

L'ordre vient directement de son père. Il a fait le déplacement et l'a convoqué dans son bureau dans la matinée pour lui confier une mission de la plus haute importance. Nul doute qu'elle est particulière, si il daigne lui adresser la parole au lieu de le contacter par holocon. Shireen déteste cette pièce, il est toujours prit d'un frisson quand la porte se referme. Les mains dans son dos, il salue son supérieur, son géniteur et retourne fixer le sol, la moquette obsidienne qui n’arbore qu'un seul motif au centre de la salle. L'emblème de l'empire. Un jour, il lui a dit que personne pourrait entendre à travers le blindage, que ce qui rentre ici n'en ressort pas, il pensait qu'il voulait garder les informations confidentielles. Contre toute attente, l'homme avait aussi d'autres projets en tête, il préfère ne pas penser aux remontrances que certains ont du subir. Shireen frotte machinalement son poignet où un énième bleu est apparu. Il ne regarde jamais son père dans les yeux, sa nuque ployée le fait souffrir, mais c'est toujours moins pire que ses petits yeux vicieux et son sourire sadique. Il comprend mieux pourquoi ses frères préfèrent travailler du coté de la bordure extérieure, ils se sont éloignés de l'ambiance malsaine qui règne dans cette famille. En tant que benjamin et fils prodige quoique raté, il a toujours voulu satisfaire son papa au dépend de lui même.
Et il pourrait le rendre très heureux aujourd'hui.
Son père lui parle de quelque chose d'important, qui pourrait le faire montrer dans son estime, définitivement. Comme si son grade de commandant n'avait pas suffit, parce que dans le fond, rien n'est jamais assez quand il aurait pu devenir un grand sith et qu'il n'est resté qu'un homme comme les autres, avec un don inexploitable. La pègre recherche une fille qu'il recherche aussi, elle et son droïde, sauf que lui la veut morte. Pas d'explications, Shireen ne pose pas de questions, ne cherche pas à connaître l'histoire derrière cette vendetta personnelle. Ce serait vu comme de la contestation. Le sort du droïde est à son bon vouloir, ils peuvent le revendre dans le meilleur des cas, ou s'en débarrasser avec la "gamine".  Lui s'arrangera, s'expliquera avec d'autres types hauts placés dans le crime, s'excusera du contre-temps. Tant que la fille est morte, il sera satisfait. Alors Shireen s’exécute immédiatement, il remue ciel et terre pour lui mettre la main dessus avant les chasseurs de primes.

Le tâche se révèle plus simple qu'il ne l'aurait pensé, ou alors il est doué pour le jeu de piste et elle est mauvaise pour se cacher. Sans doute ignore t-elle qu'elle est recherchée, car ici et là, il arrive à obtenir des témoignages. Elle ne voyage pas à visage couvert, mais il est très difficile de déterminer où elle se cache. On l'a vue, on ne sait pas où elle réside. Il possède assez d'informations sur elle pour commencer une réelle investigation. Il pose des questions aux passants, dans les cantinas et mène son enquête discrètement. Shireen passe pour un ami inquiet, un proche quelconque qui a vu l'annonce, n'hésite pas à mentir. C'est comme ça qu'il est capable de déterminer un périmètre. Ne reste plus qu'à patrouiller, attendre qu'elle lui tombe dessus. B-1 l'accompagne, ils sont postés dans le coin d'un immeuble depuis plusieures heures. Reen est patient. Il aime attendre, ne rien faire, et se perdre dans ses pensées. Il est vite submergé. Pour ne pas l'effrayer, il n'a pas demandé de renfort, si elle commence à voir des impériaux partout, la fille risque de se mettre sur ses gardes et il n'a pas besoin qu'elle panique. B-1 est moins patient que lui, il tire dans des poubelles depuis une dizaine de minutes à un intervalle régulier. « arrête de faire du bruit. » Soupire Shireen, excédé. Le Droïde semble le regarder, mais il continue de s'amuser - ou se défouler. « je te rappelle qu'on doit rester discret. » A un moment, il se fait insulter et B-1 le vise, énervé, mais il n'en tient pas compte.

Elle est là.
Il n'en croit pas ses yeux lui-même. Ça a marché. Elle est plus jeune que lui, les cheveux courts comme sa mère les portait. Une version signature de la scientifique. Elle semble si innocente et Shireen est maintenant persuadé d'une chose. Elle ne se méfie pas de lui, elle est attentive à son environnement mais n'agit pas comme une criminelle de guerre recherchée. Elle évite la foule et a choisi ce chemin car c'est le plus sur pour quelqu'un qui ne veut pas se retrouver mêler dans la masse. Malheureusement pour elle, c'est dedans qu'elle aurait dû s'abriter. Le droïde est avec elle, tout correspond. Il hésite pourtant, le coeur batant. C'est trop facile. Une seconde suffisante pour que B-1 sorte de couvert et la menace de face  avec son blaster. « PLUS UN GESTE. VOUS ETES EN ETAT D'ARRESTATION. » Shireen se glisse dans son dos et donne une impulsion de bâton électrique dans le vide pour la dissuader de s'enfuir. « CIBLE LOCALISÉE. PROCESSUS DE NEUTRALISATION ENCLENCHE. » Il ne voit pas son visage d'où il est. Et c'est sans doute mieux ainsi. Reen n'aime pas ce genre de missions, n'aime pas se salir les mains. Il n'a pas le choix. C'est lui ou elle. Si il échoue, il en paiera le prix.
 

L'averse s'abat sur eux tel un signe du ciel. Shireen l'observe s'écraser en grosse goutte sur le sol, le bruit de la ville bientôt remplacé par celui de la pluie et son coeur qui tambourine, un vacarme assourdissant qui le distrait. L'eau dégouline sur son visage et trempe ses cheveux, faisant friser ses boucles déjà indomptables, il s'attend presque à ce qu'un éclair zèbre le ciel, mais rien ne vient. Cette tension insoutenable dans l'air n'est causée que par la situation dans laquelle ils sont. Il y a quelque chose d'apocalyptique dans l'ambiance, dans la scène, dans la réaction de cette pauvre fille qui n'a rien demandée. C'est B1 qui réagit en premier et s'élance à la poursuite de la fugitive. Les réflexes du soldat sont plus lents que ceux de son droïde, principalement parce qu'il hésite. B1 tire, Reen réfléchit. Une part de lui souhaite qu'elle puisse leur échapper. Après tout, il a du temps, il n'est pas obligé de rendre des comptes à son commanditaire dès la fin de la semaine. Il peut encore laisser traîner, prétexter qu'elle est introuvable, un mirage, qu'elle a changé d'identité. Et ainsi, faire semblant de n'avoir rien vu, comme il sait si bien le faire quand il tourne le dos au malheur des autres, parce qu'il ne peut rien y faire. N'a pas le courage de s'opposer aux siens. Il a horreur de penser qu'il appartient à l'empire, c'est pourtant la vérité. C'est ce que son insigne indique. Il doit lui faire honneur, cesser de tergiverser.

Shireen se jette dans le feu de l'action, l'adrénaline lui permet de reprendre pied et rattraper B1, mais il glisse dans la boue et trébuche. Son compagnon est obligé de s'arrêter pour le relever. Le pendentif qu'il porte autour de son cou s'est échappé du col de sa tenue protocolaire et il pend tristement à son cou. Un porte-bonheur qui le protège du mieux qu'il peut des autres, mais pas de son géniteur. Le souvenir de sa mère, le dernier qu'il a pu emporter avant que son père ne détruise ce qu'il reste de sa présence. Il est d'une valeur inestimable à ses yeux, car elle lui a donné en main propre avant de partir. Elle n'a jamais répondu à ses messages, il voudrait comprendre pourquoi, même si il a sa petite idée en tête. Ses derniers mots étaient clairs. Il était devenu ce qu'elle méprisait. Si elle le voyait aujourd'hui, elle serait pleine de jugement. B1 attrape son avant-bras pour le forcer à reprendre leur course-poursuite, avant que la fille soit vraiment hors de portée - Leelo. Il refuse de prononcer son prénom, d'y penser même. Une manière de ne pas accorder trop d'empathie à un être qui rejoindra bientôt la Force. Le souffle court, il regarde de droite à gauche, sans apercevoir son poncho ou entendre le bruit de son droïde. C'est B1 qui lui indique encore une fois la direction à prendre. A forcer de tirer dans les poubelles, Reen reconnait le son qu'elles font quand quelque chose bute dedans. Le droïde aussi, d'un coup d'oeil Shireen lui intime de rester en retrait. Elle s'est coincée dans une allée, il réalise. Elle se cache. Elle a peur.

Ses bottes s'enfoncent dans les flaques, Reen est trempé, tremblant, essoufflé quand il s'engage dans l'impasse. Tour de noir vêtu, avec son arme brandit devant lui. Son reflet dans l'eau lui renvoie l'image d'un tueur. «   je sais que tu es là. » Son ton reste calme est posé. Il ne voit pas l'intérêt de crier ou hausser la voix. « c'est inutile de te cacher. » Elle se sait prit au piège, de toute façon. Même avec ses soldats, il adopte cette attitude. Quand il est en colère, il adopte une voix profonde et glaciale qui ne laisse pas place à la contestation. Il en tire une certaine fierté. Se faire obéir sans avoir à beugler ou menacer. Il entretient cette vision qu'on peut avoir de lui. « ne me force pas à venir te chercher. tu n'iras pas bien loin de toute façon.   »  

Elle est trop jeune pour mourir, pas besoin d'être un intellectuel pour le deviner. Elle a encore toute sa vie devant elle. Elle ne mérite sans doute pas le sort qui s'acharne contre elle, mais  a t-on jamais ce que l'on mérite ? Méritait t-il les coups, les remontrances et son ego brisé ? Chacun son chemin. Le sien est pavé de bonnes intentions, celui là même qui l'entraîne doucement en enfer. Il aspirait à la simplicité d'un lever de soleil, un jardin et un petit déjeuner dans les bras d'une famille aimante. Qui est-il pour décider de ce qui survit et ce qui doit être abattu ? Personne, il n'est personne, ne sera jamais qu'un nom auquel on tâche de donner de l'importance pour satisfaire la mégalomanie d'un seul homme. Il n'est pas censé verser dans les émotions et les sentiments, c'est ce que chaque coup de ceinture a tenté de lui inculquer. L'inverse s'est produit, son empathie qui explose face à une innocente. Le crime ne vaut pas la peine.
Il doit accomplir son devoir indépendamment de tout opinion personnel. Si on le voyait douter ainsi, on pourrait tout remettre en question. Il n'a pas besoin qu'on lui fasse la morale et qu'on le fasse douter de ses capacités, il doute assez du bien fondé de son engagement. Face à ces yeux écarquillés qui ne demandent qu'à être sauvés. Il peut être son bourreau ou son ange gardien. L'écouter ou ne jamais prêter attention à ce qu'elle tente de lui expliquer.  Dans son dos, il entend le blaster de B1 charger son tir, il l’intercepte avec son bâton alors que le droïde le regarde, curieux. Coupé dans son élan.  Un moment de flottement. Reen anticipe presque de se prendre lui même un tir de blaster pour s'être interposé. Rien. B1 baisse son arme. Il n’obéit qu'à lui, pour une raison qui échappe encore à Reen. Il a longtemps cru que c'était un espion sensé épier ses moindres faits et gestes, une création de son père pour lui rappeller qu'il a ses yeux partout. Il n'en a pas besoin, pourtant il veut s'excuser devant cette condamnée. Il n'a pas le choix.

« wait. » Il ordonne au robot. « J'ATTENDS VOS ORDRES MAITRES. »  Il se retourne vers elle.  La pluie qui dégouline sur son visage la fait apparaître comme un pauvre chiot égaré. « go where ? » Elle croit qu'il appartient à la pègre. Ce sont eux, après tout, qui ont lancé l'avis. Il doute qu'elle soit au courant et se garde de lui dire de peur de la paniquer et de couper toute communication. Il ne devrait même pas lui adresser la parole, il avait dix fois l'occasion de mettre fin à sa mission et détruire toute trace de son existence. « c'est l'empire qui m'envoie. » c'est mon père car l'empire se fiche bien du sort de ses petits fripouilles. Sa gorge se serre. Ne pleure pas, il veut lui dire. Ça ira. Et puis, il rate un battement.
Son pendentif.

Bouchée bée, Shireen le pointe du doigt. « où est-ce que tu as eu ça ?! » C'est le pendentif de sa mère. Qu'est-ce que ça veut dire ? « Tu sais où elle est ? Tu lui as fait du mal ? C'est pour ça qu'il m'envoie ? » Il ne se contrôle plus. Exit la douceur de ses paroles et sa retenue. Il tire, la fusille de son regard et ses mots. Sa propre moitié du collier qui pend mollement dans sa main.  « MONSIEUR ETAIT CLAIR VOUS DEVEZ ELIMI-. LA FERME B1 ! » Le droïde couine. Peu habitué à se faire autant sermonner. Reen a des sueurs froides qui dégringoles dans son dos. Ce ne sont pas les gouttes de pluies. Et peut-être que celles qui glissent sur ses joues ressemblent plus à ses larmes. « qui es-tu ? » Juste un souffle.