beginning of the end movement (raedan)

freedom isn't enough, what I desire doesn't have a name yet -- @raedan titos

AN -9 ; ILUM
On ne concurrence pas Darth Saevus dans ses présomptions.
On ne lui marche pas sur la botte et on baisse les yeux s’il daigne tourner le masque vers notre trogne, on dit merci et on dit s’il-vous-plaît si l’on tient à son intégrité. Il a ça de bien pour lui, le maître, il est droit et clair dans ce qu’il ambitionne, il a l’image que l’on se fait des marionnettes du futur empereur, c’est pas qu’il est méchant c’est qu’il est terrible et qu’il a sûrement le cœur âpre comme un fruit qui s’est momifié. Pourtant, la paire qu’il fait avec le gamin à ses côtés semble harmonieuse. Elle est même un peu douce, parfois, sous certains prismes. Le petit a la gueule fermée et le sourire un peu carnassier, il marche bien à l’ombre de l’homme, pose ses pas dans ses traces dans la vie comme dans la neige pour ressembler à ce qu’on essaie de façonner de lui. Tadjedine se sait doué, il sait qu’il répond aux attentes et que pour cette raison, Raedan demandera toujours plus du marmot qu’il a choisi. Le pouvoir est là déjà, il n’a pas besoin de le tirer de son lit pour profiter de ses avantages. Il ne va pas non plus chercher les colères pour le pourfendre et briser ce qui vit en lui. Si l’homme avait mieux regardé, peut-être aurait-il vu qu’il ressemblait plus aux étoiles qu’à leurs cadavres, qu’il donnait la lumière plutôt que de la recevoir. Mais, pour le moment, la tragédie qui viendra les frapper dort encore. C’est à peine si elle s’étire, paresseuse dans le réseau de veines de l’enfant. Il la connait déjà, il en voit les esquisses dans sa façon d’appréhender la Force mais à l’instant il est possible de prétendre pouvoir l’ignorer. Il est tentant de glisser sur ses canines la même envie d’en découdre, la même appétence pour le désir d’être grand. Le gamin ne voit pas encore que les traits de l’adulte prendront ceux du père, bientôt, qu’il y aura à l’écueil un dégoût bien défini et que commencera alors une descente à la cave. La seule chose qui se dessine pour le moment est le vaste banc blanc d’Ilum, la sérénité pérenne d’un hiver qui n’a ni début, ni milieu, ni fin. La neige ne recouvre pas vraiment le sol ; il fait trop froid pour qu’elle ne se transforme pas en glace lorsqu’elle dépose son manteau.

Le Resilient s’est amarré il y a quelques heures à peine et, puisqu’il n’aime jamais rien faire comme les autres, Darth Saevus avait trouvé plus judicieux que la collecte se fasse ailleurs qu’à l’ombre des autres apprentis. Après tout, et Tadjedine avait acquiescé à l’idée, l’épreuve était plus intime que collective. Il avait hoché la tête et accepté tous les conseils dans un sourire lisse, très à l’écoute de ce que son maître pouvait bien avoir à lui enseigner et ses mises en garde furent solidement harnachées à ses appréhensions. Malgré tout il est grisant de poser le pied sur une planète qui, l’espace d’une épreuve, n’appartiendra qu’à eux. Pour elle, peut-être qu’ils sont comme deux parasites encore venus lui sucer la sève mais c’est son avenir que le gosse vient chercher là. La lumière, ici, n’a rien à voir avec celle tendre et fraîche de Naboo. Elle est blanche, elle coupe presque et il a les yeux mi-clos pendant leur procession. Ça ne suffit pas à piétiner l’excitation juvénile. Il a au cœur des espoirs grands comme des infinis, des espoirs bêtes, des convictions immenses. Il ne s’agit pas d’être l’Elu, il s’agit d’être la Force elle-même, de s’y fondre parfaitement, de la maîtriser comme l’on parle sa langue maternelle.

La grotte n’est pas aussi impressionnante qu’il se l’était figurée. C’est une grotte avec une gueule de grotte, une bête tronche de pas envie alors qu’il observe sa bouche grande ouverte. Le temps est court pour sentir les premières vibrations dans son ventre, il ne sait pas si c’est le temple qui chuchote ou si c’est le gouffre qui commence à lui tirer les cheville pour l’avaler. "Vous aviez dit que ça faisait peur, maître.". Il jette en ronchonnant. Sous la cape, il s’agite un peu d’orgueil mais l’œillade qu’il pose à l’endroit est presque doux. Il n’appréhende pas la possibilité de ne pas en revenir, de se faire écraser et de ne pas avoir la force de se relever sous la puissance. Non, il sent plutôt que c’est une caresse et que les choses se passeront comme elles doivent se passer. Il y a un silence nécessaire, parce-qu’il semble faire connaissance avec ce qui l’habite depuis sa naissance. C’est solennel et pour une fois, l’enfant ne bavarde pas. "Je suis fier que vous m’ayez choisi." Il fait, comme ça. Tadjedine sait bien que les gosses bénéficient plus tard du joug d’un tutélaire et qu’il eut de la chance que les yeux de Raedan se posent sur sa volonté. Presque grave, l’apprenti lève son nez sur la figure de Darth Saevus. Il n’attend rien d’autre, maintenant, que son approbation.

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Il l’entend parfaitement. Ce n’est pas audible comme pourrait l’être un chant, une voix, même un murmure soufflé à l’oreille mais la Force se fait une place dans le creux de ses entrailles et persifle depuis les tissus osseux, elle ronronne dans le sang et née au fond des organes. Le coeur, le foie, l’estomac, les intestins, les reins, la vésicule, puis les particules jusque’à l’épiderme, la gorge, la jugulaire, tout ce réseau de veines, Tadjedine l’a toujours sentie pousser en dedans comme un pulsation plutôt que de la recevoir. Parfois c’est vrai, elle l’envahi, elle est dure à comprendre, dure à gérer, dure à ignorer quand elle gronde entre ses tempes et dans la pulpe de ses doigts mais ces fringales qu’elle a sont toujours accusées avec douceur par l’apprenti. Il l’aime comme on tient à ses os, sans la comprendre il sait qu’elle est là, qu’elle existe, qu’il ne peut pas se soustraire à sa présence sans quoi il ne tiendrait pas debout.
La grotte est comme une gorge de laquelle sort les notes. Il se demande si son maître, grand à ses côtés, l’entend de la même façon. Est-ce qu’il y a envie d’y plonger entièrement aussi, d’y fondre complètement ses mains, ses bras, dans ce grand sac de vide où il n’y a rien sinon la Force pour les accueillir, ou est-il serein face à elle, l’appréhende avec une habitude morose ? Un moment, Tadjedine étudie le visage de Darth Saevus. Il détaille les mouvements imperceptibles des muscles, essaie d’y trouver un indice sur son humeur, maintenant qu’il s’est défait de sa capuche. Il n’y voit pas grand chose, le maître n’est pas là pour s’épancher sur à quel point il est fier du môme qu’il a choisi pour apprenti et combien il attend de sa réussite. Lui, s’il commence à maîtriser si bien le makashi et les autres formes enseignées par Raedan, a toujours du mal à assujettir ses émotions à ses convictions - du reste ce que l’on essaie d’en faire et d’en tirer.

Aux derniers conseils donnés, l’enfant a toujours sa tête de pomme levée. Comme il en a coutume, il cherche un regard, un truc derrière la pupille ou bien une ride naissante dans laquelle dort un sourire. C’est forcément un truc de gosse de chercher l’approbation dans tous les coins au point d’entretenir une frustration quasiment personnelle, d’essayer de l’empoigner comme ça, de la tirer avec rage parfois mais quelque-part, Tadjedine sait qu’il n’obtiendra rien de son maître et que ce qu’il lui offre est déjà beaucoup. Il s’en contentera et reste calme, parfaitement silencieux, il a mieux à faire et c’est à lui maintenant d’apporter l’essentiel à sa personne.

Il y a le silence et il est presque lourd. Y a rien qui vit ici, juste la neige et le verglas, et les immenses étendues plates, le vent qui tinte sur les roches, l’hiver qui ne s’arrête pas. Le jeune apprenti ne répond rien aux derniers mots prononcés. Il a la bouche serrée par l’appréhension qui commence à grandir alors que la Force l’appelle pour l’accueillir et sait que son maître n’attend pas de lui des discours et des harangues à sa personne. Bien vite, alors, l’enfant a disparu dans le taffoni presque mystique en laissant derrière ses traces le Seigneur Sith et leur avenir doré.

Avec précaution mais d’un pas certain, Tadjedine marche sans faire attention à sa destination. Il ne semble pas choisir ni les interstices ni les gouffres par lesquels il s’immisce de sa silhouette de cure-dent, allant simplement là où quelque-chose l’attendra. Il y est comme dans un ventre, où aucune lumière ne filtre mais celle-là semble pouvoir naître de son coeur. Pour toucher les pierres humides des parois, il a ôté ses gants, laisse le bout de ses phalanges caresser le grès à l’aveugle, seulement encore poussé par une clameur qui n’est audible que pour ses sens. Le gosse a toujours eu confiance en ce que la Force faisait de lui, aujourd’hui plus que tout autre jour. Il est né et s’est éveillé pour elle. C’est à elle qu’il se dévouera, sans conflit et sans tricherie. Il faut être agile, pour se hisser sur les roches et se tirer à la hauteur de la dernière bouche. Dans le noir, il n’a sûrement pas pris les chemins les plus évidents mais lorsque ses doigts s’accrochent à la dernière pierre et qu’il s’élève de la force de ses bras, la vue de la chambre des cristaux en contrebas le laisse immobile quelques secondes. La lumière est si blanche qu’elle paraît presque bleue et danse contre les murs en illuminant toute la cave, vaste et sereine. Rapidement après avoir repris contenance, Tadjedine bondit de son perchoir pour atterrir les pieds dans une flaque, agile comme un varactyle. Le sentiment qui l’enivre n’est pas descriptible, tant il est entier. Il a le sourire au coeur et les doigts frémissants lorsque solennel il s’avance aux devants des cristaux. Il y en a de toutes sortes, des minuscules qui tintent, de plus grands qui chantent, des immenses peut-être trop vieux pour être utilisés pour quoique ce soit d’autre sinon leur contemplation. Il y en a partout, trop pour les compter; ils ont toutes des voix mais un seul l’appelle. Déjà, Tadjedine lui sourit. L’apprenti sait ce qu’il a à faire sans que l’on ait eu besoin de lui expliquer. La Force susurre dans le tissu même de ses os et il s’agenouille, les fesses sur le talon de ses bottes et le menton soudain bas. Il est à elle comme elle est à lui et semblerait presque pouvoir la toucher. Elle gronde, partout. Ça picote, dans son sang, ça ronfle, ça l’envahit et l’engonce dans une réalité qui n’appartient plus qu’à sa personne.

Le temps n’est pas le même dans sa tête. Une minute pour quelques semaines, peut-être plus, la mesure ne compte pas mais ses traits se forgent dans cette alternative qui n’existe pas. Pas encore.
Does it feel real ?
La conscience a déjà tout de cette autre vie. Elle connait les visages, les lieux et leurs souvenirs. Elle embrasse tout de ce qui pourra être un futur en marche ou mourant, déjà. Il en est sorti victorieux, le gamin enorgueilli par le petit cristal saigné entre ses doigts. Les choses se sont déroulées dans un ordre attendu et escompté et Tadjedine a vu le maître le gratifier d’un sourire gratifiant.
Le père congratule. Il l’aime, dans son honneur.
Le sabre est forgé de ses mains d’enfant.
Does it feel real ?
La Force ne meurt pas mais se tait pour mieux s’assujettir et l’apprentissage prend un virage dans lequel, peut-être, s’exalte t-il. Darth Scyrse n’aura bientôt plus le visage à découvert. On lui a façonné un beau loup pour s’échapper par dessous. Il est de pair avec celui qui l’a construit en tant que Sith, ils sont une entité entière qui ne se sépareront jamais vraiment même lorsque le gosse officiera seul.
Le gamin devient adolescent, c’est un moulage de l’Empire parfaitement exécuté, avalé finalement par ses rages.
Doja’r s’éloigne. La silhouette semble devenir floue et puis, il disparaîtra.
Are you real ?
Il l’est. Dans une continuité logique, dans ce que l’on lui a toujours demandé d’être, Tadjedine existe dans cette part d’ailleurs. Lorsque la pupille se jaunie, il se reconnaît aussi. Dans les fureurs façonnées par les années, il se retrouve. L’enfant n’aurait aucune raison de tourner le dos à un succès qui lui tend ses doigts brûlants.
Des jours, des nuits, des semaines passent et les années aussi.
Presque adulte, il n’a pas les marques des colères de Darth Saevus sur lui. Scyrse est fier et droit; engoncé dans ses succès et par une guerre qui se profile.
Dans la Force, le coeur de l’enfant s’emballe. S’il reste immobile, le souffle devient erratique et c’est le seul écho de toute la chambre.
Are you real ?
Il y a un visage, le sien, en miroir à travers la vitre. Il est grand et l’oeil vitreux. C’est un bagnard à la lèvre malheureuse même dans ses beaux habits noirs. Il se regarde; c’est lui, plus tard, la vingtaine bien frappée et le menton haut de dédain.
Non, réel il ne peut pas l’être, pas comme ça. Pas dans un plaisir de domination qui ne lui appartient pas, pas dans l’oeil si similaire à celui qui l’a fabriqué. Pas dans des ivresses meurtrières; pas dans la rage; pas dans le désespoir et le misérabilisme. Il n’est pas Darth Scyrse, il n’est pas Sith et c’est d’abord sa main qui commence à disparaître. Le bout de ses doigts s’évaporent comme on cognerait dans un tapis de cendres.

L’image devient imprécise et il ne se touche pas car il sait parfaitement ce qui se passe, il comprend que la toile est en train de se tisser alors il se contemple, simplement. Bientôt il n’y a plus rien, plus de Sith et puis, plus de pièce, plus d’espace, plus de lumière. L’instant meurt. Quinze ans se sont peut-être écoulés, quinze ans pour quelques heures. Deux, peut-être. Les yeux de celui qui est redevenu un enfant ne s’ouvrent pas immédiatement. Les paupières sont collées par le sel et il a la nausée au bord des lèvres, allongé maintenant sur le sol. Le silence de la grotte l’écrase et le murmure de la Force lui revient alors qu’il prend conscience que palpite dans le creux de sa paume quelque-chose de lourd et de tiède comme le coeur d’un oiseau. Les lèvres s’étirent sans que Tadjedine n’amorce un mouvement. D’abord, il laisse son pouce caresser le cristal, prend conscience de sa forme et puis, tranquille et assuré, sans se presser, il le regarde.
La chaleur est remplacée. Il ne fait rien que se crisper, engoncé dans une terreur soudaine qu’il ne réalise pas tout de suite. Hébété d’abord, l’apprenti cligne des yeux avant de les rouvrir. Il y a une larme, puis deux, puis un sanglot qu’il ravale avec douleur. "No, Mother…" Il implore. Entre ses doigts, la lumière pâle et bleue du cristal se dégage de son coeur.

Pendant un instant, le gosse reste immobile et horrifié, il a refermé ses doigts pour ne pas voir ce dont il a hérité avant de regarder autour de lui, redressé maintenant par un courage un peu idiot mais surtout désespéré. Retourner auprès de son maître lui est impossible, pas comme ça, pas avec cette trahison qu’il tient dans les doigts et finit par lâcher. La pierre si tranquille semble lui brûler l’épiderme avant qu’il ne se jette à la recherche de celui qui doit l’attendre quelque-part, celui qu’il a réussi à corrompre et que la Force a fini par lui céder, celui sans lequel il ne peut pas se présenter à Darth Saevus. La nausée lui fait trembler les lèvres et il a froid jusqu’au bout des doigts, essoufflé par l’effort tandis qu’il cherche et cherche et cherche. Il ne peut pas être chose qu’un Sith, c’est un moule parfait dans lequel on a pris soin de l’y imbriquer. Il ne peut pas exister autrement, il n'y a aucune autre identité pour sa personne.
Il s’arrête vite pourtant. Dans son esprit il n’y a pas de place pour le doute et il a vite compris que la situation était telle qu’elle s’était présentée. L’enfant s’est laissé choir contre une pierre et y est resté. Lui qui est entré si victorieux a l’impression de devoir sortir se jeter dans la gueule d’un loup qui lui fera bouffer la défaite. Le regard est devenu vitreux et il faut un moment pour l’enfant avant de se remettre sur pieds. Les quilles sont fébriles mais l’esprit vaut d’être fort. Le cristal ne change rien; se terrer ici ne changerait rien, et Tadjedine n’a pas besoin d’un examen de conscience pour comprendre qu’il n’aurait jamais eu à plier la Force à sa volonté. Elle est sa mère et ne l’a jamais envisagée autrement. Le conflit n’existe plus, il ne s’est même jamais véritablement présenté. Le retour s’étire et l’enfant marche à pas lents, avant de retrouver la lumière du jour.
Son maître lui tourne toujours le dos et l’apprenti n’a pas besoin de s’annoncer, il sait qu’il l’a senti. Les yeux ne brillent pas de larmes, lorsqu’il sort de sa poche le cristal aux yeux d’un homme qu’il n’aurait jamais voulu décevoir. Son coeur pourtant vient de dégringoler au fond de son estomac.
"Je suis désolé, maître." Il fait. Il l’est.

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Quelque part, la situation n’a rien d’étonnante et fut attendue par son instigateur. Les mensonges ont toujours une date butoir, la craindre ou l’ignorer n’en changera pas une finalité qui a cet orgueil de se dévoiler d’un façon qui sied aux drames. Il arrive un moment où même les bobards les mieux battis, pourtant, s’érodent sur une autre forme de réalité, plus amère. Il existe toujours quelque-chose pour taper dans la fourmilière, faire sortir le pus d’entre des lèvres qui trompent, malgré les circonvolutions des efforts et tous les fils tissés pour garantir un artifice solide, bien loin d’une sinécure. Une duplicité en engraisse une autre, puis une autre, puis une autre, jusque’à façonner le monstre aux pieds d’argile que le gamin devint par ses propres désirs. Tadjedine peut mentir encore, tordre plus longtemps ses aspirations pour en faire des chimères aux mêmes gueules débiles que la sienne. Il le peut, le fera sûrement, parce-que sa tête n’accepte pas encore et que ce qu’il tient au coeur de sa main vaut mieux d’être une trahison de la Force qu’un fait qu’il ne pourrait accepter sans se débattre. Il a dans les regards de son père encore un peu d’amour et dans celui de son maître beaucoup d’espoir qu’il tiendra à bout de bras.
L’alter ego est mort et avec son avenir mais le gosse n’en prend pas bien la mesure et pour un temps, il sera plus confortable de rester planqué derrière ses propres pétoches. Ça puera encore les fourberies et les sourires aux horreurs Sith, et quelque-part, bien logé dans son crâne, bien enfoncée et bien tapie, se loge la certitude que la Force vient de lui faire un cadeau ; celui qui l’accompagnera toute sa vie et finira de façonner ce qu’il doit devenir. La pierre est bleue comme le coeur est tendre et triste mais les mensonges sont bien les choses les plus obstinées au monde. A fortiori ceux auxquels l’on pense croire soi-même.

Aux pieds du maître, Tadjedine a du mal a lever le regard et la façon dont tintent ses mots cinglent un peu plus l’appréhension qui lui broie l’estomac. Au coeur de la grotte, il sent ce qui aurait pu être. Il sent ce qui vient de lui échapper, de mourir au coin des roches alors que la neige se perse sous la chaleur des minuscules gouttes de sang. Le gosse accorde un instant à la miséricorde, les yeux bien ancrés au trou qui s’infuse sous la sève épaisse. Et puis, doucement, l’arête fine de son nez se redresse et ainsi vient son bras qui se tend devant lui. Les doigts se déplient de sa paume pour mieux laisser éclater le cristal. Aussitôt à l’air et au regard de tous, il lui semble l’entendre chanter et raisonner. Si la situation n’avait pas été ce qu’elle est, peut-être aurait-il trouvé ça rassurant.
Peut-être.
Tadjedine n’est pas misérable, bien flanqué sur ses quilles. Tout ce qu’il a porté comme certitudes en entrant ici vient de se faire dynamiter par rien d’autre sinon lui-même. C’est un état de fait qu’il lui faut maintenant apprendre à supporter. "Ça ne veut rien dire." Il grince, surpris par son aplomb mais sans insolence. Dans sa poitrine, tout s’est vidé. Reste un coeur qui peine à calmer le jeu de ses battements.

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Il ne lui est pas compliqué, en temps normal, de se glisser entre les mailles d’une situation inextricable, de faire preuve d’assez d’ingéniosité mutine pour défaire les noeuds des problèmes dans lesquels il a le chic de se mettre sans l’aide de personne d’autre que lui-même. Un jeu, pour le gosse qui fait des ennuis une quête à tous les coup réussie. La Force lui donne ce terrain. C’est qu’il y a tant à connaitre, tellement à manipuler pour épancher une soif arrogante et appelée par la curiosité d’un gamin qui a vu tant et si peu. C’est qu’Elle vit dans son ventre comme du terreau, charriée par toute la place qu’il lui donne, cette façon dont il l’accueille avec sérénité pour palier à tout le reste. Une Mère, plus qu’un dieu, ou une déité peut-être, qui le porte et le berce quand il n’a pas appris de l’amour filial. C’est une main chaude contre son front. La seule qu’il n’aura pas mordue. Au creux de sa paume elle brille et s’il y a de la peur devant la pierre qui y trône c’est davantage une fierté sereine de s’être enfin rencontré. Un apaisement qui ne sied pas à ce à quoi son coeur aurait dû se soumettre malgré les tentatives d’écouter les frustrations et les douleurs. Tadjedine essaie encore, pourtant. Toujours. En gardant la tête haute, il se dit qu’il peut s’agir d’une erreur, d’une faiblesse sans comprendre encore que la colère et la rancoeur ne sont pas les maîtresses de toutes émotions. Il n’a pas un coeur doux, il a un coeur d’enfant dans toute sa dualité, son arrogance, ses ambitions et sa miséricorde.
Le regard que lui porte son Maître est plus éprouvant que les oeillades jetées par le père. Parce-que le Sith l’a choisi, parce-qu’il a fait draper sur ses épaules un manteau auréolé d’espoir et de présomption, il a fallu grimper à la hauteur de toutes ces attentes. L’apprenti n’a pas dérogé à ses exercices, s’est discipliné, chaque fois, pour mieux satisfaire les encouragements que Darth Saevus lui a offerts. La balance pèse, de chaque côté, chaque fois un peu plus pour le rendre malade de ses indécisions. Et la fureur étant plus tendre que la déception, Tadjedine ne recule pas devant la menace de la lame contre sa gorge. A peine y t’il un sursaut de ses muscles, un tremblement au bout des doigts quand les regards se croisent. Vicié à son appréhension, le gamin se tend, s’érige pour se faire un peu plus haut et accuser la douleur qui finit par l’envoyer rencontrer l’une des parois du temple. Le choc est violent mais le supplice de l’attaque lui prend tout jusque’à ce que les yeux ne puissent plus se garder ouvert. Il semble régurgiter mais le cri s’entend à peine. C’est dix secondes ou c’est dix ans. Lorsque les éclairs s’arrêtent et que le répit lui est accordé, l’apprenti relève doucement ses naseaux barbouillés de sang. Si la lèvre tremble, il ne pleure pas. La colère, la colère. Ca ronfle doucement parce-qu’il a mal mais les mots ne sont rien, ils ne sont rien quand ils naissent du même fiel que celui du patriarche, à croire qu’il aurait pas fait mieux. Il voudrait rugir ; étalé sur la neige par dessus des coudes qui essaient de relever son corps aux angles maigres.
C’est pas la première fois.
Pas la première trempe.
Pas la dernière raclée.

Tadjedine a le regard de la mauvaise herbe, celle qui pousse partout et qu’on peut pas tuer, qui s’immisce dans les interstices et plantent ses racines dans la pierre. C’est la terreur et puis c’est l’insolence dégorgée par la fierté. Alors il faut remplir ses poumons, tasser ce tout petit tas d’os et ce grand bouquet de muscles et de nerfs pour mieux supporter la douleur qui revient et éclate tout. Encore, il voudrait hurler mais la gorge humide sèche et crame sous l’électricité. Le gosse est un pantin, une petite bête ou un chien qu’on a rossé et qui bave sur les quais. A l’étranglement invisible, d’instinct, il porte les doigts à sa gorge et tente d’avaler de l’air. En allant au delà des mots qui le percutent plus que n’importe quel poing vindicatif, Tadjedine survit. Il survivra à ça et à son nez qui saigne ; tout aussi certainement qu’au second choc contre la roche vitrifiée.
Il survivra à tout, parce-que la Force est grande. Il ne connait pas la tempérance pourtant la situation le garde de s’insurger. Il n’a pas les armes. Pas encore.
"P-parce-que vous m’avez promis de me montrer la voie de l’obscur..." Il souffle, s’étrangle. "Je peux devenir..." Et les mots sont durs à dégueuler quand la terreur l'aveugle malgré ses certitudes. "Plus grand que vous ne l'avez sou-souhaité, Maître." C'est juste une couleur. C'est juste un mauvais chemin. L'oeil s'aiguise. "Show me what it is to feel the pull of the darkness, Master.".
C'est juste une araignée qui finira par bouffer son parent.

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Sa gorge sous les doigts patriciens prend feu quand l’air manque et que l’oxygène restant lui râpe la trachée. Il le réclame, les naseaux ouverts à la recherche de l’air qui se raréfie alors la bouche s’y met et s’ouvre ; renâcle comme un animal les griffes sur le poignet qui le maintient dans cette fragilité écoeurante. Tadjedine voudrait que ça ne lui ressemble pas. Il voudrait pouvoir y faire quelque-chose et cocher les cases que l’on lui a préparées en attente de ses petits prodiges. Alors le gosse voudrait se rebiffer lorsque ses pieds ne touchent plus le sol et que la douleur s’avive. Elle lui fait cracher du feu et des graillons rauques puis les dents se dévoilent. C’est un épilogue bizarre dans lequel Tadjedine ne sait pas y voir de défaite ; au delà de tout et de sa vie surtout, la Force l’a reconnu. L’a façonné, offert une place dans son éther et s’est cristallisée dans ce truc bleu que ses doigts tout moites retiennent de toute leur puissance bête. Qu’avait-il de moins ou de plus pour ne pas s’être correctement plié aux espérances et grands projets de ses pairs ? La paume ferme se resserre autour de sa trachée et parce-que l’instinct ne laisse pas les noyés, il ouvre les yeux. Il y a des choses qui ne se guérissent pas, la déception en est la plus amère.
Le Maître a t’il aimé ? D’une façon bizarre, d’une façon tordue, sûrement. Et sûrement aussi que le gosse, dans l’empreinte de ses doigts, a essayé de se rattacher à une figure autrement plus noble, autrement plus grande que celle qui porte son nom. D’un geste, la main libre de l’apprenti cherche le visage affligé de Darth Seavus, pour l’inciter à le lâcher, lui redonner le droit à l’oxygène. C’est ce qui se passe ; en une fraction de seconde il s’étrangle par terre, chiale sans un autre bruit que celui de son souffle qu’il avale. Les mots lui tombent dessus quand sa manche émaciée essuie les larmes de sa figure dans un geste. S’il doit crever ce sera sûrement pas dans la boue que la neige a chiée, ce sera pas dans le silence et ce sera pas non plus dans l’anonymat. Il s’éteindra pas comme ça, comme des petites braises souffreteuses sur lesquelles ont n’a plus besoin de souffler. La douleur encore, elle revient soudainement mais Tadjedine serre les dents et cette fois n’hurle pas, fatigué jusque dans la voix.
Quand ça s’arrête, la bouche ouverte est trempée de salive. Ses cils de poupées tout collés par la sueur et le sel laissent à peine la place à son regard tandis qu’il se redresse sur ses fesses, les bras tremblants. Dégringoler de prodige à moins-que-rien, y avait pas plus humiliant.
L’image de Doja’r se dessine. Celle de Nev ; Kazia. Son père.
Son père.
"Non." Il grogne et le menton est noble lorsqu’il redresse le menu visage d’enfant, avec ses constellations de tâches de rousseur et ce nez plissé sur un regard farouche tout commun à ces gamins qu’on bricole d’aventures et d’illusions. "Non je s’rai pas de ceux que vous oublierez." Il crache comme ça, avec la rage qu’il garde encore au fond de son ventre, se relève en tremblant des genoux comme un faon. Ce qu’il décide, dans sa caboche de môme insolent, ne se laissera pas terrasser par des échecs ou des victoires aux yeux des uns et des autres. Alors les pieds dans ses traces de pas, Tadjedine suit celui qui daigne rester son maître, le coeur laissé encore un peu au sein du temple auquel il vient de se sacrifier.