S’il y a bien des projets qui lui semblent absurdes voire burlesques, celui-ci en a gagné la palme sans concurrence aucune. Elle n’a pas eu à choisir, cependant, et Hadassah n’a jamais eu intérêt de contredire Darth Akhssart dans ses décisions. Il y avait dans leurs rapports l’un à l’autre quelque-chose de l’ordre de la soumission. Peut-être est elle encore trop dépendante de sa reconnaissance à son égard, peut-être a t’elle été trop marquée par les corrections infligées lorsque les choses n’avaient pas été faites de la bonne manière. Son apprentissage n’est pas commun, à celle-là qui a été cueillie si tard. Il lui est pénible parfois d’essayer de comprendre les raisons qui ont poussé son maître à insister afin qu’elle se façonne dans la Force. Après tout, celle-ci s’était contentée de se flétrir jusqu’à sa quinzième année et il n’était pas aisé, aujourd’hui encore, de faire d’elle un Sith accompli. Malgré tout, elle avait réussi les épreuves à l’ombre de l’académie et seule une poignée d’individus s’étaient informés de sa double condition. Eden Farhor en fait parti. Celui-là même qui l’accompagnera dans cette mission de survie imbécile dont elle n’aime ni la perspective ni la promesse de ses résultats. L’ingénieure avait du poser quelques jours en inventant un prétexte sans trop de conviction et Taheer s’était vu gratifié d’un petit mot.
« Je reviens, ne t’inquiète pas. Ménage toi et laisse Evi un peu tranquille. » Après tout et à bien y réfléchir, le jeune apprenti est encore celui qui lui convient le mieux. Elle sait qu’il a des aptitudes et qu’elle peut bien troquer sa patience contre de meilleures chances de survie.
A cet effet alors, Hadassah n’a emballé que le strict nécessaire dans un vieux sac en cuir de kod’yok; à peine de quoi survivre deux jours dans la campagne de Naboo. Son sabre à la ceinture, elle s’était revêtue simplement d’une cape aussi miteuse que le reste et s’en était allée pour rejoindre le vaisseau.
Tout le voyage s’est fait sous la supervision de son pilotage et l’impériale ne s’est pas beaucoup manifestée, trop empêtrée dans ses pensées. Il lui est difficile de croire que la situation est vraiment ce qu’elle est; que Naboo n’est plus du tout dans le même système solaire qu’ils ne le sont maintenant; que doivent converger maintenant leurs efforts pour sortir vivant d’une aventure simplement destinée à les mettre à l’épreuve.
N’y a t’il pas plus formel ? elle se demande dans un dédain tout particulier.
Toute engoncée dans son siège, la lumière et sa vitesse lui donneraient presque la nausée. Elle ne tourne pas le visage pour observer Eden lorsqu’il se réveille de sa petite torpeur, se contente de lever les yeux au ciel avant de régler le réacteur ionique.
"Oh je m’en rends bien compte." Elle marmonne en se redressant un peu.
"Tu n’as pas beaucoup parlé, j’ai cru que tu étais malade." Les tonalités de sa voix se parent d’ironie mais pas de méchanceté et puis, doucement, elle daigne se tourner vers le jeune homme. Un moment, elle le laisse babiller sans s’arrêter, un sourire aux commissures.
"… Mais je comprends que je me suis trompée." Cela fait un moment, déjà, qu’un petit changement s’est opéré dans la façon dont il s’adresse à elle, dont il la regarde et s’implique dans son quotidien. L’ingénieure, un peu trop rompue à la solitude, remarque mais ne relève jamais. Elle observe, simplement, et s’en contente pour le moment.
Les deux heures restantes furent celle de la fin de leur quiétude. Hadassah en est davantage certaine maintenant que ses yeux se portent à la planète devant eux. Les bras se croisent contre sa poitrine et, un moment, elle reste silencieuse, laisse l’information se faire comprendre.
"Je ne connais pas ce genre de climat." La confession se fait à voix basse et elle ne dévie pas son regard du corps céleste. L’infime espoir de tomber sur une planète comme Hoth était mort dans l’oeuf sitôt sortis de l’hyperespace. Si le froid polaire n’est pas le plus avantageux ni le plus agréable, elle sait au moins comment lui survivre.
"Il faudra trouver un point d’eau en priorité Eden. Tu as une idée de comment faire ?" C’est peut-être une évidence, mais les créatures, anthropophages ou pas, sur lesquelles ils pourraient tomber n’étaient rien comparé à la sensation de crever de soif. Sentir la mort à l’intérieur de sa gorge pour finir avaler par le sable n’est pas une perspective qui l’enchante particulièrement. Non décidément, le constat ne leur est pas favorable.
Il y a quelques secousses alors qu’ils entre dans l’atmosphère si dense que les poussières de sable rendent tout atterrissage manuel impossible. Le sac a ses pieds et toujours assise sur le siège, l’ingénieure desserre enfin les lèvres.
"Avant que l’on atterrisse, je tiens à ce que tu saches que je déteste cette mission et que je n’en comprends pas l’utilité. Tu es prêt ?"(c) mars.