space opera (reve)

space opera La nuit opaque recouvre Naboo et son opéra national. Les cieux déconstellés sont éclairés par la lumière qui émane de la bâtisse. La foule s’installe. Les sith aux balcons. Bientôt, la cantatrice ouvre les babines. Elle déploie ses cordes vocales et baigne la salle d’un chant hypnotique. L'envoûtement de la plèbe est immédiat. Le son la prend aux tripes et la met en émoi. La chair tremblante, un homme est assis, lui aussi, et écoute sans un bruit. Entouré de ses compères, le chancelier est vêtu de nippes sombres. Son rôle a des à côtés agréables. Depuis la fondation de l’Empire, voilà qu’il se surprend à apprécier l’art. Le temps s'étiole et une sensation étrange envahit le spectateur. L’oeil balaye l’habitacle et dérive dans la mêlée. Soudain, il l'aperçoit enfin. Une silhouette familière. Une âme soeur. Un spectre ? Le visage semble différent mais il en a pourtant la certitude, il s’agit bien d’elle. Helia. Impossible. Le palpitant tambourine aussitôt contre sa poitrine. Il soulève sa cape et dans l'obscurité, il se tourne vers un de ses voisins. “Excusez-moi.” ordonne-t-il du bout des lèvres. Le corps se lève avec une lenteur mesurée. Un calme qu’on lui connaît. Hors de question d'alarmer les siens. Pas encore. A pas de loups, il se dirige vers la sortie. Traverse les couloirs rutilants du bâtiment. Il n’a cure de la riche tapisserie qui l’entoure ni du parfum de neuf qui flotte dans l’air. Seul, il se précipite enfin vers l’autre côté de l’arche. Un espoir presque ridicule le tient en haleine. Puis, il s'arrête brusquement, les yeux rivés sur le miroir qui surmonte une commode du couloir. Là, face à son propre reflet, il reste silencieux. Immobile. Le regard dur, il ne s'attarde pas sur le trois pièces qu'il porte, ni sur l'allure de ses cheveux. La seule chose qu'il voit est son propre visage. Il fait quelques pas en direction de la glace puis recule soudainement. Durant un court instant il croit que ses traits ne lui appartenaient plus, comme s’il voyait un fantôme pendant une poignée de secondes… Un fantôme qu'il aurait aimé oublier mais qui semble le persécuter nuit et jour. Un bruit retentit derrière lui et le ramène au moment présent. Une porte claque. Celle qui mène au toit. Remus reprend sa course effrénée, chassant la silhouette vue des minutes auparavant. Il monte les escaliers quatre à quatre et, parvenu en haut, il ne se meut plus. Le Sith a espéré vivre cet instant durant pas moins de cinq années. Un rêve qui se réalise soudain, mais à quel prix ? “Helia. Comment ?” souffle-t-il sur un ton interrogateur. Emplie d'émotion, sa voix grave se fait tremblante.

☾☾☾ C'est dans l'obscurité que la cantatrice se libère, et que Reve sent sa carne se flétrir sous l'épiderme. Prunelles agitées, depuis que la silhouette a pénétré son champ de vision – vers les premiers sièges, au devant de la scène, que ses yeux vrillent inlassablement. Bouche sèche, incapable de se prendre au jeu de l'art, cœur enfermé dans un étau d'acier alors qu'un goût de bile envahit sa bouche pincée. N'a jamais espéré le revoir. N'a jamais voulu y songer. Sur fond de guerre, d'assouvissement, de conquêtes et de planètes – incapable de ne pas ressentir mille émotions. Féroces, toutes autant qu'elles sont, à se fondre dans la masse. A soulever vents et marées, à lui faire dire que peut-être, seulement peut-être, tout n'a de sens que dans sa tête. Mais la silhouette, qu'elle peine maintenant à apercevoir dans la pénombre et au travers des corps qui s'alignent, l'attire autant qu'elle la débecte. Doigts qui enserrent le tissu nacré qui la recouvre, alors que son long corps se déplie, et se soulève de son propre siège, s'excusant ici et là en traversant la rangée avant d'atteindre la porte.

Battant qui se referme silencieusement dans son dos, alors que l'air semble lui manquer. Mâchoires serrées, à force d'entraînement et de lassitude, cœur qui tangue ici, puis là. Coeur qui dégueule des obscénités, puis qui se reprend – valse incessante qui l'étourdit. Le refrain de ce nom est entêtant, et l'obsède. Plus facile, pourtant, de prétendre le contraire et de penser que Remus n'a jamais laissé la moindre empreinte sur sa vie. Une existence devenue bien trop longue, monotone, depuis qu'il n'y est plus. C'est sans attendre que les pas se font pressés, alors qu'elle parcourt les couloirs du bâtiment majestueux dans lequel elle a la ferme intention de se perdre – c'est sans compter l'instinct qui pique, qui pointe, et qui la fait se tendre. Elle sait – elle le sent. Il est proche. Au détour d'un couloir que Reve se précipite, et s'engouffre dans la cage d'escaliers qui la mène jusqu'au toit. Le vent sec s'engouffre dans ses longs cheveux blonds, alors qu'elle lève ses yeux vers le ciel – cette nuit-là a le goût amer de fatalité.

C'est la porte qui grince alors, et Remus qui s'érige en Roi. Drapé de noir, interrogatif dans ses moindres gestes – tandis qu'une étincelle vivace se réveille dans le fond de ses prunelles inanimées. « Helia. Comment ? » « Reve. » Rétorque-t-elle d'une voix qu'elle essaie de modifier – sous l'impulsion du moment, sous ce mensonge qu'elle tient à préserver. Alors qu'il sait – qu'elle sait. Que le problème n'est plus vraiment de savoir s'il s'agit bien d'elle. Elle bat des cils, l'insolente, et place ses bras le long de son corps. Paupières qui se plissent alors qu'elle a l'impression de déraper et de se noyer ; Remus lui a toujours donné cette impression, l'a toujours appelée à tomber sans vraiment le lui exprimer clairement. « Vous me confondez avec quelqu'un d'autre. » Esquisse un pas en arrière, sans que cela soit fébrile, malhonnête ou évident. Maintient la distance dont elle a besoin. « Je voulais monter sur le toit afin de profiter d'un peu de solitude. J'imagine que vous ne souhaitez pas faire preuve d'impolitesse ? » Elle siffle, entre les lèvres rieuses d'un visage dont elle a fini par s'habituer. Billes bleues qui vont et viennent, sans jamais parvenir à se poser sur l'autre – ne souhaite pas lui découvrir un passé, une vie, loin de leurs idéaux d'antan. L'équilibre ; ce vers quoi les deux cœurs penchaient. N'a plus l'occasion de se laisser aller à un idéalisme détonnant. N'a plus la force de lui succomber.

space opera L’ombre envahit la mêlée, épaisse comme une dalle. La scène solitaire luit dans le noir, tout comme la cantatrice dont le chant envoûte les âmes présentes. Foule impériale. Le gratin de la cité est réuni en un essaim dont le bourdonnement prend brutalement fin. Tessiture particulière de la voix vibre jusqu’au creux de l’oreille du Sith. Parmi ses compères, assis une jambe croisant l’autre, l’écoute du canto est perturbée par une présence. Bouleversement soudain de l’univers. Le myocarde chavire quand bien même le chancelier réalise en silence l’aura qu’il perçoit dans le noir. Il la sent. Elle. Tout près de lui. S’excusant auprès des siens, il s’éclipse discrètement de la salle pour rejoindre le mirage. Le souffle court, le regard s’égare, balayant le corridor avant d’enfin apercevoir une porte se refermer. Aussitôt, le corps se met en mouvement. Le lapin blanc suit son Alice. Espoir ravivé par le spectre qu’il est persuadé d’avoir retrouvé. Preuve d’une existence jetée aux flammes mais belle et bien sauvée. Lui qui pensait avoir tout perdu retrouve subitement la partie la plus infime de son être. Palpitant chamboulé par la promesse de retrouvailles attendues trop longtemps pour être tout à fait saines ou crédibles. Comment a-t-elle seulement survécu ? Ose-t-il songer. Est-ce vraiment elle ? Le doute s'immisce sauvagement en sa pensée. Et ou sont donc les autres jedi ? Poussant un soupir, la silhouette sur le toit l'aperçoit enfin. Elle. La sylphide lui semble étrangement différente, comme si son visage avait changé. Traits poupins devinés sous l'adulte qui se dresse face à lui. Il y a tant qu’il aimerait lui dire. Tant qu’il cherche à comprendre, aussi. Ses dextres masculins vibrent non loin des siens. Désirent plus que tout effleurer la carne de sa moitié inavouée. Si toujours ils ont suivi l’Ordre, se privant l’un de la chair de l’autre, il la veut, du plus profond de lui-même. Combien de fois a-t-il rêvé de ployer un genou face à elle ? De lui offrir une liberté à laquelle ils n’ont pas le droit. Une existence autre, loin de tout combat. Loin de l’empire et ses obligations. Une vie qu’il a refusé en suivant sa voie auprès des Sith.

Sa voix grave s'élève dans l’éther. L’appelle par le seule nom dont il se souvienne. Helia. Elle rétorque sans attendre. Reve. Inconnu au bataillon. Contrarié, les traits se tendent. Il ne la croit pas. Le minois semble pourtant bien différent. La Force le tromperait-il ? Hésitant un instant, il observe la jeune femme. Ses gesticulations. La nervosité à fleur de peau. La confondre ? “Ta présence me trouble.” murmure-t-il. “Ma vieille amie.” La mélancolie dans l’oeil, il approche lentement de sa proie. Analysant chacune de ses réactions avec une attention particulièrement aiguisée. Tout dans ses mouvements lui rappelle Helia. Se pinçant la lèvre inférieure, il fait un pas de plus en sa direction. Remus n’a cure de l’impolitesse dont il peut faire preuve, cet instant lui semble bien trop important pour être balayé d’un revers de la main. “Profiter d’un peu de solitude ? Sur le toit d’un opéra alors que je te cherchais ?” la questionne-t-il. Lentement, il plonge une main dans sa cape charbonneuse et en ressort un sabre à la lueur immaculée. “Montre-moi.” ordonne-t-il sur un ton glaçant. Brandissant l’arme en sa direction, la tension augmente d’un cran. Il le sait. Il s’agit bien d’Helia. Seule elle pourrait échapper à pareille attaque. Plaçant l’épée juste sous son cou, cette dernière éclaire dangereusement sa gorge. “Pourquoi ?”

☾☾☾ A souvent songé à d’éventuelles retrouvailles – et maintenant que l’ombre de Remus est découpée par l’éclat de la soirée qui s’étire, Reve s’en sent fébrile. Pulpe des doigts qui appellent tantôt à l’arme, tantôt à la chair jamais que brièvement effleurée. Pensées en pagaille qui s’étiolent au profit d’une relation, d’une alliance, perdue. Le passé a avalé Helia, et n’en dégueule aujourd’hui que des bribes de réminiscences désagréablement réelles. Des années durant, elle est parvenue à s’effacer et à réprimer de son être entier la moindre émotion. Le vide – qui s’épaissit, qui s’étend, qui la dévore. Dans le creux de son ventre que ça s’agite, que ça se tord. Impassible, par force d’habitude, alors que la présence de Remus fait affluer en elle un émoi oublié. L’a toujours aimé et, maintenant qu’elle ressent sa présence, l’aime toujours. Comme on aime un fantôme, comme on s’accroche insidieusement à des songes qui n’ont de beau que l’aspect mélancolique qu’ils arborent tendrement. La douleur ne froisse aucunement ses traits, malgré les flammes qui dansent sous l’épiderme, et c’est un regard tout en insolence qui répond à l’interpellation. Se redresse afin de se donner davantage de contenance, obligée de relever le menton afin de soutenir le regard affûté qu’il lui renvoie.  

I’m not her anymore. Mais le mensonge se dilue, à mesure que les secondes s’égrènent, et que la vérité se dévoile dans le silence qui s’installe. « Ta présence me trouble. » Il souffle, et se rapproche. Frisson qui dévale de sa nuque jusqu’au bas de son dos, le long de sa colonne vertébrale.  « Ma vieille amie. » Ne répond rien, arborant une moue qui se veut égarée par une vérité qui ne la concerne rien. Mais l’effet escompté retombe mollement, lorsque le fantôme de cette amitié s’agite dans ses prunelles. Le visage de Remus est marqué au fer rouge dans ses rétines, s’est souvent brûlée à force de l’avoir trop contemplé. Gorge serrée, et bouche sèche, esclave de quelque chose qui lui faisait déjà défaut à l’époque. « Profiter d’un peu de solitude ? Sur le toit d’un opéra alors que je te cherchais ? » La voix s’élève à nouveau, et Reve y perçoit un semblant de hargne. Sans surprise, encore, qu’elle se débat avec ce qui pousse fermement contre ses lèvres. Ses yeux clairs suivent chaque geste qu’il effectue ; Elle se surprend à apprécier la grâce avec laquelle sa cape se froisse, alors qu’il en ressort son sabre.

Son front se plisse, et ses sourcils se froncent imperceptiblement. Réflexes qui lui sauvent la mise, se contorsionne afin d’échapper à – elle le comprend maintenant – un piège rondement mené. « Montre-moi. » L’ordre claque, alors qu’elle ressent la chaleur incendiaire contre la peau de son cou. « Pourquoi ? » Déglutit. Sa gorge se raffermit alors qu’elle se redresse et la découvre davantage. Sait (ou espère) qu’il ne lui fera aucun mal, mais cette certitude est chancelante, mise à mal par ses lippes qui se scellent, se pincent. Pose machinalement sa main à sa ceinture, où son sabre repose, dissimulée sous sa tunique blanche. « Mes raisons ne te concernent pas. » Concède-t-elle enfin – la vérité ne sortant toujours qu’à demi-mot. L’expression par les faits, plutôt que par la langue qui se délie de mille façons. « Le temps a passé. Je ne suis plus celle que j’étais, celle dont tu te souviens. » Sans attendre, soulève sa tunique d’un même geste et brandit son sabre à son tour, heurte celui de Remus dans un souci d’égalité. « Me poursuivre, vouloir engager la conversation, me demander pourquoi… » La commissure de ses lèvres se relèvent, mais ses yeux deviennent froids. « Pourquoi, à ton avis ? » Désigne l’habit charbonneux qu’il porte d’un mouvement de menton. Se souvient des morts, des corps qui s’alignent, des êtres chers qui se volatilisent. « Tu connais déjà la réponse, et tu n’as jamais cherché à me retrouver. J’imagine donc que la réponse t’a toujours convenu, raffermit sa poigne autour du manche de son sabre, tu me pensais morte, et je le suis sans doute. N'est-ce pas ce que tu souhaitais ? » Le prend à parti, le juge responsable d'une prise de pouvoir inattendue, et cruelle. Ne lui pardonnera jamais d'être ce qu'il est.