they all feel the same (wazrus#2)

Il se souvient que la baignoire a été pour lui une excentricité. Il n'en avait jamais vu sur Coruscant, pas chez lui c'est certain. Toute la salle de bain, tout ce besoin de luxe, du lavabo en marbre jusqu'au dallage qui recouvre le sol, c'était nouveau. Un besoin de se sentir dans un cocon. Il a dépensé sa première paye - vraie, paye - là dedans, sans compter. Il voulait une baignoire assez grande pour qu'ils puissent tous les deux s'y allonger. Kael et lui. Et le voilà, bien des années plus tard, seul, immergé dans l'eau brûlante à se demander parfois si il ne serait pas plus simple de ne jamais regagner la surface. Qu'il s'agisse du figuré ou du réel, Arcturus n'a jamais eu autant la sensation de se noyer dans tout ce faste qui lui a procuré autant de plaisir. Il pense à tout ce qu'il a pu se passer ces dernières semaines, aux retrouvailles et aux séparations. A la nécessité de choisir un camp qui s’amène doucement à lui. Il émerge de la surface de l'eau et prend une grande inspiration. Pour être parfaitement honnête, les dernières heures sont floues, non pas parce qu'il a bu ou s'est drogué, mais parce qu'il est ailleurs. Il a passé sa journée avec une conquête dont il a oublié le prénom, le parfum de ses eaux de toilettes a fait disparaître celui que l'autre a laissé sur sa peau. Il n'a pas l'impression qu'il se soit passé quoi que ce soit. Il pense sans être présent.

Le pilote enroule une serviette de bain autour de sa taille et retourne dans le salon, l'eau dégoulinant encore de ses cheveux. Wazn est en train de préparer le repas, une bonne odeur flotte dans la pièce. Il passe devant la table dressée et attrape son verre déjà rempli. La nuit est tombée depuis qu'il s'est enfermé dans la salle d'eau. Arcturus s'approche des baies vitrées et jette un oeil sur la ville, sirotant sa liqueur devant le paysage. Il aime Theed. Il aime Naboo, il aime cet endroit et pourtant, il a parfois l'impression de poser sur ces lieux le regard qu'on pose pour les adieux. Tout ce qu'il a toujours considéré acquis s'évapore, ses convictions volent en éclat. Son androïde est la dernière chose dans sa vie qui n'ait pas drastiquement changé. Il a eu droit à quelques améliorations, pour sceller leur accord. Rien de plus. Des ajouts que certains diraient mesquins, pour pimenter leur quotidien et se venger de son innocence.  Il a encore la sensation sur les lèvres de ce baiser, perturbé par la douceur du moment qu'il a vécu, presque persuadé qu'il n'a jamais existé. Le podracer dans son hangar en dit le contraire. Lorsqu'il se retourne, il capte le regard de Wazn. « Qu'est-ce que tu regardes ? » Qu'il demande sur le ton du flirt. Est-ce qu'il apprécie la vue ? C'est tout ce que Arcturus lui demande.

Assez de sa morale. Assez de ses commentaires sur son état mental. Peut-être est-il las de sa vie. C'est encore quelque chose qui le regarde. Au moins il ressent encore quelque chose. Il ressent beaucoup de choses, affirmer le contraire serait mentir. Il est sélectif sur ce qu'il laisse l'atteindre.   

Ils ont passé un marché, il n'y a rien de sentimental là dedans. Arcturus ne lui a pas ouvert les portes de la conscience pour son bon plaisir -ou peut-être que si, le plaisir de le voir galérer. Le plaisir de le voir affronter la réalité d'un monde qu'il fantasme. C'est cruel et enfantin de sa part de vouloir le voir souffrir, mais aussi cathartique. Le voir passer par tous ces états d'âmes lui rappelle les questions qu'il a pu se poser un jour. Il est injuste que tout soit simple pour lui sous prétexte qu'il ne ressent rien. Parfois, Arcturus aurait aimé ne pas ressentir. Il aimerait pouvoir se vanter de ne pas avoir de coeur, surtout dans les milieux qu'ils fréquentent, mais c'est tout le contraire. Il reste un homme, qui en dépit de tout ce qu'il a vécu n'est pas encore devenu une brute sans émotions. C'est quelque chose réservé à ceux qui suivent une voix bien plus noble, capable de ne pas faire de leurs préoccupations personnelles une priorité absolue. Son histoire lui a montré qu'il n'a jamais su prendre les bonnes décisions, alors que Wazn ne semble pas pencher de ce coté. Il n'a pas un mauvais fond. Et c'est peut-être là la réponse à toutes ces interrogations. Il y a de bonnes et de mauvaises personnes, peu importe ce qu'on dise, qui naissent mauvaises ou avec une jolie étoile au dessus de leur tête. Arcturus n'a pas eu le privilège de l'empathie. Sauf que Wazn n'est pas une personne. Il n'arrivera jamais à le voir autrement, c'est peine perdue. Le pilote ne sait pas quelle genre de réalisation il lui faudrait pour que son opinion très arrêté sur les androïdes vire de bord.  

Il pourrait très bien jouer avec le feu en se moquant des rêves et désirs de l'androïde. Il est curieux de voir sa réaction le jour où il réalisera que sa petite vie parfaite ne l'est pas. Mais après tout, c'est une leçon inévitable si il veut être humain. Toutes les expériences de la vie ne sont pas agréables, il y a très peu de plaisirs pour beaucoup de souffrances. Avec curiosité, il se tourne vers son androïde. « » De l'appréhension, comment ça ? Peux-tu m'expliquer ? » Il lui tourne autour comme un fauve qui veille à ce que sa proie ne lui échappe pas. « Tu n'es pas satisfait de tes mises à jour, Wazn ? » Elles ont coûté cher. Wazn n'est pas un modèle récent. Il est plus avantageux d'envoyer à la casse l'ancien et prendre du neuf. C'est ce qu'on lui a fait comprendre. Mais c'est Wazn qu'il veut, c'est à son visage qu'il s'est habitué. Il ne se voit pas le remplacer ou posséder une copie conforme. Ce ne serait pas pareil. « Toutes les émotions ne sont pas agréables. Nous humains passons beaucoup de temps à les éprouver. » C'est la première fois qu'il se permet de lui expliquer les choses, même un peu. D'ordinaire, il repousse, cherche à lui faire oublié ses idées d'humanité. Mais puisqu'ils sont tombés sur un compromis, Arcturus fait l'effort. Fait l'effort de se montrer ouvert et répondre à ses questions. Celles qu'il ne posent pas. « Tu n'es peut-être pas assez fort pour le supporter. » Abandonne. Qu'il sous-entend. Laisse tomber. Qu'il laisse tomber, comme Arcturus a tout laissé tomber depuis longtemps.

Il ne comprend pas. Wazn a beau lui expliquer, tout ceci lui échappe complètement. Ce n'est pourtant pas stupide. La peur est quelque chose d'insidieux qui prend de multiples visages. Lui en est exempt. C'est ce qui rend sa vie dangereuse, ce qui l'a poussé de nombreuses fois aux portes de la mort, ramené de justesse par la science et la médecine. Elle n'est pas assez rapide pour lui. Arcturus est vif pour ce qui l'arrange. Si il n'existait pas toutes ces prothèses et ces possibilités, Arcturus serait déjà six pieds sous terre. Il a conscience qu'il aurait dû mourir depuis longtemps, nombreux n'ont pas eu sa chance. Mais il est là maintenant, il va bien falloir faire avec. La mentalité de Wazn est bonne ; elle est excellente même.  Difficile d'imaginer qu'il s'agit juste d'une machine, qui découvre de nouvelles options qui viennent d'être ajouter. La frontière est encore plus floue. Arcturus hoche la tête, satisfait de son oeuvre. Il est curieux de voir jusqu'où ils peuvent continuer comme ça, expérimenter les émotions.

Il remplace une mèche tombée sur son front derrière son oreille. « De quoi pourrais-tu avoir peur, tu ne crains rien. C'est idiot. » Et c'est vrai. Arcturus ne laissera rien lui arriver. Il peut être bien cruel et maltraitant, mettre à mal ses émotions et chercher à le pousser à bout pour voir jusqu'où il peut aller, il ne lui viendrait pas à l'esprit de le laisser se faire torturer par d'autres mains que les siennes. Il ne s'imagine pas en venir aux gestes, pas dans le but de le blesser. Le pilote le sait au fond de lui, il ne veut pas lui faire du mal. Il le fait parce que c'est sa seule manière de se défendre. Sa hargne qui le pousse à attaquer avant qu'on ne s'approche de lui, l'attitude des mauvais petits garçons, toute interaction se transformant en guerre qu'il se doit de remporter.  Seulement Wazn n'est pas son ennemi, il lui a tant répété. Arcturus n'arrive pas à y croire. Il est toujours préparé à l'éventualité d'un couteau dans le dos. Sa main quitte sa joue pour revenir le long de son corps. Pendant l'espace d'une seconde, il a l'impression de retrouver la magie de ce moment hors du temps qu'ils ont partagé, alors qu'il s'abîme dans la contemplation des rues nocturnes. Plus aucune lumière ne brille, si ce n'est la lueur bleutée dans les yeux de Wazn. Dans ces moments là, une émotion particulière fleurit dans sa poitrine. Lui aussi, à la découverte de sensations étrangères, qui lui rappellent des moments partagés avec quelqu'un d'autre. Il l'arrache telle une mauvaise herbe. Il ne veut plus. Se refuse. « On m'a toujours dit "si tu veux, tu peux". » Wazn pourrait bien réussir. Il a bien su le convaincre de passer cet accord. Le pilote devrait le réprimander pour lui avoir répondu, osé admettre qu'il n'était pas d'accord. Il n'en fait rien, n'y pense plus, déjà. « Tu crains de mal faire Wazn ? »  C'est peut-être ça, cette peur, quand il réfléchit.  « Même si tu me décevais, je n'irais pas te remplacer. Tu es mon androïde Wazn. Tu m'appartiens.   » Il en deviendrait fou si quelqu'un d'autre pouvait s'occuper de lui.

Il s’apprête à lui faire une remarque incisive, pour lui rappeler que ses efforts sont vains, que la peur, ce n’est pas être humain, c’est être faible. Jusqu’à ce qu’il le remercie d’avoir été gentil. Juste comme ça. Le prenne dans ses bras. Il reste interdit, le temps de comprendre ce qui se passe, cette chaleur qui l’enlace. Enfin, Arcturus le serre contre lui en retour, accepte le geste réconfortant de Wazn. Il ne peut pas lui cacher ses états d’âmes et continue d’essayer, au cas où l’autre finirait pas être las de toujours lui apporter son soutient. Même lorsqu’il tente de réprimer ses émotions, l’androïde est capable de lire en lui, d’analyser son taux de sueur pour déceler son stress, d’entendre dans sa voix les variations qui trahissent la frustration, la fatigue et la tristesse. Il le remercie, le pilote ne sait pas de quoi. D’être une ordure, qui vient enfin de lui offrir un premier compliment après des années d’acharnement ? C’est dit avec une telle innocence et une telle violence que les secondes qui suivent, Arcturus est persuadé qu’il va asphyxier, incapable de respirer calmement. C’est vrai. Il ne lui dit jamais de choses valorisantes qui pourraient l’aider à surmonter cette peur dont il se moque facilement. Cette même peur qui le dévore. Il ne lui fait jamais comprendre que tas de ferraille ou non, il tient à lui. Ce qu’il a dit, il ne l’a pas dit pour lui faire un compliment, il ne cherchait pas à ce que l’autre puisse bien ou mal le prendre. C’est un fait. Il est sa chose, sa propriété. Il est normal de devoir faire attention à ses affaires, n’est-ce pas ?
Comme si il faisait attention.

Cette douceur, c’est tout ce qu’il faut pour faire tomber ses barrières, déjà à fleur de peau. La manière dont leurs gestes sont en miroirs. Wazn apprend de lui, c’est comme si il savait prendre le bon, le peu de bonnes choses qu’il peut en tirer pour le rendre au centuple. Et Arcturus apprend de lui. Il apprend qu’il n’a pas toujours besoin d’être ferme pur obtenir ce qu’il veut. Il est presque gêné de la prise initiative. Cela ne semble pas juste. Il n’a rien fait pour mériter ça. Le pilote le soulève comme si il ne pesait rien, malgré le poids du métal entre ses mains. La texture de sa peau est aussi douce et granuleuse que celle d’un homme, et l’assoit sur la table pour être à sa hauteur. « No. » Il sourit tendrement, ses pouces caressent ses joues et il incline la tête pour l’embrasser. « You’re getting the reward. » Après la journée qu’il vient de traverser, avec tous ses démons qui frappent à sa porte, Arcturus veut juste de la douceur. « Tu t’es donné du mal pour le repas, merci. » Si il y a quelque chose à l’intérieur de ses yeux, si il y a une âme dans tout ce métal, alors c’est le moment de la laisser parler. De lui prouver que c’est possible. Qu’il soit autre chose, de plus complexe. Il cherche, le considère. Il n’a jamais posé ce genre de regard sur lui auparavant, pas bribes, peut-être. Pas de manière aussi évidente. Sa tête dans le creux de son épaule, il embrasse sa mâchoire. Il pense qu’il est en train d’enfreindre une loi, par ce simple geste. « De quoi as-tu envie, maintenant Wazn. Si tu te forces, je ne veux pas alors. »

Arcturus ne sait pas ce qui peut le rendre heureux, il est à la poursuite d'un bonheur inatteignable, qu'il voit comme un trophée, quelque chose à gagner. Une compétition. Il veut être le meilleur dans tout, alors il voudrait aussi être le plus heureux. C'est tout l'inverse qu'il provoque. Rien n'est jamais assez. Il lui en faut toujours plus, c'est une sorte d'addiction, une de plus qu'il accumule. Il est désolé de lui faire subir ça, de le placer face à un problème que son esprit logique ne pourra jamais résoudre, même avec toutes les updates du monde. Les efforts de Wazn ne seront jamais suffisant, à moins que le pilote lui même n'accepte ces petits bonheurs et cesse de toujours voulu quelque chose d'extraordinaire. Trouver la beauté dans les choses simple du quotidien, retourner à la simplicité. Il lui faudrait se retrouver avec lui même, comme la fois où il est parti pendant deux ans, loin de l'effervescence de Theed. Loin de tout. C'est peut-être cet endroit le problème, cet appartement dans lequel il habite depuis toujours et qui abrite ses fantômes. Le pilote répète inlassablement les mêmes actions, et c'est lui qui fait la morale à l'androïde, le juge sur la banalité de son quotidien ? En quoi est-il supérieur ? Toutes ses actions s'effectuent de la même manière, robotique, dépourvue d'intérêt. Wazn est plus vivant que lui, et pourtant c'est lui qui possède un coeur qui bat. « Non, ça ne va pas. » Qu'il admet, finalement. Il peut faire le fort, le fier devant les autres. Il n'y a aucune honte à baisser sa garde devant Wazn, il ne dira rien de bien méchant. L'autre ne l'a jamais enfoncé quand il était en proie aux doutes. « Ce n'est pas de ta faute, c'est dans ma tête. » Il commence tout juste à libérer sa parole, ce qui n'est pas assez. Pas assez rapide. Il a beau admettre certaines choses, les plaies ne cicatrisent pas instantanément.

Il ronronnerait presque aux attentions de Wazn, comme un chat, appréciant qu'il passe ses mains dans ses cheveux. Il ferme les yeux et apprécie qu'ils ne soient pas en train de débattre de l'existence, qu'il ne soit pas en train de le remettre à sa place pour prouver qu'il a encore du pouvoir et de l'autorité sur sa vie. Apparemment, tourmenter un androïde à son service est la méthode qu'il a trouvé pour retrouver sa confiance en lui. Il aurait pu se contenter de discours devant le miroir, mais quand on ne peut plus voir sa propre tronche, c'est plus facile de s'en prendre à quelqu'un de plus faible. Quelqu'un qui ne dira jamais rien, qui va encaisser et revenir le prendre dans ses bras à l'instant même où il réclamera des caresses. C'est toxique, il est toxique. Il n'était pas comme ça avec Kael. Depuis Kael, rien n'est pareil, rien ne le sera plus jamais. « Je crois que j'ai peur aussi. » Il arrive à mettre des mots plus posés. Son front contre celui de Wazn. « J'ai peur d'aller de l'avant, de passer à autre chose. A une autre étape de ma vie. » La porte de son coeur est grande ouverte, il pourrait le laisser entrer. Sans problèmes. Il pourra dire ce qu'il veut, le crier sur tous les toits, le mal est fait. Deux ans qu'ils partagent un quotidien, qu'il a l'habitude de le voir, de lui parler, de le toucher. Il ne peut pas faire semblant éternellement, nier les sentiments qui naissent. Il refuse de lui laisser sa place, encore obsédé par une première peine de coeur. Au fond de lui, Arcturus voudrait être capable de lui dire qu'il est le seul rayon de soleil, quand tous les autres - à raison - lui tournent le dos. Qu'il est le seul qui compte vraiment. Qu'il est à peu près son unique raison de vivre, parce qu'il ne se voit pas le laisser tout seul, et qu'il a toujours eu peur de faire du mal aux autres. Pas de se faire du mal à lui même. C'est maintenant ancré en Wazn. La seule manière de le satisfaire, c'est de s'envoyer en l'air. Dans tous les sens du terme, mais surtout celui qui invoque leur proximité. Il ne sait plus quoi faire. Il se trouve idiot, là. « D'accord. Je te fais confiance, alors. » Il souffle, immobile. Seules ses mains tremblent. « Mais... appelle moi Arcturus, à partir de maintenant. Laisse tomber le "maître" ou je ne sais quoi. Juste, Arcturus. »

Il veut parler.
Mais trop souvent, les mots sont restés coincés au travers de sa gorge, des non-dits. Des manqués. Il a prit pour habitude de les ravaler et enfouir au plus profond de lui ce qu'il aimerait parfois hurler de toute  ses forces. Si il en avait eu la force, il se serait jeté aux genoux de Kael pour lui demander de rester, il lui aurait fait part de ses doutes et de ses craintes, de tout ses nuages dans sa tête qui l'empêchait de voir que son quotidien était radieux. La communication est la clé de toute les relations et Arcturus sait très bien pourquoi aucune des siennes ne tient la route ; parce qu'il ne communique pas. Autrement qu'en boudant, en se montrant méprisant et pessimiste. Tout ce qu'il veut dire il le cache précieusement en espérant que, peut-être, quelqu'un réussira à sonder son esprit et comprendre que derrière ses gestes brusques trop souvent il tient réellement à ce qu'il laisse partir rapidement. Il lui faudrait peut-être un chasseur de trésor qui n'aurait pas peur d'explorer ses états d-âmes et de s'y brûler les ailes. Ou alors il lui faudrait quelqu'un comme Wazn qui n'a pas encore d'encodé dans ses paramètre les émotions qui brisent le coeur de ses partenaires. Il fonctionne en extrême et inversement, il ne s'imagine pas fonder quelque chose de solide avec un être qui n'est pas complet. Il hésite. Une fraction de seconde.
A parler. A dire les choses clairement. Lui avouer que c'est vrai, il a eu le coeur brisé et ça ne s'est jamais correctement ressoudé. Pire encore, il est le premier à prétendre vouloir aller de l'avant alors que l'idée même l'effraie. Il sait ce qu'il perd définitivement, pas ce qu'il y a gagner au delà du chagrin.

Son coeur manque un battement douloureux quand Wazn commence à convulser. Il ne rit pas, ne s'amuse de pas de cette situation qui a ses yeux, brise l'atmosphère intime qui s'était déployée autour d'eux.  Il a failli franchir cette barrière qu'il est le seul à ériger, entre l'androïde et lui. Entre Wazn et lui. Entre quelque chose de beau qui pourrait voir le jour, qui succède à chaque nuit aussi longe soit-elle. Jamais. Tu ne refais jamais ça Wazn ! Ce n'est vraiment pas drôle ! » Il est en colère, contre lui, contre lui même, contre rien. Il a sincèrement eu peur de le perdre et il a du mal à comprendre pourquoi c'est aussi grave. Il soupire, fatigué. « Tu peux oui, ça ne me pose pas de problèmes. » Il aurait même pu lui proposer avant. Dommage qu'il soit aussi renfermé. « Evite juste ce genre de... "blague". Je n'ai pas envie de te perdre. »  

Il veut lui dire tellement de choses. Arcturus pourrait écrire un livre de tous ses secrets si bien gardés qu'ils l'empoisonnent. Que lui même  n'y a pas accès. Il a enfermé ses sentiments avec et ils demandent à sortir, se débâtent comme une bête en cage. Il sait que plus il gardera les choses réprimées, plus elles seront douloureuses le jour où elle devront sortir. Il a l'espoir de pouvoir tout garder à l'intérieur jusqu'à sa mort. Il pense en toute sincérité en être capable.
Puisqu'il le dit lui même, à quoi bon chercher un coupable. Wazn a tout gâché. Ou alors, est-ce Arcturus ? Il pourrait lui dire que ce n'est pas lui le responsable et qu'il ne devrait pas avoir le sentiment d'avoir gâché quoi que ce soit. Il devrait le rassurer, le prendre dans ses bras et reprendre là où ils se sont arrêtés. « A ton avis ? » Il rétorque, retranché à nouveau dans sa mauvaise humeur habituelle. Il se retire de son espace et quitte la chaleur de sa présence pour se diriger vers la cuisine d'un pas assuré et enragé. Il a faim. Il se convainc qu'il a envie d'autre chose que de l'alcool qui tue son foie, des drogues que font exploser son corps, que remplir son estomac remplira le vide qui s'ouvre sous ses pieds. Le manque est violent alors que la tourmente de ses émotions prend le dessus. Il cogne dans le mur, fait trembler la vaisselle dans le meuble. Il ne comprend pas pourquoi c'est aussi compliqué avec Wazn. Il n'arrive pas à se décider. Un moment il a besoin de sa compagnie et l'autre il veut le repousser, ne même pas le voir de la journée. Et puis, vient le jour d'après et il voudrait s'oublier dans ses bras. « Parce que tu pensais qu'il allait se passer quelque chose ? » Il ricane, acerbe et fait volte-face pour le regarder. Pour l'admirer. Il était si proche, à deux doigts de sombrer et d'oublier qu'il n'est rien qu'un morceau de métal à qui on a implanté des émotions. Une pâle copie d'humanité créée par la vanité de l'homme. Assez lui dit sa conscience. Mais il est en pilote automatique et il n'arrête plus le poison. « Franchement qu'est-ce que tu crois ? Que j'allais t'embrasser ? Qu'on allait faire l'amour ? Que j'allais t'appeler par un gentil petit nom ? » Il hausse le ton, de plus en plus en colère et ironique. Il n'est pas en colère contre l'androïde, plutôt contre lui même. Il ne comprend pas pourquoi il est toujours comme ça. Il est celui qui gâche tout. « J'ai presque de la peine pour toi, tu sembles t'accrocher à quelque chose qui n'existe pas Wazn. C'est n'importe quoi, ça ne rime à rien, on va nulle part... » Et il hurle, il vide son chargeur. Il lui balance ses atrocités sans lui offrir une minute de répit. Une seconde pour reprendre son souffle. « Tu sais quel est le pire dans tout ça ? »  La confession lui échappe, tout comme le contrôle. « Le pire c'est que malgré le fait que ce soit complètement stupide et contre-nature, je suis incapable de te sortir de mes pensées. C'est toujours toi, toi et toi même quand je suis avec d'autres. » Parce que.
Il est tombé amoureux. Comme un idiot. De ses sourires. De sa gentillesse, de sa dévotion sans limite à son maître. Sauf que ce n'est pas ça aimer, l'androïde ne peut pas savoir ce que c'est et il ne peut pas croire que c'est qu'ils vivent, qu'eux, c'est ça l'amour. C'est malsain.

Arcturus le regarde partir les bras ballants, toute colère oubliée. Comme si soudain la moindre de ses émotions lui avait été arrachée et qu'il se retrouvait comme l'androïde, une simple coquille vide reliée par des terminaisons nerveuses. Il demeure sous le choc un instant qui lui semble être une éternité. Lorsqu'il sort de sa torpeur, il jette un regard affolé en direction des baies vitrées pour s'assurer qu'il fait encore nuit. Qu'il ne s'est pas écoulé un jour entier à contempler le vide en face de lui, l'absence de la seule personne avec qui il a envie de passer du temps ce soir. Alors il fait ce qu'il aurait du faire il y a longtemps et il va le chercher. Il enfile rapidement des vêtements, les premiers qui lui passent sous la main et quitte son appartement pour rejoindre Wazn qui a eu le temps de sortir dans la rue. Un souvenir vif lui transperce le coeur, celui du départ de Kael. Leur divorce. La fin des temps. « Qu'est-ce que tu fais ? » Il ne lui a pas démandé de partir. Il a lui a reproché tout ce qui pourrait faire croire qu'il n'a aucune envie de sa présence à l'instant. C'est faux et il voudrait que Wazn le sache. L'androïde est capable de belles prouesses, déchiffrer ses pensées n'est pas un encore une capacité à sa portée. Arcturus avance à pas de loup, il a peur de le brusquer encore plus, de provoquer des dégâts supplémentaires dont il ignore les conséquences. Il doit bien y avoir dans la mémoire de Wazn tout un dossier ou il consigne ces agressions verbales qui lui servent de défouloir, mais qui cause tant de peine. Et là, la vérité lui explose en plein visage.

Bien sur qu'il a des sentiments.
Wazn est bien plus qu'un simple robot qui suit des ordres, qui vient le réveiller le matin et lui prépare son petit déjeuner, qui fait son ménage et lui facilite l'existence. Il a une conscience. Il n'est pas capable de se rebeller ou d'exprimer ce qu'il ressent, en revanche, il éprouve des émotions. Il essaye de se souvenir des ajouts dont Wazn lui a parlé. Tu n'as rien fait de mal. Il tend une main pour effleurer son visage. Il ose à peine le toucher. Tout ce qu'il touche, il finit par le briser. « Désolé. » Il s'excuse une fois de plus, de ces excuses qu'il oubliera le lendemain car il ne tient pas ce genre de promesses. Il est facile pour lui de parler, de prétendre pouvoir changer quand il n'a jamais évolué depuis toutes ces années. Tout juste bon à retomber dans cette spirale sans fin où il se tue à petit feu. « Rentre à la maison. » Il ne sait pas quoi lui dire de plus. Il n'est contre-nature, c'est leur lien qui l'est. C'est ce que l'empire veut leur faire croire, mais ce n'est plus ce qu'il croit. Il ne sait pas ce qu'il doit écouter, si il écoutait son coeur, il aurait déjà fait des choses stupides. « Je suis tellement perdu Wazn. » Il se confie tout en sachant qu'il n'est capable de comprendre totalement ce qu'il veut dire. Il espère qu'un jour, il saura lire entre les lignes.