say something (nocturus#2)

Sa définition de la maison a toujours été son appartement. Il le possède depuis des années, des décennies même. Il y a passé la moitié de sa vie. Il a été le témoin de tous ses émois, ses victoires et ses défaites, celles liées aux courses et celles personnelles. Toute son histoire entre quatre murs. Jusqu'à présent, c'est ainsi que les choses se présentaient. Il ne saurait pas dire comment ni quand, mais Arcturus est certain d'une chose. Quelque chose à changé. Presque imperceptible et pourtant, il ne ressent plus d'émotion particulière quand il regarde l'extérieur sur son balcon.
La présence de Nocte chez lui est devenu une habitude. Son absence se fait ressentir ces derniers temps et la nervosité d'Arcturus ne fait que prendre des proportions démesurées, alors qu'il réalise pourquoi il est parti. Où il est parti. Retrouver Atlan. Ce qui le sauve c'est sa propre ignorance, Arcturus ne sait pas ce qu'il va y trouver, il ose espérer que les évènements de ces derniers années n'ont pas affecté Atlan. Si Atlan est toujours là, si le peuple attend son roi, alors il va le perdre pour de bon. Nocte aura ses responsabilités et Arcturus les siennes. Il déprime à cette pensée. Ca ne pouvait pas arriver si Nocte dormait, tant qu'il le gardait jalousement. La vie doit reprendre son cours, il ne peut pas y échapper. Arcturus a commencé à se remettre en question, doucement, en réalisant la porté de ses actes et de son déni. Conscient qu'il ne pourra pas changer des années de pratiques abusives en l'espace d'une poignée de semaine, il essaye, au moins de calmer le jeu et se reprendre en main. Il est tombé une fois, s'est déjà relevé, il n'est pas impossible de s'en sortir. Il est sobre depuis plus d'une semaine et n'a pas ressenti le besoin de se rendre saoul pour tout oublier. Nocte ne lui donne pas envie de se fuir, de penser à autre chose. Leurs discussions sont agréables et se présence seule suffit à la rassurer et mettre des barrières. Tout rentre dans l'ordre quand il est là, tout est toujours rentré dans l'ordre quand il revenait dans sa vie. C'est le seul qui n'a jamais encouragé sa débauche.

Leurs chemins n'ont fait que se croiser puis se perdre. Il réalise que tout ce temps, lorsque Nocte avait besoin de lui il était ailleurs, sans doute aux bras d'un parfait inconnu ou de quelqu'un qu'il savait néfaste. Il se lève automatiquement quand la porte de l'appartement claque et laisse en plan tout ce qu'il était en train de faire. Il a l'espoir que ce soit lui et la sensation l'effraie autant qu'elle soulève son coeur et lui fait rédécouvrir des sensations oubliées. Le sourire sur ses lèvres se fane rapidement quand il croise le regard de Nocte. « Tu es blessé » Il constate, ne prend même pas le temps de réfléchir et s'approche de lui. « ça va ? » Son sixième sens lui souffle de ne pas faire un pas de plus. Que quelque chose cloche. Il n'écoute jamais, il ne veut pas voir, ne veut pas affronter la réalité des choses, les conséquences de ses propres actes. Il veut le prendre dans ses bras et croire que c'est tout ce qui est nécessaire.

Il ne possède presque plus rien ; des miettes au travers de l'univers, des poussières qui ne veulent plus rien dire, maintenant. Le lit dans lequel il dort ne lui appartient pas, peu importe le nombre de fois où Jun-0 lui a répété qu'il pouvait y rester aussi longtemps que possible. Les vêtements qu'il porte sont trop larges sur son corps ; ils appartiennent au propriétaire de la chambre. Nocte suppose qu'il s'agit d'un ami de l'androide à entendre les insultes balancées à son sujet dès qu'il en parle.
Il ne possède presque plus rien. Les poches sont vides, le coeur aussi, un peu, même s'il essaie de le garder remplir. La tête est plus pleine qu'autrefois, par des pensées sombres et des douleurs qui résonnent jusqu'à ses pensées. Nocte sait que des choses doivent être faites. La liste est floue dans son esprit ; pour l'heure, il n'a fait qu'envoyer des messages à Evi, mais son fils ne répond pas. Il n'a pas répondu une seule fois, depuis son éveil. Il ne se posait pas de questions avant. À quoi bon ? Les adolescents peuvent bien avoir leur rancoeur ou perdre leur holocom. Les choses peuvent arriver. Mais Atlan n'est que poussière, que terre morte pourtant les cendres des leurs, et Evi ne lui répond pas.
Il ne possède presque plus rien. Rien d'autres que sa colère et sa tristesse et pourtant encore, un besoin de rester calme et de trouver le bon angle pour observer les choses. Nocte n'aime pas être pessimiste. Il aime trouver le beau même lors d'événements qui ne s'y accordent pas parfaitement. Il aime faire naître les sourires, faire disparaître les larmes, et éveiller les rires. Il y a toujours des solutions, pour autant qu'on soit en vie.
Sauf qu'Atlan est morte, un peu, et que son oeil est assombri par ce qu'il a pu voir.
Il ne possède presque plus rien ; quelques items se trouvent chez Arcturus. Il doit s'y rendre, bien que le fait d'aller là-bas le confronter à des pensées qu'il tait depuis qu'il a vu Atlan pour la première fois, quelques jours plus tôt. Il ne sait pas s'il est prêt à cela. C'est peut-être pour cette raison qu'il fonce, tête baissée, concentré loin de ses pensées.
La porte s'ouvre et il pénètre les lieux. Elle claque derrière lui ; le roi sursaute, surpris lui-même par le poids de ses émois. La capuche quitte ses traits et les prunelles se croisent.
- Tu es blessé Les lèvres se tordent un brin avec les paroles ; il possède des blessures sur le visage et les mains. Elles ont été traités par Noon, bien évidemment, mais Nocte a refusé un traitement accéléré. Il a besoin de sentir la brulure et l'inconfort des blessures.
Il doit bien payer pour quelque chose, un peu.
- ça va ? que le pilote lui demande, et le regard se détourne. Nocte le contourne et se rend vers le canapé où, à côté, se trouve une accumulation de choses. Les porgs en font parti. Il en prend un entre ses doigts.
- Tu as un sac ? grand. qu'il demande, rabaissé au sol, triant les items. Il sait parfaitement qu'il n'aura pas besoin de toutes ces peluches achetées. Evi a passé l'âge. Evi reste son gamin, pourtant. Quand il le reverra -
Les épaules se tendent, un peu. Les jointures blessées se serrent contre l'un des porg, le jaune. Il voulait l'offrir à Arcturus. La couleur lui rappelle le premier vaisseau qu'ils ont connu, ensemble.
- Maintenant. S'il te plait. qu'il ajoute, aussi vide, presque brusque, prenant les items dans ses bras et allant à la table pour les déposer. Quelques vêtements sont là. Il prend la peine de les plier, lentement. Les doigts tremblent. Il ne regarde toujours pas Arcturus.

Nocte est sombre comme Arcturus ne l'a jamais vu. Il le laisse faire, le regarde ramasser ses affaires avec un terrible air de déjà vu quand grandit, grandit dans sa poitrine tel un monstre et dévore tout sur son passage. Son coeur avec. Il était donc là, son coeur, depuis le début, mais il a été assez idiot pour ne pas le voir. C'est vrai, ce qu'ils disent, que l'évidence est là et qu'on se rend compte des choses quand elles partent, quand elles fânent. Il comprend, sans même que Nocte ait besoin de lui dire, où il veut en venir. Et pourtant, une infime part de lui refuse de croire que ça y est, il vient de perdre la dernière chose qui importait. Que son monde s'est effondré pour de bon, quand il pensait que c'était arrivé des semaines plus tôt. Il s'est déjà senti mourir à l'intérieur, il a déjà cru que son coeur venait d'être arraché. Quand Kael est parti, quand il est venu chercher ce qu'il restait chez lui pour ne jamais revenir. Son fantôme réside encore aujourd'hui. Cet appartement voit défiler des dizaines de fantômes tous les jours, Arcturus est habitué à leur passage. Il n'aurait jamais cru que Nocte en ferait partie un jour. Le pilote assiste impuissant à une scène dont il connait déjà la fin.
Il tremble, mais ne pleure pas, ne hurle pas. Il sursaute juste quand Nocte lui demande d'aller chercher un sec, insiste, sans aucune douceur, sans que l'Atlan ne se glisse sur sa langue et chante une douce mélodie. Il se rend dans sa chambre et récupère un large sac, celui avec lequel il est parti de Coruscant. Il sent encore la lessive de sa mère et le moisi, un peu. Il aurait pu lui donner un autre et pourtant, il se trouve con de lui donner quelque chose qui lui rappelle lui. Comme si ça suffirait à le faire revenir. Le pilote le sait sur le départ, il ne sait pas ce qui l'a fait enfin ouvrir les yeux. Juste qu'ils y sont. Cette inévitable rupture qu'il refuse. Parce que... c'est impossible. Pas après ce qu'ils se sont dit, pas après ce qu'ils ont partagé. Pas alors qu'il a comprit que...

Le pire est son silence, l'absence de réponse que les pensées du champion comblent et interprètent à toute vitesse. Il manque de la vie dans les paroles de Nocte qui si souvent l'assomme avec tout ce qu'il veut dire. « Parle moi Nocte. » Insulte moi, tue moi. Il est cruel d'agir ainsi. Il pourrait être gracieux et l'achever, ce n'est pas ce qu'il mérite. C'est sa faute, Nocte a dormi pendant sept ans. Arcturus a fait n'importe quoi et il ne peut pas lui rendre ce temps. « Je peux tout t'expliquer Nocte je... » Expliquer quoi ? Que son égocentrisme est allé trop loin. Il se sent idiot, d'avoir cru un instant qu'il pourrait lui dire ce qu'il vient de réaliser. Il se sent brisé, mais ce n'est rien de nouveau. Quand n'est-il pas brisé. Quand n'est-il pas en train de se morfondre et injecter les drogues dans ses veines.

Ses ongles sont douloureux à force de les avoir nettoyer. Pourtant, il y a encore un peu de saletés en dessous. Une saleté qui ne s'en va pas. Un événement qui reste marqué dans le sang et la souffrance. C'est la terre d'Atlan ; voilà ce que son coeur dit, chante. C'est la poussière d'Atlan qui reste ancrée à lui et qui lui sert de rappel pour qu'il n'oublie pas. L'abandon, son absence, ce qu'il aurait pu faire pour eux et ce qu'il n'a pas fait, car il n'était pas là. Elle restera toujours. Peu importe s'il frotte, peu importe si la peau en vient au sang. Sous les ongles, juste là, une fine couche sombre, un écho d'une planète qui aurait eu besoin de son roi tandis qu'il n'était pas là. Nocte n'est pas porteur d'espoir, encore. La chose viendra avec le temps, peut-être. Pour l'heure, il est tombé. Pour l'heure, il essaie de ne pas se noyer. Se noyer dans uen colère qui gronde et qui ne demande qu'à éclater. Car il est en colère ; aussi furieux qu'il peut être brisé de l'intérieur. Que lui reste-t-il donc, outre Noon ? Arcturus est là, certes.
Arcturus est sa prison, aussi.
Le sac est déposé sur la table, près de lui. Arcturus est là. Nocte n'a pas la force de le regarder. Comment pourrait-il faire une telle chose alors que depuis des jours, son coeur ne demande qu'à saigner pour des suppositions qui pourraient être véritables ? Elles sont à un instant d'être entières et plus douloureuses. Pour l'heure, elles n'existent que sous forme de pensées cruelles dans son esprit, des douleurs qui ne prennent pas entièrement formes, encore. Pourtant, elles sont si douloureuses. Il ne désire pas les voir réel ; le roi a si peu de force face à ce qui est triste. Il se détourne si aisément des pleurs des autres, après tout. Il ne sait pas que faire d'un chagrin, outre le laisser être et le laisser s'éteindre, ensuite. Que pourrait-il faire d'autre que cela ?
Que pourrait-il faire à cet instant ? Nocte n'est pas habitué à la colère. Une colère lourde et vorace, destructrice et lente, qui réclame et ronronne, en lui, une chose qu'il ne sait pas s'il peut lui accorder.
- Parle moi Nocte. que lui demande son ami, son frère et l'homme ne peut que serrer la pauvre peluche qu'il tient entre ses doigts. Il inspire avec délicatesse par ses narines, se contient et regarde ses iris sur les objets se trouvant sur la table. Un à la fois, il les met dans le sac. La chose se fait avec finesse et pourtant, rien n'est placé. Je peux tout t'expliquer Nocte je...
Le sac fait un bruit, contre la table. Nocte libère ses mains, s'éloigne d'un pas et va vers la chambre, dans un mot. Il n'a pas envie de rester en sa présence.
Il n'a pas envie de rester ici. Et pourtant, que possède-t-il comme demeure outre que ce lieu ? Il ne possède plus rien.
Et Arcturus, peut-être, surement, l'a privé, l'a empêché d'être avec les siens.
Il a toujours su, quelque part, qu'Arcturus posséde ses torts, des fautes. Nocte n'a jamais été aveugles face à ses défauts, ses faiblesses. Arcturus est humain, après tout. Mais aucun de ses gestes n'a eu un écho aussi cruel aussi cruel sur lui par souci d'égoisme.
Il le sent dans son dos tandis qu'il ramasse les vêtements lui appartenant. Ils sont propres. Le pilote a pris le temps de les nettoyer et de les plier. Le coeur ne peut qu'en souffrir encore plus. Les doigts sont blancs, les jointures aussi, tandis que le roi brisé se redresse, tenant ses vêtements.
Quand il se tourne, il l'observe pour la première fois.
Il y a quelque chose qui ne lui ressemble pas, dans son regard.
Une absence de vie.
- j'ai tout ? qu'il demande, le contournant pour faire le tour de la pièce, par le même fait. Puis, sans attendre la réponse, il quitte. Il ne peut supporter son regard. Il n'en a pas envie ; pas envie de le regarder et d'éclater, juste, complètement. Il ne sait pas si la chose se fera en cri ou en larmes. la plaque c'est cadeau. trop gros pour le sac. qu'il fait, d'une moquerie terriblement triste et amère, retournant au sac pour y mettre les vêtements trouvés.

L'envie de réécrire l'histoire n'a jamais été aussi forte, faire en sorte d'être plus malin dans le passé, ne pas tomber dans les pièges qui lui ont été tendu. Ce n'est pas pour son intelligence que l'on apprécie Arcturus, certainement pas pour ses bonnes idées. Si il avait su - et il aurait du le savoir - qu'il en arriverait là, il n'aurait pas attendu une seconde avant de délivrer Nocte de son sommeil profond. Il ne sait jamais avant que les choses arrivent. Il n'aurait pas attendu un accident. D'être au bout du rouleau. Au final, Nocte l'a sauvé pour cette fois, il lui a donné une raison supplémentaire de s'accrocher, au moins une pour ne pas couler. Tout ce qu'il a eu en échange ? Rien. Il a tout perdu. Arcturus se hait parfois de posséder cette chance. Lui s'en sort toujours, par des pirouettes et des embrouilles, des jolis mots et des clins d'oeil. L'univers continue de lui sourire, s'il existe un juste retour, alors il devra attendre une autre vie. Dans celle-ci, Arcturus est le vainqueur, le champion. Il n'est pas indétrônable. Il l'apprend à ses dépends. Il a subit des défaites, aucune n'est plus grand que la perte d'un ami. Il connait les gestes, il connait la suite. L'absence de réponse qui ne veut dire qu'une chose. Il est la dernière personne avec qui Nocte veut parler, interagir. Si il pouvait se faire minuscule, il aurait rétréci à la taille d'un enfant qui demande autour de lui pourquoi les gens jettent leurs affaires dans les sacs et ne reviennent jamais.

Ce n'est pas la première fois qu'on lui fait le coup, surement pas la dernière. Il aurait aimé que ce soit le cas, mais il le réalise un peu trop tard. Trop tard pour lui courir après et se mettre à genoux, trop tard pour lui avouer des sentiments qu'il a ignoré l'équivalent de toute sa vie, qu'il vient de remarquer alors qu'ils étaient toujours là. C'était trop tard pour Kael, pourquoi cela serait différent aujourd'hui ? A quoi bon se battre et dépenser de l'énergie alors qu'il pourrait être honnête avec lui même et se respecter pour une fois. Il ne veut pas se défendre et prétendre qu'il avait ses raisons. Le laisser partir la tête haute sans jamais savoir ce qui lui a fait réaliser qu'il aurait prendre la poudre d'escampette dès son retour. Une part de lui, à envie de lui avouer qu'il aurait du le laisser mourir. Et puis l'autre, essaye de s'accroche. « Je ne sais pas. Si il te manque quelque chose tu peux toujours revenir le chercher...?   » Il prend l'air d'un idiot qui n'a rien comprit à tout ce qui se trame, il essaye un sourire pour l'adoucir, pour lui montrer que cette porte lui a toujours été ouverte. Cet appartement c'est un moulin, on y vient, on y part. C'est sa maison aussi, si il le veut. Si il l'avait voulu. « Je suis désolé... » Il baisse les yeux une fois de plus. Il ne peut que s'excuser de toute façon. La plaque ne rendra pas les années de perdues. Ses mots non plus. « Nocte je... je ferai n'importe quoi pour me rattraper. » Ce n'est pas suffisant, c'est tout ce qu'il possède. Des promesses, de l'argent, qui n'achète pas le temps.

La colère est une chose lourde et amère ; elle laisse un poids sur les épaules mais sur l'âme aussi. Un poids plus pesant que celui qu'il peut ressentir sur son coeur déjà meurtri et serré depuis de nombreux jours, déjà. Nocte n'est pas un être de colère, de dispute ; il n'aime pas les cris, il n'aime pas sentir la rage dasn ses veines, digne d'un animal. Il n'aime pas cette chaleur étrange qui se déferle en lui tandis que ses pensées sont agités et que son coeur saigne. On ose croire qu'il ne pense pas, et peut-être est-ce le cas. Mais Nocte possède quelques réflexions, à l'occasion, surtout lorsque ses sentiments sont au plus fort. Elles sont aussi vives que les élans d'émois prenant place en lui. Des pensées qui le percutent et qui l'aident à garder les pieds au sol. Car voilà ce que la colère lui fait ; elle l'écrase lourdement sur le sol. il pourrait voir la chose comme une défaite, rester au sol et ne plus bouger. Mais Nocte a l'impression d'être ancré aussi, en même temps. D'être plus présent et plus prévoyant de ce qui l'entoure, et de ce qu'il ressent. Le coeur comme l'âme sont des tempêtes et il lui faut un temps pour en voir chaque floçon, chaque coup de vent, mais il a conscience.
Il sait naviger dans chacune de ses tempêtes ; il est un pirate, après tout.
Certainement pas le meilleur, ni le plus brillant ou le plus riche, mais un pirate tout de même.
Alors, il reste calme.
Malgré la colère, malgré la rage et la tristesse surtout, il est contenu dans son corps, dans son âme. Car il sait ce que la rage peut faire, car il sait ce qu'il pourrait dire comme paroles. Et elles sont lourdes, envers Arcturus. Le coeur saigne pour des maux nombreux et pour certains qu'il a ignoré il y a des années. Nocte rit de ses propres blessures, souvent. Une petite plaie ne le dérange pas, ni une grande, sur sa peau ou son coeur. Et Arcturus, si près de son coeur, a laissé une multitude de blessures au fil des années. Nocte les a laissé être, les a apprécié comme il a apprécié les bons moments, aussi. Car rien n'est parfait, et qu'Arcturus ne l'est pas, non plus. Il est humain. Il s'améliore dans les détails plutôt que dans les grands éclats, et Nocte y a toujours répondu avec un grand sourire, à chaque fois.
Il est plus aisé d'être touché par les bons côtés que par les malheureux. Arcutus est une étoile qui brille si fort qu'il a l'impression d'être constamment plongé dans l'obscurité. Il ne remarque pas que l'ombre autour de lui, c'est lui-même qui la crée.
L'ombre autour de lui...
Les jointures de Nocte sont blanches. Il n'a pas bougé ses mains depuis quelques secondes, déjà, serrant fort un t-shirt quelconque. Expiration tremblante entre les lippes, il laisse ses doigts lâcher prise et enfouit le vêtement plus profondément dans le sac.
- Je ne sais pas. Si il te manque quelque chose tu peux toujours revenir le chercher...?   Le corps se tend encore, une énième fois. Nocte pince ses lèvres et ne répond pas. Il avait une liste dans sa tête avant de partir, des choses à ne pas oublier.
Maintenant, il ne sait plus. Il est juste triste.
Plus triste qu'en colère. C'est peut-être ça, le pire.
Il est plus triste qu'en colère.
- Je suis désolé... que dit Arcturus, et le coeur ne peut que saigner un peu plus, comme l'âme. Il n'a pas envie de l'entendre s'excuser. Sait-il seulement ? Sait-il pour Atlan ? La pensée fait si mal, il en oublie de respirer. Juste une seconde, juste une éternité. Nocte je... je ferai n'importe quoi pour me rattraper.
Tout est dans le sac, maintenant.
Tout demande à en sortir, aussi.
Nocte laisse ses paumes contre le tissu usé, un moment. Il pense trop ; voilà ce qu'il est porté à faire quand la douleur est forte. Il pense trop.
- Dis pas ça. Tu sais pas. qu'il dit, espère, tourne le regard vers lui, juste un instant Il le dévisage si peu longuement que la chose s'efface avec un cillement. tu peux rine faire. La voix est basse ; si basse qu'elle parait douce, mais elle est lasse. Vide de sa force, vide de sa joie. Vide de lui, entièrement. juste arrête. Car il n'a pas envie d'être en colère, ni de parler. Il n'a pas envie de cet instant, même si quelque part, Arcturus mériterait l'éclat. c'est trop tard. je veux pas hurler. Il n'en a pas la force. Les derniers jours ont été pris par les larmes et par la tempête de ses cris, à l'occasion, dans les oreillers. Si le bumblebee possédait quelques bouteilles d'alcool, Nocte les a bu et Noon n'a pas apprécié. Il a fini par les pleurer plus que par pisser, à la fin de la soirée. Ou plutôt, lorsque le soleil s'est enfin levé.
Pourtant, c'est encore la nuit. Pourtant, minuit n'arrête pas de sonner.
- juste - contacte moi si tu trouves evi. ou un atlande. qu'il demande, sans expliquer, sans exiger. Arcturus fera bien ce qu'il voudra. Les mains quittent le tissu et Nocte soulève le sac. Il a tout, maintenant. j'dois y aller. qu'il annonce, juste.
Rares sont les fois où le départ a été annoncé.
Peut-être le dit-il car il s'agit de la dernière fois.

Il recherche l'adrénaline Arcturus, il recherche la peur Il ne peut rien faire si l'autre ne lui dit pas ce qu'il peut faire. Il ne sait pas. Même quand il a l'esprit clair, il est toujours aussi perdu dans ses galaxies. Quand il n'a pas un vaisseau à piloter, il est juste là à attendre le prochain élément perturbateur dans sa vie. Qu'on vienne lui mettre une gifle ou que quelqu'un de particulièrement séduisant comble sa solitude, son ennui.

Il est étrangement calme d'un coup. Immobile, parce que si il bouge, il sait qu'il va s'écrouler une seconde fois. C'est différent encore du soir où il l'a réveillé, où il était prêt à tout abandonner. C'est autre chose qui se brise en lui, la fin d'une ère, la fin d'un rêve. C'est surtout la fin de tout si Nocte part, il s'agit de centre de sa vie, il ne voit pas ce qu'il peut faire de ses journées si il ne rentre pas le soir pour le retrouver dans son canapé, avec une peluche de porg, à lui parler de tout ce qu'il va offrir à Evi quand il va le revoir. A faire des plans sur le futur, dans lequel, parfois, il est inclus, dans lesquels, parfois il s'imagine là où il ne devrait pas. Il s'y est habitué, Arcturus en sait quelque chose de l'accoutumance. Cette fois, c'était une présence, réconfortante, aimante. Ce n'est pas étonnant qu'il n'en prenne conscience que maintenant. Au dernier moment, toujours.

Il ne veut pas hurler, comme si il y avait une raison de hurler, comme si il y avait un autre moyen de lui parler. De lui faire comprendre les choses, autrement qu'en hurlant. Qu'en le secouant. Il ne dit rien. Nocte qui ne dit rien est mauvais signe, Nocte qui ne raconte pas d'histoire est triste.
« Il n'était pas là bas ? » Ca lui tombe dessus comme une épée de Damoclès, bien qu'il avait espéré que rien ne soit arrivé, que Nocte puisse retourner chez lui et reprendre sa vie où il l'a laissée. Au fond, il savait bien que quelque chose n'allait pas. Que le silence d'Evi n'était pas normal. Ses pires craintes, que quelque chose soit arrivé pendant qu'il retenait Nocte loin de chez lui, sont en train de se réaliser.
Mais il savait, au fond. Que quelque chose clochait.

Evi serait parti ? Cela expliquerait pourquoi il n'a jamais eu de nouvelles. Pourtant il lui transféré de l'argent sur un compte qu'il a ouvert lui même lorsqu'il a accepté d'être son parrain. Il n'attendait pas un merci, il ne savait même pas comment se présenter au gamin tout en ayant sur la conscience la carbonite de Nocte. Au début encore, quand il ne savait pas, quand il ne l'avait pas, il aurait pu se trouver des excuses. Mais après ? Il a tellement pensé à lui même et uniquement à lui même, qu'il ne lui est pas venu à l'esprit que ses actes pourraient avoir des conséquences non seulement sur l'Atlan, mais sur tous les autres, privés de leur roi. Arcturus ne sait plus quoi dire. Il devrait se taire, sauf qu'il ne fait jamais ce qu'il faut. Il ne fait jamais les choses comme il le devrait et c'est  pour ça qu'il finit par tout gâcher. Il devrait tout lâcher, laisser tomber.  « Où tu vas ? » Il agonise. Ils ne disent pas au revoir, jamais, c'est une constante dans leur vie. Parce que les au revoir chez Arcturus ne sont jamais quelque chose de bons, ce sont toujours adieux cachés derrière des belles paroles. « J'ai un vaisseau, je peux t'emmener où tu veux Nocte ! »
Juste, ne part pas.
Sauf qu'il ne peut pas le retenir une fois de plus. Une fois de trop.

Il y a une part de lui qui a envie de rester. Pourquoi voudrait-il quitter les lieux ? Arcturus a été sa demeure, longtemps. Dés qu'il quittait Atlan, la destination était toujours associée à son ami. Le coeur possède une multitude de demeures toutes aussi véritables les unes contre les autres. Arcturus en faisait parti. Encore aujourdhui, il en fait parti. Voilà ce qui fait mal ; voilà ce qui laisse couler contre ses plaies encore ouvertes un fléau de douleurs, un océan de souffrance. Il aimerait rester ; l'observer dans les yeux et pleurer avec lui des larmes qui peuvent se jumeler et lui parler, lui raconter ce qui a été vu. Il n'aime pas la rage dans ses veines, il n'aime pas la colère qui résonne en lui et qui l'étouffe lentement, si bien qu'elle fait taire ses sanglots comme ses rires, lorsqu'ils osent vivre. Nocte n'est pas stupide ; il a conscience de la souffrance se glissant dans ses veines, et il sait, qu'importe les maux associés à la chose, qu'Arcturus est porteur de fautes. Voilà ce qui blesse le plus. Arcturus est en parti responsable de sa souffrance. Arcturus en sait toujours plus qu'il n'ose le dire ; c'est qu'il révèle peu, constamment, peu importe à quel point il aime les gens. C'est qu'il est porteur de secrets sur lesquels il ne pose aucun mot et, Nocte pense, aucun remords. Il les porte en son coeur d'acier comme une vérité qu'il garde pour lui et qui ne le dévore pas, de l'intérieur. Arcturus est sensible, certes. Nocte a conscience du coeur fragile que possède son vieil ami. Mais il sait aussi que souvent, le pilote est beaucoup plus égoiste que sensible.
Il pourrait mettre des mots sur la chose. Lui offrir un milliard d'excuses ne serait-ce que pour le cesser une nouvelle fois dans ses bras et rire avec lui, juste comme ça, juste une dernière fois. Nocte ne le fait pas. Si le coeur est pris par des battements brisés, si le corps réclame une chaleur connue et familière, réconfortante, Nocte est plus triste que rêveur. Plus brisé que désespéré.
Le coeur bat, et il l'entend. Il souffre d'une énième souffrance, celle pourtant le nom de son ami. Il est désolant, amer de constater que malgré la colère qu'il porte à son égard, son coeur ne peut résonner d'affection pour lui, encore. Nocte sait bien pourquoi, pourtant ; il lui est impossible de cesser d'aimer, simplement. Le coeur est trop grand, peut-être.
Arcturus lui a dit une fois, après qu'il est offert il-ne-sait-quoi à une énième personne profitant de ses chromiums. Nocte s'était contenté de rire, du bonheur dans les yeux, comblé de pouvoir apporter un minimum de bonheur à une personne qu'il apprécie.
il est bien con, à l'instant. C'est Arcturus qui a trop pris.
Qui aurait cru qu'il aurait été simplement question de temps.
- Où tu vas ? La voix porte une tristesse qui lui serre la gorge. Nocte se refuse à se tourner pour l'observer. Il se contente de serrer son sac, souffle hésitant, et d'avancer vers la porte. Il n'a pas envie de lui répondre. Il n'a pas la force. J'ai un vaisseau, je peux t'emmener où tu veux Nocte !
Il s'arrête devant la porte, pourtant. Avant de s'en aller, avant de sortir. Il s'arrête et ne bouge pas, le roi de poussière, incapable de trouver la force de lui répondre, comme celle pour ouvrir la porte.
La tête se tourne, un brin. Pourtant, aucun regard n'est visible. Nocte observe par la fenêtre, juste là. Celle qui donne sur Theed et qui, ironiquement, offre une vue sur des drapeaux de l'Empire.
- i love you, ok ? i just can't qu'il dit, bas et sincère. Il y a quelque chose de lourd, dans sa voix. Le poids de ses maux ; mots. Le visage s'affaisse, un brin. Il renifle, un court instant. take care of patty for me, yeah ? Fausse joie au bord de la langue ; le visage se tourne un brin, les yeux se croisent et ils sont ternes, brisés, morts. Nocte baisse les yeux, déjà. Cette fois, la main s'empare de la poignée de porte. goodbye Souffle cassé, comme le corps, comme l'amitié. Les yeux se ferment une seconde, la porte s'ouvre et il sort.

Il serait temps pour lui de grandir. Elle est loin l'époque où ils se sont rencontrés, où Arcturus l'a battu à plates coutures. Il est loin le temps des découvertes, le temps de l'innocence quand le poids de leurs vies ne courbaient pas leur dos. Arcturus ne peut pas regretter sa jeunesse dans la pauvreté et toute la misère de Coruscant, il ne peut pas cracher sur toutes les portes que la gloire lui a ouverte. Mais il doit se rendre à l'évidence que pour chaque action, il a du payer la contrepartie et les dommages collatéraux ont toujours été humains. Il a toujours été question de sacrifier les autres pour sa gloire. Il n'avait rien a gagner en trompant Kael la première fois, sinon quelque chose de meilleur qui n'a jamais vu le jour. Il en demande toujours trop, rien n'est jamais suffisant.  Nocte lui est suffisant. Nocte fait taire les voix dans sa tête, il est cette confiance aveugle, ce calme pendant la tempête. Il est tout quand Arcturus n'est rien et bientôt, lui aussi ne sera plus rien. Il fait le grand, il faut l'adulte, ravale ses larmes et ses cris, toute sa colère qui menace de surgir puisqu'il ne sait plus quoi faire pour le retenir. Si il doit l'insulter ou le supplier, si il doit implorer son pardon ou lui reprocher de l'abandonner alors qu'il commençait à faire des efforts. Non, ce n'est plus son droit, si seulement un jour ça l'a été. Maintenant c'est lui contre le monde, comme ça a toujours été le cas. Arcturus contre le monde, ce n'est rien de plus qu'Arcturus contre lui même. Son pire ennemi.
Sidéré. C'est le mot.

Juste sidéré quand Nocte lui dit au revoir. Il sait qu'il s'agit d'adieux, il sait qu'il n'y a plus de retour en arrière possible car ce n'est pas quelque chose qu'ils ont l'habitude de se dire. Ils se quittent et se retrouvent, sans cesse, sans avoir besoin d'échanger quelques mots. Goodbye C'est Kael encore, c'est tous ceux qui ont comprit qu'ils n'avaient pas d'avenir à ses cotés, qui ont réalisé que Arcturus était mauvais pour eux mais surtout pour lui même. Il le sait. Des années qu'il devrait faire quelque chose, qu'il devrait mettre fin à ses addictions, mais lorsqu'il a essayé, il est juste retombé comme un enfant qui ne sait pas encore marcher. Il s'est résigné, à tort. Et maintenant il définitivement tout perdu. Un rire nerveux quitte sa gorge, mais il ne rajoute rien. Nocte a fermé cette porte et il n'ira pas lui courir après. Il  respecte ce choix. Il le respecte. Arcturus recule et attrape la peluche de Porg entre ses doigts encore sous le choc. Elle porte encore le parfum de Nocte. Il n'est même pas capable de pleurer, de la balancer à travers la pièce. Différents scénarios futurs se jouent. Le pilote retourne dans sa chambre où Patty est endormi. Prends soin de Patty  Le petit Hutt a besoin de lui. Encore habillé, il soulève ses draps et s'allonge en position fœtale. Il y a encore quelques jours, Nocte dormait à ses cotés.

Il est parti et il le réalise à peine. Il ne va pas rentrer demain, ni après-demain, ni le jour d'après. Il ne reviendra pas. Il a dépassé les bornes et Nocte ne reviendra pas, peut-être n'est-il jamais revenu d'Atlan. Une part de lui est resté là bas, désespérée et l'autre cherche Evi parce qu'il ne lui reste que ça. Arcturus ne sait pas, mais il voudrait pouvoir se mettre à sa place et lire dans ses pensées. Il ne mange même pas ce soir là, il finit par s'endormir épuisé de penser, réfléchissant à tout ce qu'il aurait aimé lui dire, épuisé d'attendre.
Mais Nocte ne rentrera pas.