It is not clear that intelligence has any long-term survival value

Enfance Il contemple l’étendue de la cour de la recreation avec des yeux de chiot perdu. Des yeux aux beurre noirs, les deux, la peau au diapason du bleu de ses grands yeux mobiles, aux cils trop clairs, trop longs. Il tient contre sa poitrine, une pile de livres trop intéressants pour son âge. Il bout de l’envie, du besoin d’entrer en connexion avec ceux qui l’entourent, de communiquer avec eux. On l’ignore. Il ouvre la bouche, mais aucun son n’en sort. Il finit par lire, assis sur le toit, oublié. Il aime la compagnie des livres, des droïdes et des vieux de la pègre qui débordent toujours d’histoire PG-18 à raconter. Tout le monde connaît sa mère dans les bas-fonds, là où il n’y  aucune étoile de visible – il est en sécurité, relative. Svelte, agile, rapide, il se faufile dans les enchevêtrements de métal comme un droïde de maintenance. Il fait partie de Coruscant. Il connaît les recoins, les nouveaux taudis qui apparaissent, ce qui disparaît, la plate-forme sans cesse mouvante du nid de l’humanité. Il ignore que si sa mère le laisse partir si bas, c’est bien pour qu’il ne passe pas trop de temps en haut. Pour que la force qui pulse dans le fils comme elle pulse dans le père ne soit pas cultivée, gavée. Elle doit compter les années jusqu’à la puberté, plus inquiète qu’il rentre que lorsqu’il part. Il goûte l’interdit avec passion : il peut se frayer à la ruche, aux vilains garçons, aux filles terribles, aux extra-terrestres à la biologie si contraire aux humains, il a le privilège inouï d’un loft dans les niveaux intermédiaires, au-dessus des néons, un abri où ses parents, finalement aisés, l’attendent.

Theed Il déteste Naboo, il déteste ces espaces de verdure chaotiques, il déteste l’eau qui entoure la ville comme pour l’enfermer, il déteste les vestiges du passé dont ils sont si fiers. A sa façon, il est un petit garçon de métal. Coruscant est peut-être étouffante, fourmillante pour des nouveaux, mais elle était son foyer. Seul, son bagage sur son dos, et C1 contre sa jambe, il décide de détester Naboo. Il aime ce qu’on lui apprend pourtant. Il aime les cours, la course aux petits génies, la sensation d’être compris. Il apprend ce que sont les règles. Avec difficulté d’abord. Il a trop l’habitude de la liberté. Il se met à craindre les sanctions, les punitions. Pour la première fois, la peur existe pour Rhil. Elle restera toujours dans sa moelle. Il doit apprendre à se taire, à ne pas poser trop de questions, à ne pas se faufiler où il ne doit pas. C’était son quotidien à Coruscant : braver les interdits, poser des questions, expérimenter sur tous les bouts de métal qui lui passaient sous les doigts. Il a dû mal à rentrer dans le moule. Mais la peur qu’on lui arrache C1 le fait rentrer vite dans le moule. Il gagne un implant sous-cutanée, pour toujours savoir où est C1, toujours être en communication avec lui.
Le planétarium est bien la chose qu’il préfère à Theed.

 Age adulte Il serait un androïde, il serait envoyé au rebut, aux mains des mécaniciens pour le remettre d’aplomb, empêcher les circuits qui se touchent. Cela fait plusieurs années que le petit génie déconne. Ses manières polies, l’excellence de son travail semblent n’être qu’une façade qui cachent l’insolence et le regard un peu trop étincelant. Chassez le naturel, il revient au galop. Il réplique, de plus en plus. Il se sent observé, de plus en plus. Pour se cacher, se sauver, il s’acoquine avec la haute, il promet d’aimer, à la vie à la mort, lui qui a la phobie de l’engagement. Il choisit la cage dorée à ce qui l’attend dans ses peurs les plus profondes. Il s’enferme dans des habitudes qui le tuent à petit feu. Il essaie d’aimer. Il se tue au travail.

A2 début. Il avait peur de ne pas s'y attacher à ce deuxième androïde, le deuxième crée selon le brevet qu'il a déposé l'année précédente. Il a dû revendre le premier, le donner, céder les droits à Mendeleïv. Il n'y a pas de place pour les indépendants dans ce monde. Il a cédé son premier né, a promis la marmaille, mais cet androïde là, il le garde, farouchement. C1 le défend corps et âme : l'astromech déjà bien plus indépendant, bien plus humain, intelligent, indépendant que les androïdes moyens. Il protègera le petit adelphe, monté sur deux pieds et un corps sensuel, issu des rêves de son inventeur. Pas ces rêves-là, pas tant que ça:  les rêves qui le tiennent éveillés la nuit. Ils forment un trio qui semble presque une seule personne en trois corps - car c'est le cas, tous partagent l'esprit, la psyché de Rhil d'une certaine façon.

A2 fin. L’appel au secours lui vrille les tempes. L’implant sous-cutané qu’il porte a augmenté ses migraines, lui cause parfois des saignements de nez. Il a l’habitude. La faute au babil de C1. Là, il vacille, le sang tombe avec un schtonk à ses pieds. A2 est en danger. A2 hurle. A2 hurle jusqu’à ce que les oreilles de l’humain bourdonnent, sifflent. Puis le silence. Comme s’il était devenu sourd. Comme si A2 n’était plus.
Lorsque C1 revient, les explications n’ont pas de sens. Pourtant, Rhil est forcé de croire l’extension de son esprit. Il ne peut pas douter de ce qui est une partie de son âme. Il y a eu un incident. A2 s’est rebellé, contre un humain. Il a refusé de défendre lo fiancé.e de Rhil plutôt que sa propre personne, a fini par attaquer un humain. Il a été saisi. Il va être mis en pièces. C1 était là et a pris parti pour son compagnon.
Rhil quitte le navire, un sac d’outil en bandoulière, C1 sur ses talons. Il quitte cette ville qui lui a arraché son enfant.

Ferme à Bantha Les tatouages remontent le long de ses bras – multiples plans et projets, blue-prints qui racontent la naissance de droïdes, d’androïds, les coursives de son vaisseau. L’encre est abîmée par les boutons rouges qui maculent ses avant-bras. Rhil se grattent d’un air absent. Il déteste la nature et la nature lui rend bien. Depuis qu’il passe ses journées dans une grange à Bantha, des allergies encore inconnue de l’enfant de Coruscant se déclarent. Apparemment, son organisme déteste la paille et les plantes.
Il entend Five et C1 qui se chamaille autour de l’établi. Le son lui apporte un peu de baume au cœur. A l’écart de Theed, il attend qu’un ami de sa mère, contrebandier, vienne le chercher. Il va lui donner ses faux papiers, une nouvelle identité, un job de mécano. Il apprendra sur le tas ce qu’il faut. Il observe le ciel.

Ruche Il adule le ciel. Il étend ses ailes. Il devient un mauvais garçon, tombe dans les bras, jamais amoureux, des mauvais garçons, vilaines filles, et terribles non-binaires. Il ne flirte pourtant que par peur de décevoir, d’être seul et brûle lui-même ses ponts avant de partir. Il prend de l’assurance, sa langue claque contre son palais, ses yeux étincellent. Il a toujours peur, il fuit toujours autant, mais il s’immerge dans ce nouveau monde. Surtout, il découvre l’univers. Pour un humain, il fréquente peu ceux de sa race, il préfère s’émerveiller des autres peuples, des planètes éloignées. Dans son sillage, il crée un réseau en forme de galaxie. Il acquiert son propre vaisseau, passe vers l’univers. Il transporte des êtres, des marchandises, des informations. Il promène sa nonchalance et son bagou.
Il se brûle les ailes.
Il a eu des coups durs, des coups fourrets, bien sûr. Il a sa propre lame laser, il n’est pas un enfant de cœur non plus, bien qu’il ait un code d’honneur très précis. Ils ont souvent dû négocier avec plus fort qu’eux, il a négocié, plusieurs fois avec l’empire, échangé des faveurs contre des regards aveugles, il s’arrange. Mais cette fois, leur mission n’arrive pas à terme. Le Crius meurt à Theed. Son équipage le laisse en plan, prend ce qu’il a et le laisse pour mort dans une rue sombre. Il est seul. Et surtout au sol. Il était responsable d'eux, et il a échoué. C'est cela qui pèse le plus. Il avait une responsabilité. Cela le lance, en permanence.

Arène «  Si tu veux perdre de l’argent, à ta guise. » L’accent de Coruscant ne suffit pas à cacher l’éducation derrière ses mots, le dédain derrière la moue arrogante, sûr d’elle. La phrase fait hésiter, flancher. L’ingénieur sait ce qu’il fait. Il fait rempart de son corps entre l’androïde et son propriétaire. Il a une clef à molette coincée au pantalon, des bandages pleins les doigts, et il claque sa langue contre son palais. « - Tu l’envoies se battre, tu devras t’en repayer un, neuf. Et payer une putain d’amende pour avoir gâcher le spectacle de tout le monde. » Il protège, à sa façon. Il établit des règles, malgré lui. Il veille sur eux, comme il peut. Il expérimente, aussi, beaucoup. Il établit un nouveau carnet d’adresses, de propriétaires qui souhaitent des androïdes particuliers. Il tente des choses, certaines échouent, certaines fonctionnent. Il joue le jeu de la pègre, rappelle qu’un droïde cassé ne rapporte plus d’argent, qu’ils sont des investissements à rentabiliser.


Moodboard Tremblement – étincelle – des mains sales, des ongles pleins de sang – des yeux cernés – un épis dans des cheveux blonds – du cuir usé, rapé, rapiécé avec amour -  une barbe taillée en pointe – étincelle de feu-follet – des notes prises sur les draps – une lumière au milieu de la galaxie – des plans tirés sur la comète – un cœur qui bat – un radar à ennuis – un sourire vainqueur – des yeux doux – une cigarette à demi consumée – du thé tarine refroidi – des pieds qui dansent, une voix qui fredonne – des étoiles lumineuses collées au plafond – un atelier à la gueule de nid – un sourire en coin – takes gut to be kind - des mains qui touchent.


A.