I don't need a hero (nomnom)

Des patates. Des foutues patates. C’est bien parce que Vee aime ça, sinon je les aurais envoyés se faire voir, avec leurs patates. Faut croire que c’est une denrée rare, maintenant. Ou en tout cas j’en trouve pas assez pour le régiment du Bumblebee. M’en faudrait encore trois sacs pour qu’ils se plaignent pas d’avoir le ventre vide. Ces bras cassés ont aussi bouffé toutes nos réserves de pansements et d’onguents, à croire qu’ils savent pas faire une mission sans revenir la gueule amochée et des trous dans le corps. Je les laisserais bien se vider de leur sang, parfois. Si j’avais pas la phobie du sang, je le ferais. Enfin, c’est pas vraiment une phobie, je plante pas quand j’en vois, sinon Vee serait pas très avancé avec moi comme assistant. J’aime juste pas ça. Faut qu’ça disparaisse vite. Aussi vite que les patates dans les estomacs de l’équipage. Un autre truc que j’aimerais voir disparaître, c’est les petits soldats de l’empire. Personne leur a dit qu’ils avaient l’air débile ? Ah non, les humains sont hypocrites, c’est vrai. Je m’en tapais d’eux, avant, mais les dernières lois ont failli me provoquer un court-circuit. Moi, j’en ai des lois, à proposer. Les humains sont mentalement déficients et ne peuvent être considérés comme responsables. Chaque être humain doit donc être supervisé par un androïde, pour compenser sa médiocrité. Oh wait, c’est déjà ce que font les androïdes tous les jours, non ? Il est pas question que je me recense dans leur petit jeu à la con. Et puis quoi, encore ? Que Vee soit accusé de mes actes ? Je préfère encore me faire démanteler. Ça me changera pas, de toute façon.
Encore des soldats de l’empire. Y’a un défilé, pas loin ? Ils pullulent, en ce moment. Pire que des drochs. Ils font ça juste parce qu’ils ont la trouille. Je les regarde à peine, c’est pas comme s’ils m’intéressaient. Tout ce que je veux, c’est des patates. Et j’en aperçois sur un stand, pas loin. Hoi, I’ll take your last potatoes, thanks. Je paye et je patiente pendant que la vendeuse s’affaire à les faire tomber dans un sac. Mes yeux se posent sur une énième patrouille, ils sont trois. Et ils viennent vers moi. Matricule et code d’identification. C’est très satisfaisant pour moi de pouvoir toiser ce genre de types, maintenant. Je peux les regarder… de haut en bas… très lentement… et ça les énerve déjà. Please. Please? Yeah, that’s what you say when you’re fucking polite, asshole. J’ai pas bougé, et y’en a déjà un qui pointe son blaster sur moi. Des fragiles, ils se sentent menacés quand on leur rappelle les règles de politesse élémentaire. Quoi ? C’est un crime d’acheter des foutues patates, maintenant ?

Il est beau, le soleil. Ou les soleils. Combien Naboo en possède, déjà ? Nocte a oublié. Il ne s'en souvient pas. Celui au dessus de sa gueule est bien joli, en tous cas. Il lui faut des vitamines D, après tout, après avoir passé tant de temps dans la carbonite. Sept ans, quand même. Il ne s'en remet toujours pas. Il pourrait faire un calcul rapide pour savoir combien de jours se sont écoulés mais Nocte ne préfère pas. Il préfère se servir de son carnet et écrit ses pensées, le tout en commençant par une petite lettre d'excuse pour le gamin. Evi doit avoir vingt-trois ans, maintenant. Nocte imagine qu'il lui doit sept années de cadeaux et une lettre d'excuse et une gueule désolée, pour quand il reviendra sur Atlan. Il ne se voit pas vraiment retourner immédiatement là-bas. La liberté est à peine sienne ; pourquoi retourner s'enfermer ailleurs ? Peut-être qu'un simple message pourra donner envie au gamin de venir rejoindre le paternel sur Naboo avant qu'ils ne partent dans l'espace ensemble, comme promis. Ils ont des quêtes à faire, des trésor à trouver. Grimace sur la gueule ; le gamin va tirer une sale gueule. C'est qu'il a des yeux trop grands et brillants, le môme. Il adorait les histoires d'aventure. Nocte espère qu'il fera pas trop la gueule ; faudrait pas, vraiment. Tristesse qu'il éprouverait à voir son gamin être en colère contre lui. Nocte voulait juste qu'il connaisse un peu sa planète et des trucs intelligents avant de se perdre dans l'espace avec son père un peu débile. Peut-être qu'avec une belle collection de peluche de porg, quelques cristaux et un calendrier des plus belles togruta de la galaxie, le gamin lui pardonnera l'absence des dernières années.
Les mains sont pleines ; pour la peine, Nocte a pris l'argent d'Arcturus. Il n'a pas demandé. Ce n'est pas comme si Arcturus lui avait demandé, dans les deux dernières années, s'il avait envie de sortir de sa plaque. Nocte ne se remet toujours pas de la chose. Un jour, il en rit. Le suivant, il fixe le mur pendant de longues minutes, en dehors du temps. Il en a déjà perdu tant ; quelques minutes de plus ne change rien à la chose. Ce n'est rien, quelques minutes, à côté de sept ans. Peut-être qu'il le dit à Arcturus, aussi, à la rigolade. Sauf que son frère n'en rit pas souvent, et qu'il tire la gueule, souvent. Nocte hurle, ensuite, à essayer de le faire rire, car il est interdit de faire la gueule et d'avoir des pensées noires en sa compagnie. Il est Nocte, minuit. Arcturus est une étoile au travers de tout ça. Arcturus doit briller en sa présence. C'est un fait.
Peut-être qu'il devrait lui prendre un petit droide, aussi. Une petite chose qui sait ouvrir les canettes d'alcool ou alors, un pseudo animal de compagnie. L'iris lorgne au travers des divers stands tandis que les bras ont pleins - il a pris beaucoup trop de peluches, vraiment - quand une voix percute ses oreilles et que, l'instant suivant, le regard s'accroche sur un visage familier. Il en échappe un porg. Un faux porg. Une peluche porg. La rose, précisément. ‘ä’ . ‘ä’ . ‘ä’ . attends. attends. qu'il fait, plusieurs fois, se penchant difficilement et rapidement pour récupérer son précieux avant de faire plusieurs pas vers l'androide et la patrouille de l'Empire. Quel nom stupide. L'Empire. Et puis quoi encore ? Nocte se demande s'ils sont seulement capables de retirer leur casque. La tête doit être si grosse, en dessous. bon jour. il est défecta- défuc - défocta - Il prend un temps d'arrêt, les sourcils froncés, avant d'ouvrir un grand sourire aux patrouilleurs. cassé que Nocte conclut, le regard allant vers l'androide. Le visage est familier. Est-ce qu'il y a d'autres modèles comme Jun-O ? Le regard lorgne sur le sac de patates et les sourcils se froncent. Certains modèles mangent, maintenant ? pleins de - Un signe vague de la main pour le désigner, surtout au niveau du ventre. Un ventre qui cache des abdominaux, fort certainement. De beaux abdominaux. Hmm. fkxen ? ah. manger. tout le temps. pas bon. Il s'empare du sac de patates et fait un signe de la tête négative à l'androide, pour le punir. Le sac est lourd. Qui achète autant de patates ? Les mains sont si pleines. Le calendrier tombe au sol, ouvert, une belle Togruta sur une plage, en bikini, allongée sur le sable. ah. oops. pretty eh ? better than potatoes. Il rit, Nocte, et offre un coup de coude à l'un des patrouilleurs comme s'il s'agissait de son meilleur ami. Ceux-ci le dévisagent encore, une brève seconde, avant de dire. Envoyez le à la casse ou faites le réparer. Toute cette nourriture doit avoir endommager ses circuits. Nocte hoche de la tête, bien sérieux. Certains mots lui échappent un peu, mais qu'importe. Il comprend l'ensemble. L'un des hommes se penche et ramasse le calendrier pour lui avant de lui tendre. non non. stxeli. cadeau. pour déranger. qu'il fait, bon vivant, un clin d'oeil sur les traits. Celui-ci tenant toujours son blaster le baisse un brin, se penchant vers le calendrier pour observer les pages défilants. Au bout de quelques secondes, le blaster est entièrement baissé. Nocte sourit encore plus stupidement. L'iris lorgne vers le ventre plein de patates. Les muscles sont-ils toujours là ? Est-ce le même modèle ou l'androide précisément ?

‘ä’ [ʔæʔ] intj. oops!
fkxen [fk’ɛn] n. vegetable (food)
stxeli [ˈst’ɛ.li] n. gift

Désolé, Vee. J’aurais dû demander un blocage pour quand je cause à des soldats impériaux. Mais j’en ai eu marre de fermer ma gueule toute mon existence et de juste accepter leurs merdes, sous prétexte que eux, ils ont quoi ? Un cerveau ? C’est discutable. Un cœur ? Ils en ont clairement pas. Alors non, je ferme pas ma gueule, même menacé d’une arme. Qu’est-ce que ça peut me foutre ? Désolé, Vee, vraiment. Je vais sûrement finir avec un trou de blaster dans la carcasse, et vous aurez pas de patates pour le dîner. Vous saurez même pas où j’suis passé. Au moins y’a personne qui sera accusé par ma faute. Je suis capable de ressentir la peur, et ils me font même pas peur. C’est plutôt eux qui ont l’air de se pisser dessus, tout tendus dans leurs uniformes moches. Parce que quoi ? Je les regarde de travers ? Ils ont qu’à pas me faire chier quand j’achète des patates. Ça me fait déjà assez chier de courir le marché pour en trouver. Il est pas question que je baisse les yeux. bon jour. il est défecta- défuc - défocta – What the – Difficile de pas détourner les yeux quand y’a un grand benêt qui s’incruste dans la conversation, mais je l’ignore et reste concentré sur ma cible. Ils vont pas gagner à ce jeu-là. cassé C’est quoi son problème, il veut crever ? Parce que si ces abrutis lui foutent pas un coup de blaster au cul, c’est moi qui vais le massacrer. Il a capté leur attention, par contre, tandis qu’il leur raconte n’importe quoi avec un accent idiot qui provoque un sale sentiment de nostalgie. Foutus humains, des putain d’attention whores. Quand il chope mon sac de patates, je suis bien obligé de lui jeter un coup d’œil, au type.
Mon scan m’apprend qu’il est en cruel manque de vitamines D. Et moi je me dis qu’il me manquait pas, cet idiot. Qu’est-ce qu’il a, à se mettre en danger pour un androïde qui l’a balancé ? Je suis qu’un tas de ferraille, on risque pas sa vie pour un tas de ferraille. Il a quoi dans le crâne, sérieusement ? Je lui en veux. Je lui en veux parce que les soldats sont une menace, qu’il est en danger, et que sa sécurité dépend de si j’ouvre ma gueule ou pas. Du coup je peux plus l’ouvrir, évidemment. Du coup je peux que la fermer et observer la scène tandis que le petit pion de l’Empire lui fait la morale tout en matant une Togruta en papier glacé échouée sur le sol. Je. Hais. Les. Humains. Et ils s’en vont, avec le calendrier. Je leur hurlerais bien de faire le travail correctement, si y’avait pas Nocte à côté de moi. Si j’étais seul et que ce débile pouvait pas mourir à cause de moi. J’ai déjà cru qu’il était mort une fois. Il l’était pas ? Il était où ? Il a pas changé. Son sourire est toujours stupide. Je lui reprends le sac à patates des bras, brutalement. Pourquoi il a acheté toutes ces merdes de porgs en peluche, sérieusement ? What are you? Fucking retarded? J’enrage. Je voudrais le planter là. C’est ce qu’il mérite, pour m’avoir obligé à fermer ma gueule. Je le planterais là si ça faisait pas, quoi, sept ans ? Tu veux crever, you stupid bastard? J’croyais que t’étais déjà mort. Je peux pas le frapper, alors c’est un de ces immondes porgs en peluche qui prend tout. Je l’attrape et je le lui jette à la gueule. On peut pas blesser quelqu’un en lui jetant un porg synthétique rose fluo à la tronche, pas vrai ? Fuck, je l’observe un peu mieux. Ses traits n’ont pas changé, depuis toutes ces années. Pas une ride en plus, pourtant mon scan le détecte bien comme humain. Il s’est fait injecter ces saloperies anti-vieillesse à la mode, ou quoi ? Why aren’t you old, asshole? Et mes sourcils se froncent encore, plus de confusion que de colère, cette fois. Même si j’suis toujours en colère. C’est ni ses porgs ni son sourire qui vont m’amadouer, j’suis plus ce robot naïf à la con.

C'est qu'il y a beaucoup de choses dans sa tête, brusquement. Il y a toujours beaucoup de choses dans son esprit. Nocte est vif, Nocte est conscient de ce qui l'entoure, constamment. À peine vit-il un instant qu'il a déjà les mots exacts dans son esprit pour mettre la chose sur papier. Est-ce que l'androide est furieux, ou plutôt enragé ? L'iris s'attarde sur les traits et certes, vague à l'occasion contre les habits et les abdos cachés, mais l'atlande finit par trouver le mot exact au bout d'un long instant d'observation. L'androide et furieux et enragé, un beau combo des deux. Il y a quelque chose dans ses iris qui rend les genoux un peu mous et qui met le coeur dans le même état. Alors, le sourire reste bête sur les lèvres, forcément. Nocte ne pense pas au calendrier qui s'en va, loin, sans lui. Il n'a même pas pu en observer les pages. Elles resteront à jamais inconnu à ses prunelles. Peut-être que l'androide voudra retourner au magasin en question avec lui pour en acheter un second ? Pour son fils, bien évidemment. Son fils duquel il doit se faire pardonner. Pas pour lui. Pour le plaisir de Nocte, il suffit juste d'une simple confirmation pour la présence des abdominaux encore frais à sa mémoire et aussi, pourquoi pas, un calendrier personnel en signe du bon vieux temps. Du moins, seulement s'il s'agit de Noon. Jun-O. Mais le regard n'a rien de vide. Il est tout plein de fureur. Et de rage. Car il est furieux et enragé.
Un bel androide avec peut-être des abdominaux qui lui reprend les patates des bras. Il en fait quoi, de ses patates ? De l'huile à patates, peut-être, pour ses articulations. Peut-être que les androides sont écolos aussi, maintenant.
- What are you? Fucking retarded?
Le sourire grandit, se casse dans un rire. Le rire reste là, toujours trop fort, et le regard brille, si fort. Noe secoue la tête.
- Non. Non. Noon ? me fucking no retarded qu'il répond à mots cassés, à paroles hasardeuses. Nocte a beau parler la langue commune depuis près de vingt-quatre ans, il n'en a que faire des subtilités. L'atlanien est trop complexe et occupe déjà une grande part de son cerveau. Pour autant qu'on comprenne l'essentiel.
- Tu veux crever, you stupid bastard? J’croyais que t’étais déjà mort.
Nocte hausse des épaules et rit encore. Mort ? Peut-être. Sept ans, c'est long. Il se sent un peu ailleurs, dans un autre monde. Ici, on compte le temps d'une manière bizarre. L'an cinq, c'est vraiment un bordel qu'il ne comprend toujours pas. Arcturus a beau lui avoir expliqué deux trois fois, Nocte ne comprend pas. Le narcisme de la chose est beaucoup trop hallucinant. Un peu comme la bête face à lui. Une bête avec le langage violent. Ce n'est pas Noon, n'est-ce pas ? Jun-0 était poli. Jun-0 était un peu vide, mais poli. Il disait merci et s'il vous plait. Devant lui, c'est une bête sauvage.
Une bête sauvage de colère qui kidnappe un porg pour lui envoyer en plein front, en pleine gueule. Il y a un peu de poils synthétique qui percute ses lèvres. Le goût n'a rien de bien. Quoique, en vérité, avec la carbonite, Nocte n'a toujours pas retrouvé le goût des aliments.
- Fuck
- - no fucking! qu'il répond, juste, parce que ce modèle ne peut entretenir une relation sexuelle. Du moins, c'est ce que Jun-0 lui a dit une bonne dizaine de fois sans comprendre les demandes derrière ses mots. La peluche est un peu sale, au sol. Nocte grimace et, les mains pleines, il réussit à se pencher et l'attraper. Il souffle un peu dessus. Pauvre porg.
Il aimerait bien du porg, tiens.
- Why aren’t you old, asshole?
Le regard est un peu bête, lorgne sur l'androide et reste vide, bête, un instant. Puis, les prunelles se font plus grandes.
- kehe. No. No ? Non ? Noon ? qu'il fait, l'intonation dans la voix qui s'accentue un peu plus à chaque fois. Jun-0 ? qu'il demande, pour finir. Quelques peluches tombent au sol,, la main droite s'empare du pan du vêtement de l'autre et, sans manière, il en redresse le bas pour voir les abdominaux qui se trouvent juste là.
Ce sont bien eux.
- tewti ! qu'il fait face aux multiples dessins parcourant la chair. Il pousse la chose et, en même temps, le tissu, pour voir un peu plus. teeewti qu'il fait, encore, l'intonation accompagné par un sifflement appréciateur. Le sourire est débile, sur les lèvres, trop large.
L'oeil revient contre les traits. Deux peluches restent au sol. Une madame dévisage et apprécie la vue, en même temps, juste à côté. Nocte rit et lui offre un clin d'oeil, regarde Jun-0 ensuite, toujours aussi souriant, les yeux brillants. Jun-0 ! hona hona hona Chaque répétition est ponctué d'une légère tape contre les muscles de son ventre.

kehe [ˈkɛ.hɛ] part., intj. no
tewti [ˈtɛw.ti] intj. wow, expression of surprise and pleasure
hona [ˈho.na] adj. endearing, adorable, cute

Tellement de questions, brusquement, elles sont là et elles restent coincées dans ma gorge. T’étais passé où ? T’as fait quoi, tout ce temps ? Pourquoi un putain de chasseur de primes te courait après ? Pourquoi tu lui as pas dit de me choper, moi aussi ? Et une, surtout, que je ne poserai jamais ; est-ce que tu m’as cherché ? J’connais déjà la réponse, personne chercherait un androïde défectueux. Même un androïde normal, je pense pas qu’on se démènerait pour le retrouver. Après tout, on est que des machines, non ? Des machines avec une conscience. Ils auraient pu s’abstenir de nous en filer une, si c’était pour nous réduire en esclavage. J’étais bien, quand j’avais conscience de rien. J’étais vide et dépendant du bon vouloir de mon propriétaire, mais au moins j’étais satisfait. C’est normal, que les idiots soient plus heureux. Ils réalisent pas qu’on se fout d’eux chaque jour, qu’on les dupe sur toute la ligne. Je suis plus cette coquille vide, maintenant. Pourtant Nocte est resté le même, avec son sourire à la con, son rire débile et sa grammaire douteuse. En sept ans, il a toujours pas appris à causer ? Bien sûr que je le voyais pas comme ça, avant. C’était mon propriétaire. Je le trouvais intelligent. Le jugement d’un androïde bugué vaut pas grand-chose, de toute évidence.
J’lui lance un regard noir, parce qu’il a l’air de trouver ça drôle, tout ça. Mais ça l’est pas. Il voulait quoi, qu’on fête nos retrouvailles dans une décharge intergalactique, nos crânes éclatés par un blaster ? Je me déteste de pas pouvoir lui foutre mon poing dans la gueule, pour le réveiller. Je peux même pas casser quelque chose pour me calmer. Mais je suis pas loin d’aller m’exploser la tête contre un mur. Ça, je peux. kehe. No. No ? Non ? Noon ? Mes sourcils se froncent, encore. Je me rappelais pas que je captais rien, quand il parlait. Je devais pas trop l’écouter. Soupir. Jun-0 ? Quoi ? Les neurones des humains se font plus rares, avec l’âge. Comme les androïdes, ils deviennent obsolètes. Mais, j’ignore pourquoi, on les jette pas à la poubelle, eux. Pourtant ça me paraît être la chose la plus raisonnable à faire quand Nocte soulève mon haut. Je me rendais pas compte, avant, mais il vient sûrement d’une planète de dégénérés. Où la vie est tellement difficile que le cerveau des enfants ne se développe pas complètement. Ou on l’a juste bercé trop près du mur, au choix. Je pousse un soupir blasé et scrute son visage à la recherche d’une lueur d’intelligence. What’s wrong with you? Question rhétorique, je n’attends aucune réponse. Elle est simple, de toute façon : tout. Et puis, l’absence. Mon corps se fige, sous le contact. Mon regard se vide, je voudrais m’éteindre. Il n’y avait pas de sensation, avant. Quand il me touchait, il n’y avait que le poids du contact, rien d’autre. Il n’était plus là, quand le poids du contact a laissé place à la douleur. Il n’était pas là. Don’t fucking touch me. Le sac de patates est tombé au sol, et ma main enserre son poignet, le retient en suspens en l’air, entre nous deux. Mes yeux ancrés dans les siens, les mâchoires serrées. If I could choke you with one of those stupid porg plush right now, I would. Don’t think I wouldn’t. Je le relâche après un instant, m’accroupis pour ramasser le sac et récupérer les patates qui s’en sont échappées. Fucking idiot, entre mes dents. Je veux juste rentrer et m’enfermer dans mon placard. Peut-être que je devrais appeler Vee et lui demander de venir me chercher.

Les souvenirs sont précis ; pour le roi, ils ne sont pas loin. Des poussières d'étoiles qu'il possède encore entre ses doigts. Des échos précis qui ne datent que d'il y a deux ans à peine. Il ne saurait dire, exactement, combien d'années se sont vraiment écoulés. Il faudrait un temps d'arrêt et une volonté de calculer qu'il ne possède pas. Noe ne peut que noter qu'une éternité a passé. L'univers est si différent, après tout, maintenant. On compte à l'envers, on a que cinq ans et l'Empire joue au roi de la montagne. Et puis il y a Jun-0, Noon, juste là. Jun-0 qui possède tout un univers dans le vide de ses yeux comme si brusquement, la vie avait naqui et qu'elle l'avait envahi entièrement. Il ne prend pas de temps d'arrêt ; Nocte. Ne se laisse pas ébranler par le choc. De toute manière, n'est-ce pas là ce que sont les derniers jours ? Une suite infinie de choc. Son monde a-t-il changé ou simplement disparu ? C'est une question qu'il ne se pose pas. Il n'aime pas vivre dans les inquiétudes. Il aime les aventures. Il ne cherche qu'un inconnu depuis ses dix-neuf ans. Voilà ce que voulait le prince en fuite ; un nouveau monde, un nouvel univers. Il ne connait rien encore de la galaxie, de l'univers, qu'importe le nombre de fois où il s'est perdu dans l'espace. Et soudain, le monde change de nombreux, les années défilent sans lui et dans les iris de l'androide qu'il pensait perdu, il se perd lui-même. Il n'y trouve rien, aucun réconfort, aucun vide rassurant, contre peut-être que la familiarité de ses muscles qu'il a si souvent complimenté à défaut de savoir faire la conversation correctement avec un bout de métal qui n'avait aucun sens de l'humour. Car même à partir le monde, même à poursuivre ses rêves au delà des étoiles et des terres connues, il était toujours plaisant d'avoir quelque chose de familier et de rassurant avec soi.
Nocte ne voit pas le vide dans ses yeux. De toute manière, il n'est pas familier, celui-là.
- Don’t fucking touch me. Les paroles surprennent. Les paroles de Jun-0 ne font que surprendre depuis les dernières minutes, comme chacun de ses gestes, comme toute sa personne. Nocte ouvre les yeux grands, un peu perdu, ignore la pression posée contre son poignet. Il y a encore une multitude dans les iris de l'androide. Des choses qu'il a vu ailleurs, souvent, mais jamais sur ses traits.
Nocte ne comprend pas. Il n'y a pas grand chose qu'il comprend, normalement. Non pas qu'il soit stupide, mais plutôt qu'il ne prend jamais le temps de s'arrêter pour comprendre, apprendre. Cette fois-ci, les sept ans sous vide n'aide en rien. Le monde continue de tourner et même à courir, il serait incapable de le rattraper.
- ì’upe ? qu'il demande, plus bas, sans les rires, sans le bonheur constant. Le regard est attentif, sérieux, malgré la mer d'incertitude. Jun-0 ? qu'il questionne comme si son nom contenait tous les mots, propres et bien utilisés, qu'il ne prononcera pas.
- If I could choke you with one of those stupid porg plush right now, I would. Don’t think I wouldn’t.
La pression lâche contre son poignet et elle descend dans son ventre, aussi, en même temps. Nocte suit des yeux l'androide au sol, ramassant les patates. Quand sont-elles tombées ? Il ne saurait dire. Le regard était posé sur l'autre, toujours. Brièvement, il regarde en vitesse autour d'eux, comme pour s'assurer que la patrouille est enfin partie. Il lui semble que oui, il y a un moment. Mais sa tête lui joue des tours, comme son oeil encore en bordel, et - et tout va trop vite, simplement. Tout va juste trop vite. Fucking idiot Il cesse ses recherches futiles et l'observe. Nocte prend un moment avant de se pencher ; il n'est pas encore, pas tout à fait, maître de son corps. En silence, il l'aide à récupérer les patates parcourant la rue.
- Désolé qu'il fait, cherchant son regard, lui tendant une patate. Elle ne ressemble à rien. Elle a été piétonné, un peu. Nocte pince ses lèvres et fronce des sourcils. Il cherche les mots. Sept ans. Ça fait -  sept ans ? il demande, calculant encore, les yeux levés vers les cieux comme si la chose lui facilitait la tâche. les chiffres. tout à l'envers. qui - compter à l'envers ? Il lâche un rire et secoue la tête. fucking idiot. Il répête comme l'androide, quelques instants plus tôt. Puis, le rire se fait un peu, et le sourire se fait un peu plus petit, contre ses lippes. sept ans à dormir. carbonite. La bouche se tord, grimace. Il rit encore et se redresse, la patate encore entre les mains. Elle ne ressemble vraiment à rien. tu - viens.
Déjà, Nocte s'éloigne pour aller au stand abandonné un peu plus tôt par Nocte, fait un signe à la dame pour demander un demi sac de patates pour remplacer celles écrasées par les passants. Il ne peut pas faire grand chose, mais il peut au moins offrir ça. Jun-0 aussi a besoin, comme son fils, de cadeau pour accompagner ses excuses. Il a été absent sept ans pour lui aussi.

ì’upe [ˈlɪ.ʔu.pɛ] inter. what (word, utterance)

Prendre une profonde inspiration. Expirer. Pourquoi les humains trouvent ça relaxant ? Le surplus d’oxygène les fait planer, peut-être. Moins efficace sur les circuits électriques. Respiration factice pour donner l’illusion de vie – encore une foutue obsession humaine –, couplée au système de refroidissement, un beau prétexte pour un caprice futile. La surchauffe est proche, pourtant. Une multitude d’émotions, trop en même temps. Peur et colère, lassitude, tristesse, sentiment d’abandon, exaspération. Je ne sais que les énumérer une à une, pas les gérer simultanément. Il vaut mieux se concentrer sur un objectif plus simple, comme ramasser les patates échappées du sac. Peu importe qu’elles aient roulé dans la poussière, un petit lavage et elles seront comme neuves. Quant à celles écrasées par les passants, il suffira d’en faire de la purée. Ils n’y verront que du feu, ils ont déjà eu pire dans leur assiette. Ça les aidera à s’immuniser. Ses mains se joignent aux miennes à la tâche, et j’ai envie de lui dire d’arrêter. C’est pas son problème. J’avais déjà pas besoin d’un sauveur, j’ai encore moins besoin d’aide pour récupérer des patates en fuite. Désolé, mon regard est sombre, quand il croise le sien. Do you apologise to chairs, too? La remarque est sarcastique, elle claque sur ma langue tandis que j’attrape une dernière pomme de terre pour la fourrer dans le sac. Mon ton est moins froid, pourtant, réchauffé par un souvenir idiot.
Nocte est la première personne qui m’a demandé pardon. C’était pour une connerie, il avait trébuché et m’avait bousculé au passage, rien qui nécessite de s’excuser vraiment. Personne n’avait pris la peine de le faire avant lui. Après tout, je ne suis qu’un objet. C’est ce que je lui avais répondu. Qu’il n’avait pas besoin de s’excuser auprès d’une machine. J’étais vide, à l’époque, la chose semblait peu naturelle. Pourtant, il avait continué, à chaque fois, pour des conneries, peu importe que je lui répète que c’était inutile. De toute évidence, parce qu’il est complètement stupide. Y’a qu’à le voir à contempler une patate amochée avec un air sérieux. Sept ans. Ça fait -  sept ans ? Je relève les yeux vers lui, sans savoir quoi répondre à ça. Je n’ai pas de réponses, seulement des milliers de questions que je n’ai pas envie de poser. Je ne veux pas savoir à quel point sa vie a été merveilleuse après qu’on a été séparés, ni à quel point elle a été horrible. A quoi ça m’avancerait ? les chiffres. tout à l'envers. qui - compter à l'envers ? fucking idiot Je lève les yeux au ciel, retient un sourire en otage contre mes lèvres. Pourquoi sourire maintenant ? Je le menaçais d’étranglement, il n’y a même pas une minute. Je devrais peut-être vérifier ma mise à jour, qu’elle n’ait pas introduit de nouveaux bugs dans mon programme. sept ans à dormir. carbonite J’observe ses traits, un moment. La chose paraît logique, facile à accepter. Ma faute, si ça lui est arrivé. Et pourtant ce crétin rit encore. Faudra m’expliquer ce qu’il y a de drôle à rester bloqué sept ans dans de la carbonite. Au moins mes abdos ont pas dû lui manquer. Il s’éloigne et je me redresse à mon tour, le suit du regard alors qu’il retourne au stand. Les yeux au ciel, encore, et je soupire en m’approchant. That’s unnecessary, idiot. Je paye avant qu’il n’ait le temps de le faire. It’s not my money, anyway, j’hausse les épaules, légèrement, grimace un peu. Am sorry, marmonné, They piss me off so easily, lately. Coup d’œil sur la foule, à l’endroit où les soldats ont disparu. Ils ne sont plus là. Et je ne suis plus seul. Les androïdes solitaires sont de vraies menaces pour la société, faut avouer, c’est pas comme si on avait un bouton off dans la nuque. I’m less… empty ? Than I was. Je pense que même lui est capable de s’en rendre compte. You haven’t changed, have you? Still a moron? Affectueusement, bien sûr.

Nocte se demande, déjà, combien de patates il faudra offrir à Jun-0 pour obtenir son pardon et aussi, le convaincre de le suivre ailleurs dans l'univers. La première fois, Noon était vide ; dans les yeux mais dans la tête aussi. Aujourd'hui, il est plein de tellement de choses que Nocte a du mal à suivre. Il en prend pas un temps pour penser et comprendre, pourtant ; il suit la vague, accepte la chose et sourit, rit, sans problèmes. Jun-0 est face à lui, toujours actif, et il possède une fascination pour les patates, maintenant. Nocte l'accepte ; il lui achetera autant de patates qu'il le désire, sans problèmes. Le prince Atlan n'est pas bien difficile sur ces points là ; si l'androide a des désirs aussi simples que cela alors, il les réalisera. Et puos, il a bien envie d'entendre les saletés se trouvant sur le bout de sa langue. Avec de la chance, ces mots-ci seront plus familiers que ceux tout propres que Jun-0 usait constamment à l'occasion. Noe s'en rappelle de certains comme hygiène, proteine et désinfectant, mais il a oublié tout le reste. Peut-être qu'il devrait lui prendre deux sacs plutôt qu'un ; Nocte envisage sérieusement la chose. Il y a une réflexion, sur ses traits. La vendeuse doit s'en rendre compte ; déjà, elle lui parle rapidement et il comprend que peu de choses, mais les patates qu'elle présente ont différentes tailles et même, différentes formes. Nocte n'est pas certains qu'il s'agisse de patates. Il écoute pourtant avec un grand sourire, attentif malgré la maigre compréhension de sa part. Il est important d'écouter les gens, quand ils parlent. Parfois, les gestes comblent pour les mots que l'on n'entend pas. Et Nocte comprend à sa manière. Elle veut l'arnaquer un peu mais qu'importe ; peut-être qu'Arcturus veut des patates rouges, lui aussi.
- That’s unnecessary, idiot. Jun-0 est là, à ses côtés, et déjà, il paie. Le sourire toujours sur la gueule, Nocte l'observe. It’s not my money, anyway Ah ! Lui non plus, donc.
-comme moi qu'il fait, fier.
Nocte penche la tête, la question sur sa gueule. Il se demande à qui elle appartient, du coup. Jun-0 parlait souvent d'un concept de propriétaire qu'il trouvait stupide et peut-être un brin kinky. Il a toujours préféré y voir une preuve d'affection, qu'importe si la voix de l'autre était terriblement monotone et sans chaleur.
- Am sorry. They piss me off so easily, lately. Le regard est innocent, suit le sien au travers de la foule. Nocte prend un moment à comprendre qu'il parle des patrouilleurs. Il ne les trouve pas si dérangeant que cela. Ils ont bien aimé le calendrier, après tout. I’m less… empty ? Than I was. Le regard coule vers l'androide, de nouveau. Les sourcils se froncent, à peine. You haven’t changed, have you? Still a moron? Et le sourire grandit, un peu.
Nocte rit, bas, la tête se secouant.
- pareil pareil, aujourd'hui. un oeil en moins. Il rit et désigne son oeil qui ne voit pas grand chose, encore. Certains jours, il percoit des ombres. Puis le lendemain, rien. hier, jambe détec - défec -hm. défectueux Il met une tape puis deux contre sa cuisse. La carbonite n'est pas faite pour tenir si longtemps sous son influence. Même Nocte sait pareille chose ; ce n'est pas pour rien que pareille technologie a cessé d'être utilisé dans les vaisseaux et que l'hypervitesse a été créer. Il n'y a que les criminels qui y goutent, maintenant.
Il rit encore et l'observe, juste, un moment. Le regard est lourd, sur l'autre. Le rire finit en sourire un peu bête, peut-être.
- empty ? mek ? qu'il fait, simple, et secoue sa tête. De sa main libre, il agite son index et le secoue d'un côté comme de l'autre. never empty. tsyeym ! Le sourire grandit, devient immense. un trésor. avant et maintenant. Nocte hoche de la tête, fier de trouver ses mots mais aussi, de pouvoir ainsi partager le fond de sa pensée. deux fois trésor. hona tsyeym. qu'il affime, bien fermement. Il n'y a pas de débats à avoir, lorsqu'il est question des trésors de Nocte.

mek [mɛk̚] adj. empty, or metaphorically: having no value
tsyeym [t͡sjɛjm] n. treasure; something rare and of great value
hona [ˈho.na] adj. endearing, adorable, cute

Ça m’étonne pas tellement que Nocte ait pas son propre argent, ni qu’il veuille me payer des trucs avec. Pas parce qu’il a passé sept ans dans de la carbonite et qu’il avait certainement pas ses petites économies à portée de main quand il en est sorti. Juste parce que compter, ça a jamais été son fort. Je n’ai pas gardé en mémoire le nombre de fois où il a dû se coucher le ventre vide, seulement parce qu’il s’était fait arnaquer en achetant une antiquité qui valait même pas un chromium. Mais c’était beaucoup. Surtout que l’idiot voulait me nourrir, moi aussi. Encore une dépense inutile, cet estomac bidon qu’il m’a fait ajouter. Pourquoi ? Aucune idée. C’est Nocte. Même avec mes nouveaux synapses artificiels, je pense pas que j’arriverais à trouver une once de raisonnement logique dans ses actes. J’veux dire, il croit que je remplis l’estomac qu’il m’a offert avec des patates, apparemment. Les derniers neurones ont dû rester prisonniers dans la carbonite. Rien qu’à son expression, je devine qu’il comprend pas la moitié des mots que je prononce. Et pourtant je suis pas en train de lui faire un exposé sur le fonctionnement d’un pléthysmographe. Evidemment, comme tous les autres, les mots qu’il saisit le mieux, ce sont les insultes. Mais ça le fait sourire, lui. pareil pareil, aujourd'hui. un oeil en moins. Mon regard suit le mouvement de sa main, vers son œil, puis sur sa cuisse, le scan s’affole un peu. Pas seulement pour des questions d’ankylose ou de vision altérée par le temps. Certains problèmes sont apparus avec la carbonite, sans doute. D’autres étaient déjà là, sept ans plus tôt. I can see that. Et ça le fait rire, toujours.
Je plisse les yeux et mes sourcils se froncent, j’essaye de traduire ce qu’il a à me dire, mais il n’a jamais pris le temps de m’enseigner sa langue. Mes capacités d’apprentissage étaient trop faibles, à l’époque, de toute façon, il aurait fallu qu’il m’ajoute une puce de traduction. Un trésor ? C’est quoi, une tentative nulle de se faire pardonner ? Don’t call me that. I’m not a thing and I don’t belong to you, stupid. Ok, il m’a trouvé dans une décharge comme les nonante-neuf pour cent de ses soi-disant trésors. Ok, j’avais l’habitude de lui rappeler que j’étais une machine et que je ne ressentais pas d’émotions complexes comme les siennes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je ne suis pas un trophée à placer sur sa cheminée. I’ll find you an eye to replace this one. C’est pas une demande, non. C’est comme ça que j’agis, maintenant, c’est dans mon code. J’aide les gens agressivement, sans leur laisser le choix. Il m’a pas laissé le choix en venant jouer au héros devant les soldats, alors je vais pas lui donner l’opportunité de se casser avec un œil qui dit merde. Ta tête de sarlacc est libre pour un tour au marché noir ? Je prends mon sac de patates sous le bras et ramasse les peluches encore abandonnées au sol de l’autre main pour les remettre dans les siennes, et démarre déjà. Come on, asshole, j’ai pas toute la journée.

Nocte n'a jamais eu conscience d'être en cage pendant sept ans ; pourtant, il profite amplement du sentiments de liberté ressenti depuis qu'il en est sorti. Certes, il existe des jours où il reste collé fermement à Arcturus sans le laisser tranquille une minute ; ce sont dans les instants où les iris de son frère sont sombres, plus qu'à l'ordinaire, et qu'il peut y voir des noires pensées. Nocte a l'impression d'avoir manqué à son devoir, en étant ailleurs. Pourtant, il n'a jamais eu de contrôle sur la chose ; il n'en est pas responsable. Malgré cela, il ne peut que s'en vouloir. Arcturus est fragile ; plus qu'on le croit, plus qu'on ose le voir. Nocte l'a vu de diverses manières depus leur rencontre et ose croire le connaître suffisamment. Arcturus ne sait pas lui mentir ; Nocte paraît bête, mais il voit la vérité aussi bien que les mensonges. Il est un bon menteur lui-même. Le temps a laissé des traces sur Arcturus. Il en a laissé sur Jun-0 également. Nocte l'observe, ce sourire sur les lèvres, encore, et ne peut que voir les différences multiples qui se dessinent. Il y a un froncement de sourcils, il y a aussi une noirceur dans ses iris, infinie. Nocte en est fasciné. Contrairement à Arcturus, la chose ne lui déchire pas le coeur. Noon ne lui a jamais déchiré le coeur, de toute manière. L'androide a toujours posé un sourire sur ses lèvres, peu importe la réplique un peu étrange sortant des siennes.
- Don’t call me that. I’m not a thing and I don’t belong to you, stupid.
Il y a une puissance dans ses mots, dans ses expressions. Nocte observe et s'en abreuve, fasciné. Jun-0 est un trésor encore plus précieux qu'autrefois, qu'importe ses dires. Nocte serait le premier à le dire. Mais peu importe ; Nocte a l'habitude qu'on ne voit les merveilles du même oeil que lui.
Le sourire reste un peu bête, alors, sur les lippes. Nocte le dévisage une longue seconde et lorgne autour d'eux. Certes, il y a le stand de patates, mais il y en a d'autres bien plus intéressants autour d'eux. Le regard accroche un vieil homme vendant des mitaines et des bonnets aux couleurs festifs. Peut-être que Jun-0 aimerait en avoir. Peut-être qu'Evi aussi, et Arcturus, et pourquoi pas Domkod. Il y a déjà une fine neige qui se glisse un peu partout depuis quelques jours.
- I’ll find you an eye to replace this one. Ta tête de sarlacc est libre pour un tour au marché noir ? que Jun-0 gronde presque, et Nocte est enchanté par ce ton si vivant mais aussi, surpris par les paroles. Il n'apprécie pas qu'on lui offre des choses. C'est un fait étrange ; Nocte donne trop, toujours, aux autres, mais il ne supporte que rarement de recevoir des choses. Il possède déjà trop, après tout. Il est un prince. Les peluches sont balancées dans ses bras et Nocte n'a pas le temps de répondre, Jun-0 continue déjà. Come on, asshole, j’ai pas toute la journée.
L'Atlande a un temps d'arrêt avant de se mettre en marche. Son genou claque brièvement mais il ne ralentit pas le pas pour le joindre à son niveau.
- Jun-0. Non. Non. Pas besoin qu'il fait, à ses côtés. Nocte rit et secoue la tête, un peu mal à l'aise de la chose. Son oeil ne lui dérange pas plus que cela. Certains jours, il voit un peu, même. Il suppose qu'il suffit d'attendre. La vision reviendra avec le temps.
Jun-0 continue d'avancer, pourtant. Nocte pense à prendre sa main et le fait, une brève seconde mais déjà, il y a un tressaut. Alors, il se défait de l'emprise.
- Désolé qu'il dit, vite, avant d'accélèrer pour se mettre devant lui, de face, pour lui bloquer la route. Pas besoin de oeil. Lui est ok. qu'il s'efforce à dire, avec des mots précis, pour que l'androide ne prétende pas l'incompréhension. Nocte lui sourit, simplement. Il n'a pas besoin d'un oeil. Le sien va très bien. Et même s'il est brisé, où est le problème ? Certains ont des problèmes plus compliqués que cela. Au moins, il est sorti de la carbonite sans de trop grands problèmes. mais ah ! faim ? Le sourire est grand, bête. Nocte désigne un stand, juste là. Il y a de la nourriture. Il la sent bien, d'ici.

Il est pas concentré, Nocte. Quand on lui parle, son attention se barre vite sur autre chose. Il suffit qu’une limace-coléoptère lui passe sous le nez pour le perdre. Pire qu’un gamin. Là, je suis pas dupe, son regard est direct attiré par les lumières du Jour de la Vie qui décorent déjà les stands autour de nous. Ça m’étonnerait pas qu’il entonne un chant du Jour de la Vie en canon avec la chorale qui s’égosille un peu plus loin. J’ai pas envie de m’en rapprocher, alors je vais dans la direction opposée. De toute façon, tous les chemins mènent au marché noir. Nocte traîne, derrière moi, je suis obligé de le rappeler à l’ordre, l’attention en vadrouille sur un stand d’immondes vêtements festifs. Tout ce qu’il lui faudrait, ce sont de nouvelles bottes, je me demande si celles qu’il a aux pieds ne sont pas les mêmes que lorsqu’on s’est quittés, y’a sept ans. Y’a sept ans, j’avais une technique infaillible pour attirer son attention et la garder ; retirer mon haut. Mais je ressens le froid, maintenant, et j’ai pas spécialement envie de me geler le cul sous la neige. Peut-être qu’il veut acheter d’autres cadeaux. Enfin, je suppose que les peluches lui sont pas destinées. Quoique, venant de Nocte, ce ne serait pas si surprenant. Il serait capable de les avoir achetées pour décorer son nouveau vaisseau, s’il s’en est dégoté un. Je ne sais pas trop depuis quand il est sorti de sa carbonite, après tout.
Il finit par me suivre et je n’écoute pas ses protestations, j’ai pas le temps de négocier pour des conneries pareilles. Pourquoi les humains veulent jamais se soigner ? Y’a un truc qui va pas, on le répare. C’est dans l’ordre des choses. Ça aurait été bien qu’ils me réparent, aussi. Sensation de déjà-vu, abrupte. Ses doigts se sont posés sur moi, encore. Ma main se crispe et la tension se propage dans tout mon corps. Nocte a toujours été long à la détente. Il me lâche rapidement, heureusement pour lui. Ça doit être à cause du regard que je lui ai jeté. Et le voilà qui se plante devant moi. Je m’arrête, les sourcils froncés, mâchoires tendues. Apparemment, je vais devoir négocier. Pas besoin de oeil. Lui est ok. Discutable. Mon scan m’indique clairement que rien n’est ok, chez lui. Son sourire, en particulier. La carbonite préserve pas des problèmes de dentition, faut croire. mais ah ! faim ? Je suis le mouvement de sa main vers le stand de bouffe le plus proche. Bristlemelons don’t make great eyes. Je soupire, observe son sourire, un moment. Fine. You pay. I don’t eat anymore. Pas qu’on m’ait enlevé l’estomac, simplement que mes nouveaux circuits neuronaux ont réalisé à quel point c’était absurde et inutile. Why are you here? Still running away from Atlan, dumbass? Jamais trop compris ses histoires avec sa planète d’origine. Il m’a souvent raconté qu’il était important, là-bas. A voir sa gueule et son allure, je me dis qu’on n’a pas la même définition d’important, dans le coin.

Nocte a toujours été fasciné par la nourriture ; il a toujours apprécié le sentiment de communion, d'ensemble qui vient avec le moment où, tous ensemble, de nombreuses personnes partagent un repas. Il y a un lien qui se crée ainsi, en partageant un repas. Un sentiment de solidarité, une harmonie. Nocte aime le fait de s'asseoir en compagnie de ses proches et de déguster de nombreux repas, de savourer, rire et parler. Les repas apportent un bonheur, dans sa vie. La cuisine aussi, bien qu'il ne possède pas le plus grand des talents. Il aime aider. Il est toujours partant pour offrir son aide, constamment. Ce n'est pas une chose qui lui pose problème. Il y a cette odeur de nourriture, dans les airs. Des souvenirs associés au Jour de la Vie. Nocte l'a fêté souvent avec Arcturus, Kael et Aziel. Souvent, les souvenirs étaient flous et alcoolisés, mais le sourire était toujours sur ses lèvres et le rire, dans sa gorge. Il se souvient encore ; de la découverte cruelle, il y a longtemps, quand Jun-0 lui a avoué ne pas avoir d'estomac. Les jours n'ont pas tardés avant qu'il ne lui en offre un suivi de multiples repas. Noon n'a jamais vraiment apprécié la chose ; Nocte se rend compte aujourd'hui qu'il avait oublié les papilles.
- Bristlemelons don’t make great eyes. Le rire quitte ses lèvres, franc. Il n'en veut pas, de melon. Nocte préfère le stand un peu plus loin, celui qui sent le sucre et la chaleur, et aussi les fêtes. Fine. You pay. I don’t eat anymore. Les lèvres se tordent brièvement mais le sourire revient aussi vite. Nocte hausse des épaules.
- but it's sad qu'il commente juste, avant de s'approcher du stand lui faisant le plus envie. Il y a des bonhommes en pain d'épice et des cannes de bonbon mais aussi de multiples petites maisons en pain d'épice voire même, des vaisseaux. Ses yeux brillent d'extase face à la chose.
Il se tourne vers Jun-0, pour lui montrer. L'autre prend la parole, déjà.
- Why are you here? Still running away from Atlan, dumbass? Encore une fois ; la moue sur ses lèvres, grande et enfantine. Nocte soupire.
- no i don't qu'il dit, secouant la tête. Il resserre contre lui les porgs, comme un bouclier. Jun-0 est capable de lire en lui aisément. Il a des scans pour tout. Peut-être qu'il lit dans sa tête, aussi. Heureusement, il n'y comprend rien. look. un porg en pâte d'am - eh. hm. de noix. qu'il fait, sourcils froncés, peu certain de son mot. Peu importe. Nocte lui désigne d'un doigt. Le porg est mignon, quand même. Peut-être qu'Evi le voudrait. Il aime les choses mignonnes. Quoique, peut-être qu'il se sentirait mal de le manger. Nocte ne sait pas ce qui il tient ça. i'm with tsumaken. dunno where i was before. Nocte n'a pas demandé. Peut-être qu'Arcturus sait, mais la crise de larmes et les pensées sombres ont été lourds à supporter. Il ne désire pas revenir sur le sujet. De toute manière, quelle est la différente ? Il était dans la carbonite, dans tous les cas. Un simple détail ne changera pas grand chose. and before. with you. Il sourit, à l'observer, en disant ça. with hona tsyeym. qu'il dit, plus doucement, le ton prenant toujours ce timbre lorsqu'il s'adresse à lui.
Il finit par détouner son regard, après quelques secondes. Il a ce désir de le presser contre lui, de lui exprimer comment il s,est ennuyé même si, pour lui, il ne s'agit que de quelques semaines. Jun-0 n'a pas cette même notion des choses, ni des sentiments. Et il n'aime pas les contacts, Nocte suppose. C'est une nouvelle chose qui l'intrigue, qu'il veut questionner, mais Nocte sait respecter ce qui ne le concerne pas. Du moins, il essaie.
- two qu'il fait signe au monsieur, cette fois, en parlant des porgs en pâte d'amande. Puis, il montre un petit vaisseau de course, aussi. Peut-être qu'Arcturus le voudra. L'homme met le tout dans un sac et Nocte paie. you want ? Il redresse le sac en demandant, souriant bêtement. Manger ensemble est une chose importante. Il appelait souvent Evi par Holo à l'heure du repas, pour manger avec lui, même à distance.

Il est aisé de lire sur le visage de Nocte, plus que de comprendre les mots qu’il prononce. Il ne m’a jamais paru capable de cacher ses émotions, bien qu’il aime s’adonner aux jeux d’argent qui requièrent de bluffer. Normal qu’il se fasse plumer. Une bonne main et il se met à sourire comme un gamin, un androïde qui lui balance qu’il mange pas et le voilà triste comme si on lui avait annoncé la fin du monde. Il s’en remet vite, ça va. Déjà avant mes mises à jour, je parvenais à déchiffrer chacune de ses expressions, même si je ne savais pas quoi en faire. Ce qui m’est toujours indéchiffrable, par contre, c’est le fil de ses pensées, à s’extasier devant des maisons en pain d’épice juste après avoir risqué sa vie en embobinant des soldats impériaux. Je pensais que le premier instinct chez l’humain, c’était l’instinct de survie. Ça n’a pas l’air d’être ça, chez Nocte. Heureusement qu’mon premier instinct à moi, c’est celui de le protéger. Amandes, je complète, entre la serviabilité et l’exaspération. J’suis pas un correcteur automatique. Et j’ai du mal à trouver le même intérêt que Nocte dans les figurines comestibles qui s’étalent sur le stand. On s’amuserait beaucoup plus à comparer les yeux robotiques disponibles sur le marché noir. Y’en a qui lance des lasers. J’aurais peut-être dû préciser, sûr qu’il aurait bien voulu faire réparer son œil, si j’avais dit ça. Tsumaken, j’me demande si c’est le nom de quelqu’un ou un simple mot dont la signification m’est étrangère. Les quelques rudiments que j’avais retenus de sa langue ont été effacés lors de ma revente. Il fallait de la place pour la peur et la douleur.
Ça veut pas dire que j’suis pas capable de réapprendre et de déduire le sens des mots, avec le contexte. I’m no tsyeym, asshole. I told you not to call me that like five minutes ago. Is your brain still frozen? Apparemment, ça l’empêche pas d’acheter ses trucs en pâte d’amandes adaptés aux enfants de cinq ans et moins. Il a le même sourire stupide qu’eux. Je lève les yeux au ciel en m’approchant de lui pour attraper le sac qu’arrive à peine à tenir avec tous ses achats. There’s nothing I want less, but I have time to lose. J’avance jusqu’à l’entrée du marché, où des murets à moitié en ruines font généralement office de sièges pour les passants. C’est pas des plus confortables, mais ça fait l’affaire pour Nocte. Je dépose mon sac de patates au sol avant de m’asseoir et le sac de Nocte à côté de moi sur le muret. What’s hona? I don’t remember.

Nocte n'est pas que sourire. Il est un peu triste parfois, et un peu nostalgique. Le coeur l'est un peu, nostalgique, pour bien des choses. Il s'ennuie de manger avec Evi, par exemple, même juste au travers d'un hologramme. Il s'est toujours plaint de la chose à Noon qui, évidemment, ne comprenait rien. C'est un peu amusant de manger du coup en sa compagnie. Du moins, il le voudrait bien. L'Androide n'a toujours pas accepté quoique ce soit. Le prince aimerait bien lui demander de rentrer avec lui et de faire comme avant, comme il y a sept ans, mais les choses ont changés. Il n'est pas bête au point de ne pas pouvoir le constater. Il se retient déjà, fort, pour ne pas le toucher. Il lui a manqué, beaucoup. Nocte n'a pas eu conscience du sept ans passé, mais maintenant qu'il a conscience du nombre d'années, il sait qu'il lui a manqué. Le coeur est plus fort qu'un corps tout gelé. Il sait, ces choses là. Et le coeur de Nocte est très puissant ; tellement puissant qu'il aime un million de gens, en même temps, sans forcément en avoir conscience. Il aime tomber amoureux des petites choses de la vie, après tout. C'est pour ça qu'il apprécie autant Jun-0 ; il est comme une boite à mystères qui lui fait découvrir des merveilles constamment. On dirait juste, maintenant, que les mystères ne sont pas toujours amusants. Mais ça va ; Nocte l'accepte.
- I’m no tsyeym, asshole. I told you not to call me that like five minutes ago. Is your brain still frozen? Plein de surprises, encore ; le caractère de l'androide et aussi, l'usage qu'il fait des mots. Nocte ne peut que l'observe comme s'il était une merveille alors qu'au final, on ne lui offre que des insultes et on critique ses mots faux. Avant, Jun-0 les écoutait sans faire le moindre commentaire. Au moins maintenant, il répond quelque chose. Il comprend plutôt que de poser des questions et réagit entièrement.
Le sac s'enlève de ses mains et Nocte sourit, comme un enfant. Jun-0 reste en sa compagnie.
- There’s nothing I want less, but I have time to lose. Les paroles sont acides mais Nocte sait ; sous sa robotique toute dure, il y a un coeur tendre. C'est une éponge. Une vraie ; Nocte l'a coincé lui-même il y a longtemps, en réparant quelque chose en Noon, et l'a oublié. Il ne lui a jamais dit. Une belle éponge rouge.
L'androide prend place sur un banc - froid - et Nocte le suit. Il grimace un peu en s'assoyant, le cul entièrement gelé, mais se garde d'un commentaire. Une plainte pourrait suffire à le faire quitter les lieux. Et s'il dit quelque chose, qui sait si Jun-0 ne voudra pas lui acheter un fessier robotique aussi ? Il tient à ses fesses.
- What’s hona? I don’t remember.
Les yeux papillonnent un moment tandis que dans ses mains, il tient précieusement son porg à manger. Il a faim, un peu ; non pas qu'il possède un appétit, mais plutôt que Nocte est gourmand dés l'instant où on lui fout de la nourriture sous le nez.
- Eh ? ah. Hona. Le sourire grandit et sans grande manière, il le dévisage un moment, émotif et admiratif, avant de s'appuyer avec surprise le porg d'amande contre le nez de l'androide. Un simple petit coup. cute qu'il annonce, fier de lui. eat ? please ? Il tient toujours le porg face à son ami, les yeux brillants et attentifs. Puis, avant que l'autre fasse quoique ce soit. you do - you can ah. ewktswo ? hmmm.....ah ! taste ? Il est important, après tout, de posséder le goût pour pouvoir gouter à une merveille aussi extraordinaire. or we need a new ftxì! Il peut se passer d'un oeil. Jun-0 ne peut se passer d'une langue.

ewktswo [ˈɛwk.t͡swo] n. (sense of) taste
ftxì [ft’ɪ] n. tongue

Je devrais rentrer. La ville n’est plus très sûre, pour un androïde solitaire,  à présent, il ne m’a pas fallu une journée pour le constater. Nocte est avec moi, certes, et peut-être qu’ils auront moins tendance à accoster un androïde accompagné, mais ils pourraient vouloir que l’on se recense. Et je ne tiens pas à voir Nocte désigné comme mon propriétaire. Même si c’est ce qu’il a été, il y a longtemps de cela. Je ne pars pas, pourtant. Bien qu’il m’exaspère, que je n’aie pas terminé les courses pour l’équipage, que j’aie mille autres choses à faire. J’ai menti en disant que j’avais du temps à perdre, il y a toujours quelque chose à faire pour moi. Quand il n’y a rien, c’est que c’est le moment de me recharger. Les androïdes n’ont pas été créés pour glander. Mais j’ai envie de rester là. Avec Nocte. A croire que je débloque encore. A croire qu’il remue quelque chose dans mes vieux circuits, avec son sourire qui s’agrandit à mesure que mes sourcils se froncent. Le porg en pâte d’amandes atterrit sur mon nez et je recule mon visage, sous le coup, les yeux plissés, rivés sur lui. Cute, il a dit. Je devais l’être, à la manière d’un animal de compagnie, autrefois. Peut-être est-ce pour cela que mon premier maître m’a offert le nom de son akk dog. Je ne suis plus comme ça. Il s’en est rendu compte, non ? Je contemple un moment le porg qu’il me tend toujours, puis mon regard retourne sur son visage, toujours aussi perplexe. Je ne viens pas de lui dire que je ne mangeais plus ? C’est quoi, une forme d’amnésie de la mémoire à court terme ? Ça devient inquiétant, là. No. I don’t eat. I told you that too. Nobody needs a new ftxi, whatever that is. D’un simple geste, je repousse sa main et la friandise, laissant échapper un soupir irrité.
Ce n’est pas une histoire de goût, des papilles électroniques m’ont été greffées, il y a plusieurs années maintenant. Une idée des trafiquants qui m’avaient repêché, sans doute pensait-il me revendre à un restaurant avant d’avoir une offre plus généreuse de l’autre taré. Elles ne m’ont jamais servi. Et ça n’a pas d’importance. Je ne veux pas prétendre être humain, cela reviendrait à jouer à la dînette comme un enfant. Cela ne m’apporte rien, à moi. Ce ne sont que des lubies humaines qu’ils projettent sur les androïdes. And I’m not cute. Now eat. You’re the only one who will die if you don’t. Qu’il mange, ouais. Que je puisse l’observer en silence, voir tout ce qui ne va pas. Sept ans de carbonite, ça laisse forcément des séquelles. Non, je n’ai pas abandonné l’idée de lui dégoter un nouvel œil. J’aurais dû l’empêcher d’acheter ces sucreries, d’ailleurs. C’est la dernière chose dont ses dents ont besoin. Sept ans sans voir Nocte manger, ça a laissé des séquelles aussi. J’me souviens que je le dévisageais toujours, quand il mangeait. Yeah, you’re the cute dumbass who needs to eat, que je marmonne, occupé à faire défiler les souvenirs dans la boîte noire qui me sert de mémoire.