at the games end we shall see who gaines (elvedin)

Les souvenirs fracassent ; ils sont flous et indésirés, flottent dans son esprit et envahissent ses rêves sans cesse. Les visages n'existent pas, ou peu. Les voix sont massacrées par les nuages obscurs venant de ces traces lourdes qu'ont été la manipulation mentale et il ne saurait distinguer ce qui vient de son esprit du passé. Vee ne sait pas. Il ne sait plus rien ; incapable de déterminer s'il est moindrement ravi par l'arrivé de souvenirs, enfin, ou s'il est torturé par la chose. Au travers de sa mémoire tourmentée ne fait écho que de choses déconstruites et étranges dont il n'arrive pas à différencier le début, le milieu ainsi que la fin. Tout se confond. Comment peut-il savoir ? Comment peut-il poser un simple mot sur ce qui est vu lors des songes et savoir si ceux-ci sont réels ou imaginaires ? Ce sont les lieux qui lui apportent un brin de lumières. Des lieux vus à l'occasion, là, au travers des nombreuses rues de Theed. Les noms sont certes faiblement effacés mais restent marqués.
Ceux de l'arcades sont aisés à identifier. Les neons abordent des couleurs agressantes qui ne peuvent que percuter plus forts une fois la nuit tombée. Une neige fine tombe sur Theed, bien que la chaleur des batiments n'en laissent qu'une pluie délicate et froide, trop froide, glissant contre ses mains. Qu'importe si le médoc les enfuit profondément dans ses poches, il en sent la morsure amère contre ses phalanges. La chair est rouge par la tendre violence de la nature. Il subit, encore.
Le regard est dur ; grave. Il effleure la devanture de l'enseigne un moment avant que l'échine se courbe et que, d'un pas brusque, il pénétre les lieux. C'est la musique qui agresse d'abord ; lourde et sourde, presque trop présente pour la tension qui habite son corps. Vee serre la machoire, lorgne sur les environs et se tait, garde pour lui le sentiment amer qui croît en lui. Il n'est pas à l'aise. Il n'apprécie pas les lieux. Il se demande, surtout, comment il a pu venir dans un pareil endroit par le passé de son plein gré.
Un flash : un visage, un rire, une voix.
Il ne reconnait rien. Le timbre de voix est familier, moqueur et doux.
Il agresse douloureusement et accroit le froncement présent sur ses traits.
Le pas dévie au travers des lourdes rangées d'arcade et l'iris observe, dévisage et s'approprie les lieux. Il essaie d'y trouver son passé, peut-être. Vee n'y trouve que peu de choses. Le passé ne lui appartient plus. Il doit se faire à l'idée.
Il envisage de partir ; de couper court à l'exploration et d'oublier, de passer à autre chose déjà. Vee n'est pas patient ; il a besoin de tout, ou de rien. À l'instant, il choisit rien. C'est la peur, en partie, qui parle.
Le corps se détourne et l'iris prend appui sur une chevelure. Les neons sont présents, même à l'intérieur. Le blanc est criard et presque fluo face aux lumières utilisées dans un pareil lieu. Ainsi, une part de la chevelure du garçon - du moins, il présume, il sait, il se souvient peut-être - aborde une horreur occulaire.
Il prend un temps d'arrêt. Quelque chose traverse le coeur sans posséder de nom précis. Il ne sait pas, juste. Il ne sait pas le mot posé sur l'émoi. Aucun souvenir ne le percute, à l'instant. La silhouette s'arrête pourtant en entier et le regard observe, lorgne.
- hé qu'il fait d'un ton fort, plus fort que la musique. La paume se pose contre l'épaule, force à corps à se retourner pour faire face. Les traits se dévoilent et dans les souvenirs, rien ne lui vient vraiment. ah shit. d'solé. qu'il gronde, le regard se détournant. Le malaise est aussi envahissant que l'agacement.

Il n'existe que des miettes venant des souvenirs. De nombreuses miettes certes, mais des miettes tout de même. Vee aurait beau les observer pendant des heures qu'il ne saurait comment les lier et en lire le passé. Il ne possède que ce qui a été cassé ; par moment, l'ensemble est parcouru de vagues et tout se confond, tout bouge et pendant une brève seconde, il a droit à une image. Un visage, une voix, un endroit. Quelque chose ; est-ce un rêve ou un souvenir ? Il ne saurait dire. Il ne sait jamais, en vérité. On dit que le cerveau n'invente jamais aucun visage ; que chaque trait, chaque sourire a déjà été croisé un bref moment dans la rue.
Où a été vu le visage ? Dans un rêve ? Dans un souvenir. Vee ne possède pas la réponse. Il n'en veut pas, peut-être. Certes, la tête a été fouillé et la vérité a été vu un brin, juste un peu. Elle apparait à l'occasion, parfois floue. Elle est forte et maligne, le réveille brusquement au milieu de la nuit, des sueurs froides le long du corps. Il se demande, ne sait pas ; cauchemar ou réalité ? Les choses se confondent et il ne cherche pas à les distinguer.
- Mavee ? 
La pupille s'agrandit, le coeur s'arrête. Le pas recule, un coup. L'autre avance. Le coeur accélère et les sourcils se froncent, fort. Il le dévisage. Les traits sont familiers, étrangers. Il ne sait pas. Le médic ne veut pas savoir, en vérité. Le passé est une chose qui l'appelle autant qui lui fait peur. Il possède des questions dont les réponses ne sont pas cherchées. Peut-être voudrait-il qu'on lui offre tout sur un plateau, sans douleur, sans haut le coeur. Les choses ne fonctionnent pas comme ça. Vee le sait parfaitement. L'accepter est une toute autre chose, pourtant.
- Mavee Waul ? C'est bien toi ? 
La machoire se serre ; les lèvres se pincent, un brin. Vee secoue la tête.
- Non qu'il fait, fort, par dessus la musique. Elle bourdonne dans sa tête, entre ses oreilles. J'le connais pas, j'sais pas qui c'est. Est-ce un mensonge ? Non. Au final, Vee ne connait pas Mavee. On lui a parlé de l'autre, surtout Shireen, mais il n'en connait que des ombres lui venant dans ses rêves. Que des ombres qui le hantent même au milieu de la journée.
Il se recule, encore. Un pas, puis deux. Trois.
- J'ai dit d'solé. qu'il répête encore, faisant d'autres pas pour s'en aller vers une autre rangée de l'arcade.

Moindre est le moment qui s'écoule avant qu'une autre présence l'envahisse ; une main contre son bras, une pression contre sa chair. Vee sent ses muscles se tendre, son corps entrer en guerre. Il y a quelque chose de bouillant dans ses veines, une tempête dans sa tête qui ne demande qu'à être agité un peu plus par le moindre impact. L'inconnu est l'un de ces impacts ; un élément inconnu qui bouscule et qui met à risques le peu de contrôle qu'il possède sur sa propre personne depuis un moment.
Vee est un naufragé.
Corps à la dérive, il navige depuis des jours, incapable de distinguer le nord du sud, l'ouest de l'est. Certains jours, il observe le ciel et voit la mer. Tout se confond.
Il y a une main qui fait pression contre lui et Vee a envie de frapper. La chose est retenue dans un souffle, le regard est aussi bleu que brusque contre celui de l'autre.
Au creux de sa gorge, les mots étouffent. Il l'observe dans les yeux et ouvre les lèvres, s'apprête à mordre quand -
- Et Shireen, tu le connais ?
Quelque chose bloque, dans la gorge.
Quelque chose stoppe, dans son souffle.
Les yeux s'écarquillent un brin, perdus, et Vee prend une moindre seconde à reprendre le contrôle de son corps.
D'un movuement brusque, il dégage son bras et se libère de la maigre prise.
- Sharon ? qu'il fait, déformant intentionnellement le prénom. Ça m' dit rien. Le mensonge brule la langue et laisse un goût de fer au creux de sa gorge.
Le mensonge est essentiel, peu importe. L'iris, malgré tout, s'attarde sur les traits face à lui. Si l'autre connait Shireen, alors peut-être le connait-il également. Rien ne lui revient, par contre. L'observation ne dure que de maigres secondes et apporte aucun souvenir, aucun flash, rien. La tête de Vee est cassée, les souvenirs viennent comme ils le désirent. Il ne possède aucun contrôle.
Il aimerait obtenir une réponse, malgré tout. Il n'a pas vu Reen depuis quelques jours. L'Empire pose des problèmes entre eux sans savoir, bien que la plupart viennent de Vee. Il n'est pas dupe. Il a conscience de ses merdes. Il préfère seulement ne pas les avouer.
- J'peux partir maintenant ou tu vas m'rattraper encore ? ça d'vient gênant.