the lost and the found ✶ h a d a s s a h

« Je suis l’apprentie de Darth Kirk. Tu es l’enfant qui a refusé de le suivre. » C’est comme des éclats. Des morceaux de ses organes qui se froissent et se détachent comme des pétales pour mieux tapisser l’intérieur de son ventre. Elle a chaud, puis elle a froid, devant la figure adverse qui se tient devant elle, et si son regarde semble se désengager, Hadassah comprend parfaitement ce qui est en train de se passer. Son opposante n’est pas beaucoup plus jeune et si les traits sont fins, elle a dans son regard une dureté qu’elle n’avait connu que chez peu de gens – ceux qui souffrent assez pour embrasser totalement l’obscurité. Ceux que la guerre a rompus sous la charge de ses exigences et de ses sacrifices.  L’ingénieure, sans en saisir les raisons, n’est pas surprise de la présence si solennelle. Quelque-part, il est légitime que cela arrive un jour. Devant elle, alors qu’elle prend son temps pour relever chaque détail du visage sith, respire le succès qu’elle aurait peut-être pu être. Peut-être, si elle n’avait pas laissé sa place. Peut-être.

La veille avait été particulière. Un moment attendu, lorsqu'il était annoncé. Les communiqués gouvernementaux, même minimes, elle ne les loupait jamais. Pourquoi cela aurait-il été différent cette fois-ci ? Bien entendu, au regard extérieur, être sujet de l’Empire primait comme intérêt. Qui avait besoin de savoir qu’Hadassah patientait simplement devant l’écran, chaque fois, pour la même raison ? Celle de saisir le plaisir d’une apparition, attraper cette figure de Naboo qu’elle avait vu, de loin, devenir Chancelier. L’instant fut court et le contraste, frappant. Assise dans le noir de l’hiver devant la projection trop éclatante, l’impériale s’était déconfite à l’apparition du désormais bien nommé Arès. Ce fut tout ce qu’elle pouvait réclamer, après plus de vingt ans de silence. Quelques minutes de propagande à laquelle elle n’avait plus besoin d’adhérer, et ce fut terminé. Occuper ses journées à tant s’acharner sur l’obstination de la perfection ne suffisait pas à gorger les petites perforations de ce qu’elle était. La sensation était devenue envahissante. Elle l’avait laissé nécroser ses désirs et faner ses ambitions, c’est qu’elle avait appelé l’amertume. Pour autant, Hadassah continuait, elle vivait, se suffisait. Il n’y avait pas de place pour trop de fébrilité. Après avoir éteint l’écran en plein milieu de l’annonce, la jeune femme s’était levée, avait lacé ses bottes et s’était fait avaler par la nuit pour courir les rues de la ville. Laisser suer ses ivresses de ressentiments était encore le meilleur moyen qu’elle avait trouvé, en dehors de ses mathématiques, pour se débarrasser de ses autopsies quotidiennes. Avancer, voilà tout. Continuer.

La course le long de Solleu s’était terminée aux portes de l’Académie Royale. Un moment elle avait observé les portes en serrant les manches de ses bras croisés par-dessus son blouson moite. Elle avait reniflé, reporté son regard sur le fleuve dans lequel se noyaient le reflet des étoiles. De l’autre côté de la rive, le grand sapin versait sur la place la lumière de ses décorations. Une famille de gungan s’y était arrêtée. Il n’était pas encore minuit lorsqu’elle était repartie, parce-que la neige avait commencé à tomber sur la capitale. Alors elle s’était remise à courir, laissant son souffle se réguler seul et sans effort de la conscience, serrant le ventre de la façon dont Taheer lui avait appris. Celui-là, peu importe d’où il sortait, officier général des armées ou capitaine de bâtiment, avait au moins eu le bénéfice de lui accorder des conseils sans fioritures, simplement nécessaires. Ses foulées étaient devenues moins erratiques. Ses muscles plus nerveux sous sa carne affinée. C’était peu, mais il lui semblait retrouver un minima d’emprise sur sa situation quotidienne depuis que cet homme de nulle part s’était mis en tête d’aiguiller ses entrainements. Les étoiles avaient disparues pendant son retour et le ciel s’était amassé en nuages lourds aux plis mousseux. Les flocons avaient fini par consteller son visage rouge, sucrer ses lèvres ouvertes et il y avait eu comme une plénitude au sein de ses poumons. Lorsque Hadassah avait fermé les yeux, elle avait retrouvé Hoth et ses déserts blancs. Une paix soudaine. Pleine. L’armistice s’était arrêté devant les portes de son immeuble et le reste de la nuit avait coulé de la même façon que les autres, blanche, sans humeur. S’en était suivi un jour égal.

Jusqu’à cet instant. En entendant sonner, Hadassah avait senti un petit picotement lui chatouiller la pulpe de ses doigts. Quelque-chose dans l’air changea. Quelque-chose dans son ventre savait. Et à ce moment précis, à la vue bien singulière du Sith, son sentiment se précise. L’impériale regarde, enlisée par l’appréhension, la silhouette autoritaire de la jeune femme. " Entre. " Elle dit simplement. Sa voix ne tremble pas, elle lève même un peu le menton. " Ce n’est pas la peine que quelqu’un te voit ici. " Encore moins pour elle.