aziel & bb ;; if we have each other.

Les yeux clos, il laisse ses doigts parcourir l'acier du couteau, l'étudiant avec précision. Toute lame est différente, de sa composition, à son poids ou encore sa finesse -chaque paramètre est à prendre en compte pour effectuer le lancer parfait. Puis vient la position, buste vers la cible, pied gauche en avant, le second à un angle exact de 45 degrés pour s’assurer la létalité de l’entreprise. L’androïde garde ses paupières scellées, il n’a réellement besoin de voir dans ces circonstances et l’exercice suppose de ne pas se reposer sur ses acquis. Coude soudé à l’avant-bras, celui-ci derrière sa nuque, il répète une ou deux fois ce geste semblable à un coup de fouet : véloce, fendant les airs. Une profonde respiration, plus par mimétisme que réelle nécessité, et l’arme est lancée : la pointe déchire l’espace d’un éclair argenté pour arracher une plainte à une plaque de métal rouillée. A l’écho de l’impact, B-K4 serre un poing victorieux avant d’enfin contempler le résultat. Ah, une nuance de déception le prend alors : le manche est trop bas, sa visée est bonne mais son lancer n’est pas parfaitement adapté à la distance. Il faut reprendre.
Solitaire dans ces lieux, il les a aménagés de sorte à exposer plusieurs cibles composées chacune de divers matériaux plus ou moins résistants. Depuis son ascension parmi les bipèdes, un torrent de nouvelles sensations l’a pris d’assaut -l’engourdissant de sensibilités les plus grisantes les unes que les autres. Cependant, le tumulte l’a vite mis à vif et ses épaules se sont vite endolories de chocs contre ses semblables, lui, il était si habitué à rouler entre les grandes jambes des pilotes et des commandants, pas à les dépasser d’une tête. Il lui faut du temps, juste un peu. Lui qui a tout fait pour être utile, il se sent un peu perdu -l’esprit égaré dans des souvenirs funèbres et les pieds s’marchant dessus. Il essaie de faire taire les pensées qui le ramènent dans ce foutu sac, cimetière à ferraille et à entrailles, destination qui devait être sa dernière. Mais ça, il ne le dira pas -pas tout de suite. Tout ce qu’il faut c’est du temps, de l’entraînement et un peu de calme. Oui, voilà.

Et puis, il y a Aziel. Il a besoin de lui, il ne peut pas le laisser seul. Tant qu’il sera à ses côtés, alors, tout ira bien. Il s’ra sa béquille, son point d’appui, il ne le laissera pas replonger dans ses démons. Maintenant qu’il a deux bras, il peut le retenir, maintenir sa tête hors de l’eau.
Enfin, il l’espère. Il frôle son poignet, le communicateur prêt à être mis en fonctionnement ; il faut juste entrer les coordonnées du récepteur.

Un soupire, les cils de nouveau font tomber le voile. Le froid d’une nouvelle lame embrasse sa paume : cette fois, la manœuvre est plus technique, un ricochet qui doit former un angle à 95 degrés pour se planter dans… Un bruit soudain et un sursaut le prennent. Son bras relâche alors la pression et l’arme est libérée dans les airs. L’impact qui suit le fait faire volte-face pour aussitôt le figer : le couteau s’est planté dans une jointure de l’encadrement où se tient nul autre qu’Aziel. Après avoir constaté que celui-ci n’est pas blessé, BB lève un index défensif : « It was exactly what I wanted to do. »

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Il y a du sang. Des traits marqués, des yeux révoltés, qui cachent une peur glaciale face à la violence et la cruauté qu’on réserve aux ennemis qu’on n’estime pas. Il y a aussi des cris, des insultes, des hurlements. De la douleur. Quelque chose d’insoutenable. Et puis, brusquement, un silence - un silence assourdissant qui s’infiltre jusqu’au fond des os, jusqu’aux extrémités et paralyse. Un silence qui s’accompagne quelques minutes plus tard par des pièces détachées partout dans la pièce étroite et froide, et cette diode qui clignote à peine; et puis ce silence, encore, encore, qui rend fou. Soudain - le réveil. C’est un sursaut et la transpiration qui colle à la peau, le regard hagard et les tremblements qui secouent les membres empêtrés dans le drap humide. “...BB!” C’est un cri qui se meurt dans le silence de la pièce. Le communicateur est désespérément absent, aucune réponse ne lui parvient et il lui faut quelques secondes, pendant lesquelles la panique le saisit, pour redescendre du mauvais rêve dansant encore devant ses yeux grands ouverts, avant de reprendre conscience de la réalité de ce qui l’entoure. Le regard est rapidement attiré par le côté de la pièce, de façon instinctive, s’attendant à y trouver un petit droïde rouge et blanc en veille. Bien sûr, les yeux ne trouvent rien. Bien sûr. Le corps retombe en arrière, la tête sur l’oreiller, et les paupières se ferment alors qu’un long soupir encore un peu tremblant est exhalé. La respiration se fait plus longue, plus lente. Quelques minutes sont nécessaires pour reprendre pleinement ses esprits.

C’est après s’être lavé et changé qu’il finit enfin par sortir de la chambre et qu’il arpente les couloirs de la base de l’alliance rebelle d’un pas vif et déterminé. Les cernes sont lourdes et marquées mais cela ne surprend plus personne avec les événements des derniers jours. Il est d’une humeur de chien mais ses collègues laissent couler; il est évident pour tout le monde que lorsque les choses se seront tassées après l’accident qui s’est déroulé avec B-K4 et que le pilote aura calmé un coeur un peu fou d’avoir imaginé le pire il ira mieux. La complicité entre le petit as du vol et son maintenant androïde au caractère un peu trempé n’est un secret pour personne et personne n’oserait faire de commentaires désobligeants. Aziel, lui, espère qu’ils ont raison. La vérité est plus délicate, et plus profonde, mais comme il a l’habitude de le faire, il préfère se concentrer sur autre chose. Il est agité, et presse le pas. Cela ne fait que quelques jours, et l'androïde semble bien aller, mais Az n’est pas du tout tranquille de ne plus pouvoir communiquer avec lui qu’importe la distance; c’était déjà le cas auparavant mais il est légèrement paranoïaque depuis l’incident.

A peine entré dans la pièce, tous les sens en alerte, qu’il cherche à éviter un projectile - un couteau, qui se fiche juste à côté de lui, dans l’encadrement. L’adrénaline fait battre le myocarde un peu rapidement. Légèrement sous le choc, le visage se lève brusquement vers l’instigateur du geste, qui n’est qu’autre que BB bien sûr - il n’arrive pas à se faire de devoir lever le regard pour converser avec son fidèle ami. Il y a beaucoup de choses auxquelles il n’arrive pas encore à se faire. Il fait les gros yeux à sa réponse. “Are you crazy?! Your target is over there” Il lance avec humeur, se faire poignarder n’est pas nécessairement dans ses plans, même si cyniquement cela règlerait bien des problèmes sans doute. “What’s that new obsession anyway?” Très rapidement après son réveil, l’androïde a jeté son dévolu sur les couteaux et le lancer de couteau, pour une raison qui échappe un peu au pilote. “Is everything okay?” Il ajoute. La question est générale, et peut être transpirante de trop d’inquiétude mais seulement trois jours sont passés et le souvenir irréel du monde dans lequel BB n’existe plus à ses côtés est encore trop vif dans l’esprit.  

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Dans l’instant suspendu, Bedee observe la scène. Sur les traits d’Aziel, sillonnent l’inquiétude et la fatigue. Il semble sorti d’un sommeil sans repos et à cette constatation, le cœur mécanique de B-K4 se sert ; il pensait que les songes de son ami avaient été domptés depuis qu’ils avaient eu la certitude que les circuits de l’androïde étaient hors de danger, la veille. Les regrets s’installent alors sur son disque dur, comme ce désir égoïste qu’il a eu de découvrir ses nouvelles capacités sans la surveillance parfois étouffante d’Aziel. Ce matin, il s’était d’ailleurs éclipsé dès qu’il ait été assuré que ce dernier était profondément endormi. Il aurait dû veiller un peu plus, prendre le temps nécessaire d’éponger son front fiévreux de cauchemars… Pote en carton qu’il est, tas de boulons sans cervelle. Il faudra qu’il trouve les bons mots pour apaiser les rides troublées de son humain. La nouvelle du communicateur devrait l’apaiser, ne serait-ce qu’un peu.

Quand les mots sont prononcés, le temps reprend son cours et B-K4 ne peut retenir un rictus moqueur face à l’expression scandalisée de son vis-à-vis. Celui-ci ne se fait toujours pas à certaines nouveautés, comme la taille de l’androïde ou sa nouvelle passion. « Well, I might be. » Répond-t-il à la question sur sa potentielle folie, une transition de corps aussi brusque, il y a de quoi déstabiliser plus d’un système. « But don’t worry, I will never accidentally stab you. »
Sur ces mots, il s’en va ramasser et désencrer les couteaux des cibles éparpillés dans la salle. Aziel l’interroge sur cette nouvelle obsession et une expression pensive se pose sur ses traits. Un instant de réflexion plus tard et il rétorque : « I don’t know, never had hand before and yeet- I mean, throwing stuff is very therapeutic, y’know. » Un haussement d’épaules plus tard et il se tourne face à son ami, celui-ci posant des mots maladroits sur son inquiétude. Une nouvelle fois, B-K4 prend quelques secondes pour répondre : « I… Everything is weird, but I’m okay I guess ? No short-circuits, no weird dysfunction… Everything changed but at the same time, it’s like I am where I am supposed to be. » I’m not going anywhere « It’s a new normality I guess, I just need some time to adapt and... » Il fait un geste vague vers sa tête, ne voulant dire à haute voix ses troubles pour se réapproprier sa propre mémoire et pour accepter les souvenirs de sa presque-mort. « Anyway, more importantly… » Il se reprend, s’approche d’Aziel pour planter ses yeux dans les siens -se penchant un peu pour être à sa hauteur : « You really don’t sleep well lately, do you ? Do you make sure you eat well ? You shouldn't go back to work without having proper rest. » Un doigt inquisiteur se pose sur la ride du lion de l’homme, comme pour lui ordonner de fondre et apaiser la tension qui lui parcoure tout le visage.

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Se réveiller et avoir BB à ses côtés. C’est une chose toute simple, qu’il n’a plus. Qui n’existera plus, sans doute. Bien sûr, Aziel ne peut pas en vouloir à l’androïde de ne plus rester à ses côtés la nuit. Du reste, ce serait sans doute étrange, s’il le faisait toujours. Aziel observe BB se déplacer dans la grande pièce, avec son nouveau corps humanoïde, pour récupérer tous les couteaux qu’il a précédemment lancés. Il lui faut s’habituer à le voir ainsi. Il lui faut pleinement assimiler que c’est bien, BB, sa petite unit blanche et rouge, dans ce corps. C’est toujours le même ami, le même caractère, le même passé. C’est BB, son ami de toujours, et cela ne va pas changer. Il ne lui en veut pas, de prendre son envol, de vouloir passer du temps sans lui. Après tout, même pendant ses jours en tant que droïde, il ne l’a jamais considéré comme sa propriété, toujours comme une entité libre qui avait le droit de faire ce qu’elle voulait, qui avait le droit de vaquer à ses propres occupations. Mais ce nouveau changement reste un bouleversement, et il est difficile, dans les moments les plus sombres de la nuit, de ne pas s’imaginer que, peut être un jour, BB réalisera à quel point il est cassé, et voudra s’en aller, cesser de lui coller aux basques, vivre sa vie sans lui. Et le pilote ne pourra jamais lui en vouloir. Est ce qu’il pourra s’en remettre, par contre? Rien n’est moins certain.

L’humour de BB est toujours le même, et c’est un point comme un autre qui rassure Aziel, qui roule des yeux. « aha, very funny » il ajoute, l’air faussement impassible mais avec un fantôme de sourire au coin des lèvres. « Feeling better now » Il rajoute sur un trait d’humour, avant que tout son sérieux et son inquiétude ne revienne sur ses traits tirés. Il ne cesse de lui assurer qu’il va bien, depuis le transfert, et Aziel ne cesse de douter de la chose. Le changement a été si immense. Rhil lui même n’avait jamais testé une telle chose, dans une telle urgence qui plus est. « Alright… We should probably see Rhil again just to make sure eveything is all good » il commente tout haut, se mordant un peu la lèvre inférieure. « Yeah, that’s a big change of course you need time. » Il glisse une main sur sa nuque. « I’m sorry if I seem all over you and your feelings all the time » il fait un peu maladroitement.

BB, néanmoins, semble avoir son propre but dans la conversation, et Aziel n’apprécie pas du tout que le sujet se tourne sur lui. Il fait la grimace alors que l’androïde se penche vers lui et presse son doigt sur une de ses rides. « Not really but that’s fine I’ll power through - stop enjoying being taller than me » Il ajoute, dans un effort de désamorcer une conversation trop sérieuse qui l’accule dans un coin. Au reste des propos de l’androïde, néanmoins, le pilote s’offusque. « There’s no time to slack off! They need me on missions and stuff. » il est hors de question qu’il reste ici juste parce qu’il ne trouve pas le sommeil. Il ne le peut pas, de toute façon, il ne sait pas comment son cerveau le supporterait. Il humecte ses lèvres. « And, maybe… » Il y a une hésitation, là. « when you’re fully recovered and the communicator is back on… maybe you can come with me? » Il se trouve con, soudainement. Et s’il a tout sauf envie de le suivre partout, comme avant? « I mean, we don’t have to do that either, whatever you want, you know. You’re all free. » 

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