taliesin jynn | safe & sound

episode i : suffocate
An -5. Tatooine.

Ca fait mal. Tellement putain d’mal.

T’sais qu’quelque chose s’est brisé, dans ta mâchoire et au niveau d’tes côtes. T’as entendu l’craquement, sur l’coup, et maintenant t’arrives plus à bouger. Respirer est difficile et t’reste juste là, seul, vautré sur l’sol poussiéreux d’la pièce où on t’a laissé.

T’pleure malgré toi, malgré qu’ca t’fasse mal. Les larmes coulent et tracent des sillons plus clairs sur ta peau salie d’terre et d’sang. C’loin d’être la première fois qu’on t’bat, qu’tu prends des coups, mais c’définitivement la plus violente.

T’as dépassé les bornes, apparament. Mais t’aurais pas pu faire autrement. Fermer ta gueule et laisser Carys essayer d’négocier toute seule? Pas question. T’préfères encore d’loin qu’votre propriétaire s’soit énervé contre toi plutôt qu’sur elle.

Mais t’as échoué, Taliesin. T’as pas réussi à l’convaincre, ni en lui présentant des arguments raisonnés, ni en l’suppliant et finalement encore moins en élevant la voix. T’as trop insisté, t’es pas resté “à ta place” comme il t’a dit pour justifier l’premier coup. Et maintenant qu’t’as échoué, Carys viendra plus avec toi chaque matin jusqu’à la mine. T’pourras plus veiller sur elle et t’assurer qu’il lui arrive rien, lui donner une partie d’ta ration lors des repas ou tenir les coups à distance. T’vas partir seul et la laisser derrière, avec votre mère, derrière les portes closes du bordel.

T’aurais tellement voulu lui éviter ca. T’en a la nausée et c’ca qui fait l’plus mal, au-delà d’tes os cassés.

T’restes là longtemps, puis arrives à t’remettre debout d’peine et d’misères. L’chemin pour gagner les quartiers des esclaves t’semble infiniment long, une agonie, mais c’rien à coté d’ton coeur qui s’brise quand t’entend l’cri d’détresse d’Carys, suivit par celui d’ta mère, quand elles t’voient arriver.

Ta seule consolation, celle d’un lâche, c’est d’perdre conscience au moment où les bras d’tes proches s’referment autour d’toi pour t’soutenir et t’emmener pour t’soigner. Parce que ca veut dire qu’t’as pas pu voir l’moment ou Carys a réalisé c’que ton état voulait dire d’ton échec et pour elle. Et son regard d’peur pourra hanter qu’ton imagination, mais pas tes souvenirs.


episode ii : too much, never enough
An 0. Tatooine.

Inspire. Expire. Une respiration à la fois.

Mais l'air entre plus dans tes poumons. T'paniques, t'as mal, t'veux crier. T'veux tellement crier, hurler, t'arracher la gorge sur des sons pour enterrer la réalité et, avec un espoir fou, la changer. Mais y a rien qui sort d'entre tes lèvres.

Tu tombes, genoux à terre. La poussière recouvre ton uniforme. Les larmes coulent sur tes joues et tu les regardes. Elles deux. Elles devraient être trois. Et c'est c'chiffre manquant qui fait pas d'sens, qui fait si putain d'mal. T'es arrivé trop tard.

Ta mère est à genoux devant toi, t'serre fort, et t'as pas réaliser l'avoir enserrée d'tes bras toi aussi. T'as peur un instant d'étouffer l'bébé entre vous. Pensée volante dans l'chaos d'bruits sans aucun sens qu'est l'brouillard d'ta tête. T'sais déjà qu'ca fera pas moins mal avec l'temps.

Inspire. Expire.

Meurs et relève toi, Taliesin.


episode iii : just an other drop of water
An 2. Naboo.

T’détestes ca. Cette sensation désagréable qui t’prend dans la poitrine et t’serre la gorge à chaque foutue fois. T’as du mal à l’expliquer, Taliesin. T’aimes encore moins en parler, parce que ca t’donne l’impression d’être cinglé.

Ca peut être aussi simple qu’un verre d’eau renversé, et d’un coup, t’as un peu plus d’mal à respirer et t’arrive pas à t’concentrer sur autre chose qu’récupérer les gouttelettes précieuses. T’es maniaque, qu’certains d’tes collègues disent. T’es chiant et tu tombes sur les nerfs, qu’un amant t’a déjà dit. T’es bizarre, qu’Llö souligne avec un rire d’enfant.

Ta mère comprend, par contre. Parce qu’elle aussi, toute sa vie, a dû rationner l’eau trop rare qu’on lui donnait comme quelques choses d’plus précieux qu’l’or. T’en as trop manqué et la peur qu’les tiens meurent d’soif, même quand tu t’tiens près d’un des lacs d’eau potable d’Naboo, s’est infiltré dans tes veines et sous ta peau. C’est une obsession qu’tu sais pas rationnelle et qu’si t’arrives pas à l’arrêter, au moins t’essaie d’la garder le plus discret possible.

Mais c’soir, t’es chez toi, et t’sors méticuleusement les bouteilles d’eau presque vides qu’t’as récupéré au courant d’la journée sur la base militaire, abandonnées par tes collègues, pour arroser les plantes d’votre appartement.

“Il y en a beaucoup aujourd’hui...”

Tu relèves la tête vers ta mère qui, comme la plupart du temps, est dans la cuisine à préparer quelque chose à manger. Autre maniaquerie héritée d’vos vies d’esclaves, vous avez peur d’manquer d’nourriture. Mais contrairement à l’eau, qu’gaspiller t’es physiquement insupportable, la nourriture, elle, vous tombez presque dans l’excès. Les placards sont pleins, prenant toujours deux ou trois cannes plutôt qu’une lorsque vous avez besoin d’quelque chose, et t’regarde pas à la dépense quand il est question d’manger bien et à sa faim. T’veux jamais, JAMAIS qu’Llö sache c’que ca fait d’s’endormir l’ventre vide. Ta mère est pareille.

“Allez, viens manger, c’est prêt, t’finiras ca plus tard. Llö, chérie, à table! ”

T’laisse les bouteilles près d’la fenêtre alors qu’t’entend les petits pas précipités d’Llö qui accourent depuis sa chambre. T’attrapes la gamine au passage, la soulevant dans les airs en la faisant éclater d’rire, et lui fait faire l’avion avant d’la serrer pour embrasser sa joue.

“Hey luciole~”
“Papa! Vole! Enco’e!”

T’ris en la voyant étirer ses petits bras pour imiter un vaisseau volant et t’fais pas prier pour le soulever d’nouveau au-dessus d’ta tête, la faisant “voler” jusqu’à la table. Elle sait qu’t’es pas son père, Llö, qu’t’es son oncle, mais pour elle, c’fait aucune différence.

T’as des cicatrices, Tal. Elles s’manifestent sous forme d’verres d’eau qui t’angoissent et d’placards pleins d’nourriture, mais aussi d’cauchemars, d’crises d’panique qu’tu caches même à ta mère, d’ton lit désespérément vide d’qui qu’ce soit pour t’y tenir compagnie... mais t’arrives à être heureux. Juste là, quand t’vois l’sourire d’Llö, t’arrives à oublier c’qui fait mal.


episode iv : to care is a dangerous thing
An 5. Naboo.

Sherveen a été abattu.

Ces mots-là, ils résonnent longtemps dans ta tête. T’paniques, la nausée à la gorge et l’sang quittant ton visage d’une horreur surprise. C’pas vrai. Putain, c’pas vrai... Parce que cet homme dont on vient d’t’annoncer la chute, c’est pas qu’ton supérieur. C’est ton frère d’arme, c’est ton ami, c’est… fuck. C’tellement plus.

L’autre en face d’toi, l’crétin qui a mal choisi ses mots, s’rattrape néanmoins pour t’dire qu’le vaisseau d’Sherveen a été abattu, oui, mais qu’lui est toujours vivant. Inconscient, gravement blessé et en route vers l'hôpital militaire, mais vivant.

Alors l’autre crétin, il t’entend gueuler pour la première fois. Toi qui es l’maillon calme d’l’escouade, toujours en contrôle, efficace et professionnel, d’un sang-froid qui plaît à tes supérieurs et d’une douceur qui t’rend malgré tout sympathique pour tes collègues. T’es discret, Taliesin. T’as jamais un mot plus haut qu’l’autre et t'accueille critique et insulte la tête haute, réplique sans éclats. Mais là? T’as eu peur. Tellement putain d’peur.

Alors t’lui a crié dessus, à l’idiot surprit. C’pas long, par contre, parce qu’tu tournes rapidement les talons pour gagner l'hôpital. On t’interdira l’accès pendant un moment, jusqu’à c’que Sherveen s’éveille et sorte des soins intensifs.

Et c’est dans la salle d’attente, sur un siège inconfortable et dans l’odeur aseptisée des corridors qu’t’as réalisé qu’t’as peut-être un peu merdé pour quelqu’un qui a juré d’pas trop t’attacher.