[Flashback An 5] After the crash [Taliesin]

Une myriade de tests, puis on te laisse enfin en paix dans ta chambre. Tu grimaces, pestes un peu, agacé de fatigue comme de douleur, éreinté par l’énergie que ton corps draine en se soignant. Tu te laisses aller contre le dossier de ton lit remonté, passes une main dans tes cheveux pour les repousser vers l’arrière et soupires, alors qu’ils retrouvent tout aussi vite ton visage à la seconde où tu les relâches.

Tu détestes l’hôpital. C’est la première fois que tu te sens à nouveau coincé depuis tes quinze ans et ça te rebute, relègue le moindre personnel soignant pourtant bien intentionné à un statut bien peu reluisant.

T’as juste hâte de rentrer chez toi. Retrouver tes choses, ton lit, la compagnie de BB-J22.  

Le pauvre doit être inquiet, sans nouvelles de toi depuis des jours, mais toi, t’es infiniment heureux qu’il ne t’ait pas accompagné ce jour-là. Tout droïde qu’il est, tu t’y es attaché et ne voudrais pas le perdre.

Tu attrapes ta holo tablette pour y traînasser un peu, sans rien trouver qui te tente vraiment, optant pour perdre du temps à ne rien vouloir plutôt qu’à regarder ou lire quelque chose d’intéressant.

T’as perdu Bogwing.

L’idée elle-même est presque farfelue, mais c’est pourtant bien le cas. Tu l’as perdu, ramassis de carlingue tordu, brûlé, brisé. Et sans l’avoir vu de tes yeux, t’as du mal à réaliser et accepter. Du mal à t’y faire.

Et tu n’as aucun enthousiasme à l’idée d’avoir un nouveau vaisseau. C’était l’ancien qui te plaisait. Qui était fait pour toi. Des victoires et des défaites vécues en son cœur, mais gravées dans le tien. C’est comme si t’avais perdu une partie de toi. On aurait tout aussi bien pu t'amputer une jambe que le résultat aurait été le même.

Tu souffles un soupir douloureux, tressailles quand ça cogne à ta porte et relève rapidement les yeux, reprenant un peu contenance.

”Oui ?!”

T'commences à sacrément bien connaître cet hôpital, Tal. T'reconnais ses couloirs, son personnel... et t'as même d'la familiarité avec la chambre devant laquelle tu t'trouves. Pour toi qui aimes pas les hôpitaux, c'particulièrement notable, mais ca s'explique tout simplement par la présence d'Sherveen Hesas derrière la porte à laquelle t'viens d'cogner.

Son autorisation t'parvient un peu en sourdine et t'ouvre doucement en passant la tête d'abord, puis en présentant l'sac contenant les bols d'ragoût et les beignets frits aux légumes du resto d'à côté qu'il adore, comme une offrande. T'as aussi un sac avec des trucs cuisinés par ta mère, question d'lui sauver un peu plus d'la bouffe d'l'hôpital et essayer d'aider à son moral.

"C'ta livraison spéciale!"

T'entre plus franchement dans la chambre d'hôpital avec un sourire aux lèvres et ton calme habituel. Ton expression s'fige un peu quand t'avise sa tête par contre, et t'retiens une petite grimace.

"Hmf, dure journée?"

T'avances jusqu'à son lit, ton regard posé sur ses traits et tentant d'lire dans son regard si c'son moral qui fait défaut aujourd'hui ou si c'la douleur qui l'accable. T'pourrais pratiquement l'tirer à pile ou face. T'poses les sacs sur la petite table près d'son lit et prends pas place dans l'fauteuil à ta droite comme à ton habitude, demandant plutôt avec précaution :

"T'préfèrerais être seul, c'soir? Si c'pas un bon moment, j'peux revenir, c'pas un soucis."

Mais ton regard s'attarde. Tu t'imposeras pas, mais t'veux être là pour lui. T'sais pas dire comment t'as eu peur d'le perdre, t'sais pas nommer c'que ca t'a fait d'le croire mort, même si t'as un peu essayé lors d'ta première visite, quand on t'a enfin permis d'venir l'voir après son réveil. Alors c'comme ca qu'tu l'communiques, d'une certaine façon. En lui amenant à manger, en l'laissant pas seul dans cette foutue chambre d'hôpital, en lui changeant les idées d'Bugwing... en étant là. L'plus qu'tu peux.

C'pas complètement désintéressé non plus, faut dire. Parce que ca t'rassure toi au passage également. Parce que t'as c'besoin d'le voir, d't'assurer qu'il va bien, d'l'entendre rire. T'sais pas dealer avec c'que tu ressens vraiment, mais dans tous les cas, t'as presque perdu ton meilleur ami et ca... juste ca... c'est assez pour qu'tu passes la plupart d'tes soirées dans l'odeur aseptisée et pour toi angoissante d'une unité d'soins.

Impossible de ne pas sourire, du moins, un peu, quand Taliesin s’avance dans la chambre avec ses sacs et sa prévenance.

Enfin quelque chose de positif dans ta journée et ça te rassèrène agréablement, mais tu n’as pas vraiment le temps de le saluer que tu vois une grimace passer sur son visage, ou du moins, l’esquisse et tu te doutes du spectacle un brin minable que tu dois représenter. Il demande si c’est une dure journée, approchant du lit, avant de s’asseoir et de te demander si tu veux être seul.

C’est toi qui grimace cette fois et tu te redresses un peu, ignorant ton corps endoloris.

”Non, non, restes. C’est bon. C’est juste…” Tu roules un peu des yeux. ”J’ai passé des tests, c’était pénible et je suis un peu… gnpf.”

“Gnpf” exprimant clairement l’état dans lequel tu es, du moins, à tes yeux.

”Ça fait plaisir, que tu viennes me voir… Et il y a de la nourriture pour sustenter… tout l’escadron.” Ça te tire un petit sourire. ”Merci… J’apprécie vraiment...”

Et t’as pas besoin de te forcer pour le dire. Taliesin, c’est sans nul doute ton meilleur ami, un collègue que tu respectes et dont tu reconnais sans mal les capacités, un frère de passé d’esclaves, de quoi vous comprendre d’un seul regard, bien souvent.

Cet homme est vraiment important pour toi. Et qu’il soit là si souvent, c’est juste… Ça te fait vraiment très plaisir.

“Gnpf”. Ça t'fais grimacer avec compassion, mais aussi sourire un peu en coin. Sherveen qui grogne, c'est immanquable qu'ca t'amuse tout l'temps... et qu'ca t'colle un élan d'affection pour lui difficile à ignorer. T'perds quand même rapidement ton sourire pour froncer des sourcils, inquiet.

"T'as eu d'mauvaises nouvelles avec ces tests?"

Ses blessures sont graves et complexes, et même s'il s'en sort vachement bien et guérit aussi bien qu'on pourrait l'espérer jusque là, il est pas à l'abri d'complications ou qu'on lui annonce qu'sa convalescence va prendre encore plus longtemps qu'prévu. Son moral en prendrait un coup si c'ça, déjà qu'il a du mal à rester immobile dans c'lit... et ça expliquerait qu'il tire cette gueule, aujourd'hui. T'comprends vachement l'sentiment, toi même ayant du mal à pas être actif, limite maladif par moment.

Il semble néanmoins retrouver un peu l'sourire à la vue d'la nourriture qu'tu lui apporte, et ça t'redonne l'sourire. T'ris même un peu à son commentaire et hausse une épaule.

"J'passerais l'merci à ma mère, elle dit qu'la nourriture d'l'hopital est horrible et qu'tu pourras jamais guérir avec, et j'cite, "la bouillie pour porg qu'ils servent"."

T'ris encore, et détournes les yeux pour lui sortir le ragout et les beignets qu'il adore.

"Mais ouais, ça, c'est l'classique qui vient d'moi."

T'as un petit sourire désolé, roulant un peu des yeux aussi, comme s'tu t'trouvais ridicule qu'ta mère déteigne à c'point sur toi. Mais t'aimes lui faire plaisir en lui ramenant l'resto qu'il aime. T'aimes avoir l'impression d'faire une petite différence dans ses journées, d'prendre soin d'lui comme t'peux.