Always remember, your focus determines your reality. (ft Noon)

@Tehanu Keikodi

La plupart des membres de l’équipage traînent ailleurs que sur le vaisseau, ces derniers temps, et c’est tant mieux. Qu’ils s’entassent dans l’appartement du sud de Theed ou dorment dans le caniveau après une soirée trop arrosée, c’est pas mon problème. Je suis plus tranquille sans eux. Vee s’est barré depuis trop de jours, et mon humeur a du mal à être autre chose que massacrante, sans lui. Ma patience et ma tolérance pour les conneries d’autrui en sont réduites à néant. Il faudrait presque que je me recharge en journée pour m’assurer de ne croiser personne, au moins dans mon placard on n’ose pas me déranger. Pourtant il reste encore des choses à faire, on sait jamais quand on pourrait repartir en mission, avec la ruche, et faudrait pas que l’infirmerie se retrouve à court d’antidouleurs et pansements. A cinq heures trente j’ai déjà fait le tour de nos stocks et je quitte le Bumblebee pour aller acheter ce qu’il faut au marché noir. J’évite les rues fréquentées par les patrouilles de l’Empire, comme à mon habitude depuis que je suis supposé avoir un propriétaire recensé. Malgré les délires de Vee comme quoi on devait le faire, je suis toujours un androïde sans maître, et donc illégal. Ça m’est très agréable. A six heures trente, je suis rentré au vaisseau et m’attèle à ranger le nouveau matériel et le bordel qu’a laissé Vee derrière lui. A sept heures, j’ai terminé et j’ai plus rien à foutre de ma journée. Peut-être que je devrais aller emmerder Gabyn pour qu’il accepte de nouvelles missions, même sans médic à bord. Après tout je peux me débrouiller avec les blessures superficielles, suffit de pas choisir les missions où les humains risquent de se faire arracher un bras ou une jambe. C’est ça ou je me cherche une petite révolte androïde en préparation, histoire d’arrêter de tourner en rond.
Quelques coups à la porte, une mélodie débile, et mes sourcils se froncent en se posant sur le visage de l’intruse. J’oublie trop souvent que Tehanu semble se plaire à vivre sur le vaisseau, même quand il est cloué au sol. Pas le temps de lui dire de dégager qu’elle est déjà installée, la fouine, et je la toise un moment. Sa question n’a rien d’anodin, les humains sont faciles à lire, pour ça. Un air innocent sur la gueule et on peut être sûr qu’ils ont une idée de merde derrière la tête. Si elle est là, c’est probablement qu’elle a rien à faire sur le vaisseau. Quand ça vole pas, on fait vite le tour des tâches qui nous occupent. Elle en a sûrement marre des entretiens de routine. Des trucs qui te regardent pas. Ouvrant un des tiroirs, je fais mine d’en trier le contenu même s’il est parfaitement ordonné. T’as mal quelque part ? Tu t’es tordu le doigt en trafiquant un moteur ?, le sarcasme est présent, dans ma voix. Il ne s’agit pas de lui faire croire qu’elle est la bienvenue dans mes pattes, après tout. Si c’est pour autre chose, c’est non. J’peux pas m’empêcher d’être méfiant, avec Tehanu, depuis que j’ai compris qu’elle pouvait entrer dans ma tête. Pourtant on dirait bien qu’elle ne veut pas lâcher l’affaire, sur ce sujet.

@Tehanu Keikodi

Pas très aimable, dit-elle. Enfin quelqu’un qui le reconnaît. J’commençais à croire que j’étais toujours aussi doux qu’un agneau vu comment les gens ont tendance à me coller sans raison. On sait jamais qu’on m’aurait trafiqué le cerveau pour que j’m’imagine dire des trucs méchants mais qu’en réalité je suis l’androïde le plus charmant qui soit. C’est pas le cas. Bien. Ça m’arrange pas, par contre. Ça veut dire que y’a pas de raison pour que les humains veuillent rester en ma compagnie, et ils le font quand même. J’dois faire quoi, de ça ? J’peux pas leur taper dessus pour qu’ils se cassent, mon code m’en empêche. Tehanu ne déroge pas à la règle, elle n’a pas l’air du tout décidée à partir, à balancer ses jambes dans le vide comme une gamine, les yeux emplis de sournoiserie. Peut-être que y’a des personnes qui la trouvent mignonne, moi j’la trouve vraiment agaçante ; exaspérante ; chiante, dirait Vee. Un instant, je la dévisage. Rythme cardiaque de 87 bpm, régulier. Tu n’as aucun problème au cœur. Les humains m’énervent, ils savent bien qu’on comprend rien à leur concept débile de cœur. C’est qu’un organe qui pisse le sang pour qu’le corps crève pas. Je fais exprès de répondre à côté, alors, même si je n’ai pas réellement effectué de scan sur elle, ce serait une perte de temps. Elle fait que me faire perdre mon temps. On s’en fout que j’aie rien d’autre à faire.
Je referme le tiroir et me retourne vers elle, les sourcils froncés. Elle est encore là ? Sérieusement ? Il y a un moment de flottement, de silence. Elle semble se concentrer sur sa respiration et je ne mets pas longtemps à saisir pourquoi. Il n’est pas question que j’la laisse faire, elle a pas compris la première fois où j’lui ai gueulé dessus ? Heureusement elle est pas douée, j’ai l’impression que c’est un hasard, quand elle parvient à capter des morceaux de ma conscience artificielle. J’sais pas pourquoi elle s’est mis en tête que je serais partant pour servir de cobaye. C’est non. Et pour le lui faire savoir, je pousse un plateau en métal d’une étagère qui tombe dans un fracas retentissant. Levant les mains au ciel, je feins l’innocence. Farg, on dirait bien que je bugue à nouveau. Tout l’équipage est au courant qu’il m’arrive parfois quelques accidents, des maladresses sans importance, le plus souvent. Autant jouer de mes bugs plutôt que de simplement les subir, pas vrai ?