brennisteinn. (tadjedine)

an - 12 / sept ans dans ses habits d'apparat, le sith ne semble pas faire grand état de ce qui se passe. les parents, soignés, hochent lentement la tête et, parfois, jettent un coup d'œil à l'entrebâillement de la porte où se terre l'enfant dont le bras s'est enroulé autour des épaules de sa jeune sœur. il n'a pas peur. il sait ce qui se passe parce-que, de là où il se planque, la fierté dans le regard paternel est toute nouvelle. le premier né sera un chevalier du premier ordre, et tadjedine voit l'ambition furieuse sous les cils patriarches. il comprend que nevarro ne sera plus que dans sa mémoire dès le lendemain, qu'il deviendra l'insigne de la famille shaetris, cette bande organisée de serpents et de charognards au service d'un ordre dont ils ne connaissent que la façade. il sait que le père jouera le moindre de ses mouvements aux échecs, qu'il sera sa dame jusqu'à la fin de la partie. les yeux disent tout, ils racontent même l'indifférence. le père est doué pour ça, mais aujourd'hui il regarde son fils, et le reconnait. cela s'arrêtera à la première incartade. il y en aura beaucoup. il y en aura assez pour que de l'apathie filiale naisse quelque-chose de l'ordre de l'aversion. ce fils, un jour, transformera le regard d'aujourd'hui en grimace de dégoût.
an 9 / dix ans l'épreuve fut un succès. tadjedine, aujourd'hui scyrse,  n'a jamais fait défaut à sa maîtrise, il est prince de ses dispositions. ce qu'il a apporté avec lui sur ilum s'est évanoui par la volonté de ce qu'il avait à tout prix voulu réussir. il ne parlera pas de ce qu'il a affronté, ni de rien, d'ailleurs. il ne flanchera pas en saisissant le cristal brut devenu bleu entre ses doigts. il ne pleurera pas en présentant son véritable visage à son maître dont les espoirs se sont tordus aussitôt. il ne raconte rien à doja'r, le jeune adulte n'a pas besoin des mots de l'enfant pour comprendre ce qui se passera bientôt. ils sont seuls dans le cockpit du vaisseau à l'arrêt dans le hangar, il est déjà tard. le gamin sent les doigts paternels réconforter tranquillement son épaule d'oiseau et le geste lui est suffisant. doja'r a des démons qu'il ne reconnait pas et tadjedine sait que ce petit rien représente un univers. les épreuves seront un peu plus dures à partir du jour suivant. il s'y était préparé à la seconde où la colère avait tordu le visage de darth alldarr. une déception à la mesure de ce que l'on avait attendu de lui; immense et béante puisqu'il était si disposé à faire entièrement parti de la force sans jamais avoir besoin de la manipuler. elle coulait en lui comme le sang, il lui avait fait entièrement confiance. aujourd'hui, il ne sait plus très bien lequel des deux a trahi l'autre.
mais dans les yeux de doja'r, il y a des mots qui disent tu t'en sortiras. alors il hoche la tête et dépose sa joue contre le bras adverse. la nuit passera, comme le reste.
an 0 / dix neuf ans une victoire, comme une fête, c'est beau tant que ça dure. ça crie, ça illumine, ça racole. tadjedine est ivre ce jour là, aux pieds de batailles qu'il n'a pas menées. il sait combien sont tombés, et parce-qu'il ne voit les corps nulle part, sûrement qu'ils pourrissent dans la mousse, oubliés par la liesse ou les familles décimées. il y a des noms, il se dit, des noms qui ne survivront pas. les blessés verront les membres amputés être remplacés par la biotechnologie, mais existe t-il une puce pour reconnecter le corps et le cœur ? il y aura ceux qui parleront de la guerre et ceux qui l'auront faite. ceux là se sont brisés à l'intérieur. peu importe la façon dont ils mèneront leur guérison, on ne revient jamais tout à fait vivant d'une guerre. un empire de fantômes pour une faim de morts. c'est le genre d'after qu'offre la paix. des gamins dans les cimetières, des ivrognes qui n'ont pas enterré les souvenirs, des cendres dans les bocaux et des larmes sur les joues de ceux qui restent.
il n'est pas resté pour le thé. à cette petite seconde qui a tout changé, il doit le choix impartial qui vient de se déployer. arrêter de courir après tous les lapins à la fois, comprendre que l'abandon n'est pas sa défaite, avaler qu'une victoire se prépare même à l'ombre. ce jour là, tadjedine a déposé un premier et dernier adieu sur les lèvres de sa nemesis, coupable de sa fuite et coupable de ses choix délétères. c'est à elle qu'il faut penser. c'est elle qui verra les morts, qui en sentira leurs odeurs. c'est à elle que sa douleur s'adresse lorsqu'il part, elle, doja'r, eux qui ont ébranlé leur sécurité par amour. c'est eux qu'il veut tirer à lui, eux que l'enfant ne veut pas voir s'éloigner. ce sont eux, ses héros; et eux qu'il pleurera.
an 5 / vingt quatre ans l'environnement tout entier devient hostile, quand on connait la guerre. nar shaddaa n'est pas un endroit tranquille. il n'est pas la paix, peu s'en faut. nar shaddaa est un ventre en mouvement. il est constamment plein. on aura eu beau le chercher, la lune hutt est trop hostile pour estimer qu'une planque puisse être envisageable lorsque l'on porte la décence jedi. c'est ici qu'il devint faust, un enfant qu'on ne regarde pas. il a fait parti de la digestion. entre les buildings il a commis les larcins, s'est déshabillé pour la première fois sous un regard féminin, a grondé la force pour l'asservir à ses petites frappes et disparu sous l'alcool et la grivoiserie. si loin de naboo, il fait semblait d'oublier. il n'a pas de famille, pas de passé et sûrement aucun avenir. faust ne rêve pas. il ne donnera ni à l'empire ni au paternel la petite croquette de mérite qu'ils désirent tant. ici, il est peut-être confortable de ne jamais s'éprendre de principes.
il ne rêve toujours pas. pourtant les réveils sont soudains et nocturnes et son corps tremble jusqu'à la cime. la sueur lui colle les boucles aux tempes, et souvent, il a froid. il fait souvent ça. regarder le plafond, échoué sur des draps trempés, et attendre que ça passe. faire le mort, l'imposteur connait bien l'astuce. mais les remords, garçon, te retrouveront toujours, parce-que tu en es le terreau. il sait qu'à theed, si les tombes sont pleines seuls les noms des plus grands y sont commémorés. on ne vient pas pleurer les inconnus, ils ont fait parti de la vague. il se demande si sarsa'vah pense parfois à lui, si nev-ora faute de quelques regrets, si doja'r survit à l'imperfection de ce qui l'entoure sûrement.
et puis, il y eu cette nuit. une première, qui sera suivi de beaucoup d'autres. ce fut comme une scène, il en avait même senti le sable et la chaleur sur sa peau tannée par le soleil. il lui était apparu comme une banalité. tous les traits de son visage marqué par l'âge et le regard qu'il ne cesse de lui porter et ne convient pas au rire lui apparaissent si clairement qu'il semble déjà faire parti de sa vie. au début, la vision fut erratique mais le temps la précisa. l'autre n'est ni un souvenir, ni un fantôme et le même décor se rejoue. l'inconnu tourne les talons, ils s'affrontent un instant d'une œillade et la large main se dépose contre son épaule. il rejoue, et rejoue, et rejoue nuit après nuit, s'imprime jusqu'à ce que faust comprenne. il ne rêve toujours pas, parce-que la force n'a pas cette disposition, elle n'est pas chimère. il est là, se tourne, le regarde, et la main. encore. encore, jusqu'à ce que faust ne redevienne tadjedine.

comment ta vie a-t-elle changé avec l'an 0 et la création de l'empire ? chaque seconde est collée à sa mémoire comme des punaises. toutes ces centaines de tics et de tocs en métronome, il s'en souvient, en fait le tour, recommence la boucle. ne pas dormir mais rester étrillé au cauchemar. répondre d'instinct à la peur et à la gerbe. chaque minute est là. elle respire, se mouve, serpente, s'infuse en regret parfois, en ressentiments souvent et les souvenirs sont des fantômes et des hantises dans sa carcasse. le temps n'oublie rien. il n'a rien dévoré de cette défaite. mais, dans l'échec, s'est glissée le premier trait de sa victoire, celle d'une décision prise depuis le début et pourtant recroquevillée entre ses espoirs de convenance. face à l'implacable, l'édit terrible, l'abandon de ce qu'il aurait du être, devenir, représenter, s'étiole et s'étiole jusqu'à révéler le prisme au travers duquel il aurait toujours dû regarder. il abolit alors ses devoirs familiaux et laisse les restes de sa famille entre les mains de leurs convictions, précipité par la peur d'abjurer sans retour une force qui n'a jamais cessée de lui être évidente. burinée dans la peau, sa réputation ne l'aurait jamais sauvé de l'empire et la fuite fut sa meilleure condamnation. la lâcheté l'a suivi dans les ragots mais le repli avait avant tout été stratégique et, à plus forte raison, l'illustration de la survie. on ne reste pas dans la gueule du loup lorsqu'elle commence à se refermer sur ses poignets, par bon sens. par bon sens.